Boubacar Fadiala Kéïta est un ancien international du Stade malien de Bamako. Il fait partie des exceptions par rapport à l’alternance des études et du football. Soucieux de son cursus scolaire, il lui arrivait de tourner dos au ballon. Le constat révèle qu’il n’a pas atteint la plénitude de ses qualités techniques. Cela est d’autant plus corollaire que son talent pouvait le porter loin. Notre rencontre avec Gory à essentiellement porté sur un match du Stade malien qu’il a marqué. Lequel ? “Que sont-ils devenus ?” a secoué une fois de plus le cocotier de l’histoire du football malien, pour votre bonheur.
Boubacar Fadiala Kéita aurait dû faire partie de la célèbre équipe de l’AS Biton de Ségou qui a joué une finale de la Coupe du Mali en 1982. Il a transféré au Stade malien de Bamako un an plus tôt. Il faut retenir qu’il est le fruit de Soleil d’Afrique, un club de quartier de Ségou qui brillait de mille feux pendant les vacances.
Les relations familiales anticipent sur les intentions de l’équipe rivale de Soleil d’Afrique, l’Olympique. Gory intègre la Jeunesse sportive de Ségou. Ce qui lui a valu une sélection dans l’équipe régionale espoir. L’année suivante à la faveur de la Coupe Corpo, qu’il remporte avec l’Itema, le jeune Boubacar Fadiala est admis à l’AS Biton. Son père ne voyait cela d’un bon œil. Les études du jeune Gory étaient prioritaires.
Comment gérer cette décision d’humeur du vieux Kéïta ? Boubacar Fadiala qui aimait le football accepte les instructions de son papa : ne jouer seulement qu’à Ségou en fonction de son emploi du temps, ne pas faire l’internat lors des matches capitaux du Biton. A la Biennale de Mopti en 1981, Gory explose et porte l’équipe de la Venise malienne jusqu’en demi-finale. Il avait déjà décroché le DEF au moment de participer à la Biennale.
L’un des dirigeants du Stade malien de Bamako (devenu plus tard président du club), Mamadou Makadji, démarche ses parents pour son transfert au Stade, et s’investit, pour son orientation à l’Ecole centrale pour l’industrie, le commerce et l’administration (Ecica). Jeune frais directement venu de Ségou, pour des études à Bamako, et jouer en même temps dans un grand club comme le Stade, Gory vivrait-il sur une nouvelle planète ? Il avait les atouts cumulés pour ne pas être un touriste à Bamako : très brillant à l’école et talentueux sur un terrain de football.
Chères études
Toutefois, les données diffèrent. A Ségou, il pouvait se permettre tout, et conserver sa place de titulaire. Or, à Bamako, les places coûtent très chères. L’entraîneur Mamadou Kéïta dit Capi est très exigeant. En plus Gory avait des cours de 7 h à midi et de 15 h à 17 h. Le temps lui manquait, mais l’encadrement technique le ménageait. C’est surtout à l’internat qu’il récupérait sa forme physique.
Boubacar Fadiala Kéïta dit Gory était un jeune gaucher naturel, qui évoluait comme milieu relayeur. Mais ses qualités techniques convainquirent l’entraîneur Mamadou Kéita dit Capi à le transformer en ailier gauche. Il a intégré le Stade malien de Bamako au début de la saison 1981-1982. C’est la période de la génération dorée des Blancs de Bamako : Modibo Doumbia dit Modibo-Dix, Lassine Soumaoro, Adou Kanté, Aly Diarra, Mamadou Coulibaly dit Kouicy, Seydou Diarra dit Platini, Yacouba Traoré dit Yaba, Abdoulaye Kaloga, Boubacar Coulibaly, Gaoussou Samaké, Cheick Oumar Sangaré, Djofolo Traoré, Cheick Oumar Koné, Ousmane Kékoumana dit Bakoko, etc.
Fraîchement arrivé de l’AS Biton de Ségou, Boubacar Fadiala Kéita a intégré le groupe sans coup férir pour deux raisons fondamentales : le talent et la confiance du coach Capi. L’unanimité est établie autour des principes très durs du technicien, mais avec Gory il est plutôt flexible et psychologue pour mieux tirer profit du jeunot. C’est vrai qu’il n’a pas donné la plénitude de son talent, mais il a séduit Capi. Celui-ci a décelé un atout du jeune Boubacar Fadiala.
Tactiquement il était discipliné, or son entraîneur rêvait de systèmes jeu. Gory nous rappelle ce match de huitième de final retour de la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe. Le Stade malien est éliminé par Jil Hendessa d’Algérie. Score final 2 buts à 1, les visiteurs avaient gagné 2 à 0 à domicile. Cette élimination des Blancs de Bamako a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Et Capi a été limogé. Autre fait marquant ? La belle prestation de Gory ce jour-là.
Le fracas
Tel un essuie-glace, il allait dans tous les sens de la zone d’intervention tracée par Capi. Ce match historique, mais un souvenir amer nous a servi de brèche pour nous permettre de nous défaire de cette gêne occasionnée par le respect, la discipliné et l’accueil d’un aîné. Boubacar Fadiala Kéita se lâche : “Il faut reconnaître que la panique s’est installée dans le camp stadiste au milieu de la deuxième mi-temps. L’égalité sur l’ensemble des deux matches était rétablie, mais la débauche d’énergie a vite rattrapé l’équipe avant l’entrée même de Cheick Oumar Sangaré. Le système de jeu basé sur Abdoulaye Kaloga ne fonctionnait plus. Parce que les Algériens ont monté d’un cran, pour maintenir la pression. Ce qui rendait difficile le jeu stadiste. Malheureusement, le but éliminatoire est venu d’une perte de balle banale. Certains supporters ont spéculé sur cette élimination du Stade, avec l’argumentation d’une incompatibilité d’humeur entre Capi et Cheick Oumar Koné.
Lequel contestait la mise à touche de son jeune frère, Hamidou Koné. Je tire la conclusion sur l’angle d’une défaite collective, et non une question de personnes. La famille du Stade malien à trop souffert de cette élimination, pour ensuite s’accrocher à un débat stérile”.
Boubacar Fadiala Kéita a été choqué par l’élimination de son équipe et le départ de Capi l’a encore affecté. Pour lui le coach a été victime d’un faux procès. C’est des moments difficiles qu’il a vécus et qui l’ont éloigné des terrains d’entraînement pendant quelques semaines. Il a fallu l’insistance de Mamadou Makadji, pour qu’il reprenne les entraînements. Gory qui dit avoir des soucis de déplacement fournit de gros efforts pour continuer la saison. Au Stade malien de Bamako, il remporte la Coupe du Mali de 1982, et rate celle de 1983 face au Djoliba AC. En 1986, il termine avec l’Ecica, et transfère à l’AS Biton, entraînée par son mentor Capi, à qui Amary N’Daou fit appel pour donner une âme à l’équipe. Cette année l’équipe ségovienne sous la houlette du gaucher naturel, Boubacar Fadiala Kéita s’offre tous les grands clubs de Bamako. Cette forme du Biton traduisait sa qualité technique et justifiait sa sélection en équipe nationale par le coach Kindian Diallo pour deux saisons (1986-1988).
C’est lors d’un match amical des Aigles au Bénin qu’il s’est blessé au genou. Laissé pour compte, l’enfant de Ségou dit avoir recouru à un thérapeute traditionnel pour soigner son mal. En 1988, Gory est admis comme caissier, au test de recrutement de la Bank of Africa. Depuis lors, il travaille dans cette institution financière. Au terme de diverses formations, et de stages de perfectionnement il est promis au grade d’inspecteur.
Dans la vie, il aime le football et déteste la malhonnêteté. Boubacar Fadiala Kéita retient comme bons souvenirs : le dernier match face à la Jeunesse Sportive de Ségou, qui avait l’allure d’une revanche contre l’Olympique, la rencontre de Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe, malgré l’élimination du Stade. Ses mauvais souvenirs sont : la défaite à la Biennale de 1981 à Mopti, finale de la Coupe du Mali perdue en 1983, sa blessure au Bénin avec les Aigles du Mali.
O. Roger
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