Le Projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali est sur la table du président de l’Assemblée nationale. Avant même son examen par les députés, comme on pouvait s’y attendre, presque tout le monde se plaint et les mots ne manquent pas pour qualifier ledit projet : arbitraire car sans fondement objectif par les uns, discriminatoire pour les autres, source d’injustice sociale et politique grave pour certains, et tutti quanti. De toute façon, avant même son vote par l’Assemblée nationale, ce projet de loi est rejeté par plusieurs organisations représentant des communautés de régions du nord du Mali, et non des moindres, en ce sens qu’il constitue une véritable source de conflit.
Le Mali de Modibo Keita souffre énormément entre les mains d’un président réélu sur la base de la fraude et qui continue d’être contesté. Ce pays a besoin d’être sauvé, mais au rythme où se succèdent les événements, aucune embellie à l’horizon, notamment avec cette gestion des affaires publiques qui va de Charybde en Scylla.
En effet, comme si la crise actuelle au nord et du centre du pays ne suffisait pas, le régime IBK, par sa gouvernance de tâtonnement, veut nous amener dans une autre crise, à travers son machin de projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali.
Dans une de nos parutions, nous avions annoncé que la démission de l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, du parti au pouvoir, pourrait être liée à cette question de découpage administratif créant n’importe comment des cercles dans de nouvelles régions. C’est une véritable bombe à retardement.
Le Conseil Supérieur des Imghads et Alliés (CSIA) s’oppose
En effet, comment un pays fragilisé par les rébellions, les conflits intercommunautaires, peut-il prétendre faire adopter un tel projet par l’Assemblée nationale, sans au préalable se concerter avec les populations, qui sont les premiers concernés par cette réforme ? C’est d’ailleurs ce qu’a dénoncé le Conseil Supérieur des Imghads et Alliés (CSIA) avant d’annoncer son opposition à ladite loi : « Le CSIA informe de son opposition à toute création des collectivités territoriales qui ne seraient pas issues d’un consensus totalement inclusif conformément aux dispositions de l’Accord de Paix et de Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger ».
Le cadre de concertation des Kel-Ansar (G18) appelle à consulter les populations
Le cadre de concertation des Kel-Ansar (G18) a aussi sollicité le gouvernement à aller dans sens. « Nous appelons le gouvernement de la République du Mali à procéder aux consultations d’usage en la matière », ont-ils écrit dans leur communiqué publié le mercredi dernier, dans lequel ils disent aussi avoir appris « les nombreuses réactions négatives qu’a suscité ledit projet ».
Le Front Populaire de l’Azawad (FPA) considère que c’est de la provocation
De son côté, le Front Populaire de l’Azawad (FPA), à travers un communiqué du 10 octobre 2018 signé par le colonel Hassane Ag Mehdy, « dénonce avec la dernière énergie cette tentative d’exclusion et de mépris à notre égard que nous considérons d’ailleurs comme une provocation », écrit le FPA qui poursuit : « Nous restons très surpris avec la découverte de ce projet qui n’est basé sur une aucune logique. Et tout cela sans la moindre consultation. »
Le mouvement IR GANDA se désolidarise du projet de redécoupage territorial
Quant aux associations e culture Sonrhaï regroupées au sein du mouvement-IR GANDA », elles dénoncent, dans un communiqué rendu public : « Les insuffisances notoires dudit projet ; le caractère discriminatoire du contenu du texte qui ne prend pas en compte les réalités spatiales, sociales et économiques de nos populations ». Par conséquent, elle « se désolidarise dudit projet en l’état actuel de sa présentation ».
Tous les Maliens ont compris que cette loi ne fait l’affaire que de la CMA qui maintient une certaine pression sur le gouvernement pour obtenir ce qu’elle veut, suite à la connivence électorale qui a conduit aux bourrages des urnes. La récompense de la fraude électorale à grande échelle ? Une chose est sure : un jour viendra bientôt où les Maliens seront informés de tous les deals et complots ourdis sur son dos lors de ce scrutin car, comme ledit bien un adage : « Les grands bandits ne se disputent qu’à l’heure du partage du butin ».
Comme nous l’écrivions il y a peu, les différentes communautés noires se plaignent de ce projet de redécoupage administratif et crient à la discrimination. Pour beaucoup, c’est une source de conflit. C’est en ce sens que le cadre de concertation des Kel-Ansar (G18) déclare dans un communiqué dont nous détenons copie : « Le document en question consacre arbitrairement un découpage sans fondement objectif », avant d’ajouter : « Ce projet de loi sera source de conflit en raison du non-respect d’un principe fondamental, la consultation des populations sur toutes formes d’organisations les concernant ». Toutes ces associations communautaires estiment que ledit projet de loi est attentatoire aux libertés fondamentales des populations concernées.
Plaire aux enfants gâtés de la République regroupés au sein de la CMA
Notons que, dans ledit projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali, le gouvernement prévoit 20 régions que sont Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudenit, Ménka, Bougouni, Dioïla, Nioro, Koutiala, Kita, Nara, Bandiagara, San, Douentza et Gourma. La création des cercles a été faite de manière complaisante. Toutes les dispositions sont donc prises pour plaire aux enfants gâtés de la République, notamment les responsables de la CMA.
Kidal aura plus de cercles que les régions de Kayes, Ségou, Sikasso…
En effet, des régions moins peuplées se sont retrouvées avec un nombre élevé de cercles, alors que les régions les plus peuplées ont été réduites à leur plus simple expression au vu du nombre de cercles prévus par le projet de redécoupage territorial. Sinon, comment imaginer que la région de Kidal puisse se retrouver avec huit (8) cercles, alors que celles de Kayes, Ségou, Sikasso et Mopti n’en ont que quatre, chacune. Même la région de Taoudenit a plus de cercles que ces quatre régions. Donc, les mécontents de ce projet de loi ne sont pas que les communautés noires du Nord. Ceux du Centre et du Sud se sentent aussi discriminés au profit d’une minorité. Déjà, sur les réseaux sociaux, chacun exprime son mécontentement et dénonce la stratégie de ce gouvernement au service de la CMA.
Complicité dans une autre crise à naître
Il est clair, comme l’eau de roche, qu’aucune loi proposée par le gouvernement ne sera rejetée par l’Assemblée nationale dont la plupart des députés ne savent même pas leurs missions. Que les lois soient bonnes ou mauvaises, ils les adoptent. C’est le mot d’ordre du parti qui compte et le camp du pouvoir en profite toujours pour faire usage de sa majorité mécanique. Or, l’adoption de ce projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali signifierait leur complicité dans une autre crise à naître, qui s’annonce plus grave que celle que nous connaissons, si elle n’est pas évitée. Les députés doivent donc écouter les populations qui, catégoriquement, rejettent ce projet qu’elles estiment discriminatoire et suggérer au gouvernement de revoir sa copie après les concertations.
Le trio d’enfer doit faire attention (IBK, Soumeylou et Ag Erlaf)
Le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Administration territoriale doivent faire beaucoup attention pour sauver notre pays, déjà fragilisé, d’une autre crise. L’intérêt égoïste d’un groupuscule ne doit pas primer sur celui de tout le peuple malien. Sur ce sujet de découpage, la concertation des populations est plus que nécessaire et le trio d’enfer que constituent IBK, Soumeylou Boubeye Maiga et Mohamed Ag Erlaf, ne réussira pas ce coup de force institutionnel car une farouche opposition à ce projet commence à se manifester et cela d’être un remake, sinon plus, des protestations contre le projet de révision constitutionnelle. Alors, Messieurs, attention !
Boureima Guindo
Source: Le Pays