Dans le cadre de la valorisation des droits des femmes dans le monde et, plus précisément au Mali, nous avons été rencontrer, et cela à l’occasion de la Journée internationale de la jeune fille, une jeune dame battante pour l’implication des femmes dans tous les postes de responsabilité, tout en les aidant à faire manifester le trésor caché en elles. Cette jeune dame, connue sous le nom de Ténin Samaké, est une blogueuse spécialiste des questions genre au Mali. Elle nous parle de ses inspirations vis-à-vis de cette problématique genre, mais aussi et surtout de sa version de la Journée de la jeune fille célébrée hier, jeudi 11 octobre 2018. Lisez l’entretien !
Le pays : Pourquoi avez-vous choisi les questions des droits des femmes comme centre d’intérêt dans vos activités de blogging ?
Tenin Samaké : tout d’abord, je vais commencer par la genèse de mon blog. J’ai été womanager il y a de cela une année et quelques mois. Quand l’idée m’est venue de créer un blog cent pour cent féminin, surtout 100% femme africaine, c’était lorsque j’étais à Dakar, puisque j’ai eu le privilège de faire partie d’un programme de YaliDakar. Quand je suis partie, j’étais à la fois étonnée et séduite par l’intellect féminin que je venais de rencontrer. J’ai vu des femmes remarquables, des jeunes femmes totalement convaincues du sens du combat qu’elles menaient pour l’émancipation des femmes. C’est là que l’idée m’est venue de créer quelque chose 100% féminine.
À l’époque, il y avait certaines problématiques que j’avais personnellement notées. Mon premier constat était qu’on ne parlait pas assez de la femme africaine et l’image qu’on véhiculait d’elle sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans le monde, je trouvais celle-ci totalement fausse et l’interprétais d’une autre manière. Si on regarde sur les réseaux sociaux, les médias, on se dira que la femme malienne et l’intellectuel sont carrément deux choses différentes alors qu’en réalité, cela est faux. On a tendance dans ce monde à sous-estimer les femmes africaines. On dit qu’on est frivole, qu’on est superficielle, qu’on ne connait pas nos priorités. Tout ce qui compte pour nous, c’est nos maris. J’étais en plein constat parce qu’en réalité, je trouvais toutes ces informations erronées.
Les femmes qui m’entouraient dans notre programme Yali, c’étaient des jeunes dames vraiment remarquables qui font de leur mieux pour leurs pays et qui se battent nuit et jour pour hisser haut le drapeau des femmes. C’est depuis là que l’idée de la création d’un blog m’est venue à l’esprit.
Une fois au Mali, j’ai concrétisé cette idée afin de continuer avec mon activité de manageur. L’objectif était de faire chaque mois une interview de grande dame pour que les jeunes filles aient un modèle de réussite féminine à leur niveau, pour qu’elles ne soient plus tentées d’aller vers ce qui est facile ; ce que les hommes pourront leur offrir en leur montrant qu’elles peuvent elles-mêmes se battre pour avoir leur aspiration. C’est dans cette initiative que j’ai créé mon blog et également pour que les jeunes filles sachent qu’on peut bien réussir sa vie sans faire de son corps un objet à vil prix.
Pensez-vous que cette lutte produira des fruits pendant que certaines femmes ne croient pas en leur capacité d’égaler les hommes ?
Oui, je suis une personne fondamentalement positive et je pense que cette lutte portera ses fruits parce qu’on va dire qu’il y a de cela quelques siècles, les choses n’étaient pas comme dans l’Antiquité, les femmes n’avaient pas tout ce qu’elles ont maintenant, elles ne s’affirmaient pas comme elles le font aujourd’hui, elles ne s’imposaient pas comme elles le font de nos jours. L’histoire de la femme, de l’homme, de l’égalité est un sujet assez vaste, dans la mesure où les hommes croient avoir la suprématie, puisqu’ils ont été le premier être créé sur terre. Je pense que c’est un sujet difficile à aborder. Tout compte fait, nous ne devons plus juger quelqu’un sur sa sexualité. Si nous devons confier un poste à une personne, ça doit être sur la base d’un critère de mérite et non sur la base du sexe ou du genre. La lutte va porter sur ses fruits, j’en suis certaine, puisque d’ores et déjà, on a des femmes ministres, on a des femmes présidentes dans le monde et à la longue, les femmes vont prendre conscience du potentiel qu’elles ont et se battront davantage pour s’affirmer dans ce monde.
Comment pensez-vous y arriver ?
Déjà comme je l’ai dit au tout début, avec mon blog, j’ai commencé par des clubs, de l’écrit pour toucher ma cible qui est l’agent féminin. Quand je l’ai débuté, j’ai vu que le blog était insuffisant puisque la plupart de nous les jeunes filles ne lisent pas. J’ai jugé nécessaire qu’il fallait se rapprocher de la cible, les toucher, leur montrer tout ce que j’ai écrit dans mon blog, mais sous un aspect différent et c’est là que j’ai eu l’initiative de créer des activités offlines, c’est-à-dire des formations d’échanges avec les jeunes filles. Je suis déjà intervenue dans certaines universités et j’ai même réussi à organiser quelques-unes qui sont toutes aussi intéressées à la cause féminine.
Quand vous posez la question à savoir comment on peut y arriver ; je pense que c’est à travers les écrits, les connaissances et aussi à travers les activités qu’on peut parvenir à montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent être capables de faire et entreprendre. Nous ne pouvons pas vivre en étant docilement ce que les autres veulent que nous soyons ou à faire ce que les autres veulent que nous fassions. Il faut être une femme au tempérament fort pour s’assumer et surtout pour s’affirmer dans ce monde parce que là où nous sommes, il n’y a plus de place ni pour les faibles ni pour les hésitants. On est obligé de voir ses objectifs, de prendre certaines décisions et de faire la vie qu’on veut.
Avant votre dernier mot, aujourd’hui, c’est la Journée internationale de la jeune fille, pouvez-vous nous dire deux mots à cette occasion ?
La journée de la jeune fille doit être plus qu’une théorie ; chacun de nous doit s’engager durant 365 jours à aider les jeunes filles afin qu’elles développent leurs compétences, leurs capacités. Il faudrait également les aider à relever les défis de la vie quotidienne qui sont, entre autres, l’inégalité et l’exclusion dans une société conservatrice.
Votre dernier mot ?
Juste un simple conseil que je donnerai aux jeunes filles : prenez conscience de votre potentialité parce qu’en réalité, nous sommes fortes. La force est innée en chaque femme, surtout en Afrique. Imaginez ce que la femme africaine a vécu depuis l’époque coloniale jusqu’à maintenant. Je parle surtout des viols, des conditions conjugales des dernières années passant par l’adultère de nos maris et l’oppression de la société. Avec tous ces problèmes, la femme africaine parvient à avoir la force de tout supporter et de rester au foyer. Maintenant je demande aux femmes d’utiliser cette force, mais de façon différente. Ce que nous pouvons faire, c’est de canaliser toute cette force pour notre réussite parce qu’une chose est sûre, ni le Mali ni l’Afrique ne pourra se développer sans nous les femmes. Nous sommes une minorité en ce moment, on est opprimé par d’autres dans la société, certains nous trouvent frivoles, d’autres, artificielles, d’autres encore, superficielles et nous devons leur montrer que ce n’est pas du tout le cas. Ce qu’un homme peut faire, nous pouvons aussi le faire. Je ne parlerais pas d’égalité, de suprématie, je dirais juste qu’une femme et un homme sont complémentaires. En plus de tous ceci, ce je que voudrais ajouter, c’est de demander aux jeunes filles de ne pas céder à la tentation et de ne pas vouloir prendre un raccourci. Il faut qu’elles étudient et se posent des questions du genre.
Propos recueillis par Fousseni TOGOLA
Djeneba Touré, stagiaire
Source: Le Pays