Ça y est : de toute évidence, Ibrahim Boubacar Kéita, le président sortant, semble bien parti pour se succéder à lui-même. Du moins si l’on s’en tient au prêche de ce vendredi 3 août du Chérif de Nioro, qui avait apporté un soutien sans équivoque à Aliou Boubacar Diallo.
Deux enseignements sont à tirer de cette intervention remarquée du Chérif, juste au lendemain de la proclamation des résultats provisoires du premier tour de la présidentielle : tout en se déclarant, comme il l’a fait, désormais adversaire du président sortant et de son régime, le Chérif semble apparemment faire son deuil d’une mise à l’écart de son ancien poulain.
Aucune consigne de vote de Nioro
De toute évidence, le Chérif est convaincu de la plus que probable réélection d’IBK. Dans sa déclaration de ce vendredi, le Guide religieux de Nioro, indique prendre acte que IBK serait le plus que probable président de la prochaine mandature. Le leader religieux pense en effet que l’écart entre le président sortant et son challenger est trop important pour, sauf cas de force majeure vraiment extrême, empêcher le candidat de l’EMP de se succéder à lui-même. Le Chérif s’abstient d’ailleurs de donner quelque consigne de vote que ce soit en faveur d’un quiconque des deux challengers encore en lice. Au demeurant, le poulain du Chérif à cette présidentielle est arrivé, étonnant troisième certes, mais avec un score de 7,95 % qui est loin de fonder, dans le cas de figure actuel, une sérieuse épée de Damoclès pour décider de la réélection ou non de IBK.
On constate qu’au cours de ce premier tour, l’appel du Chérif de Nioro avait été entendu seulement dans la commune urbaine de la ville ainsi que dans les 8 communes du cercle de Nioro. Ailleurs, Aliou Boubacar Diallo avait fait de la figuration, souvent dans le trio de tête d’ailleurs. Une tenue tout juste correcte, mais qui explique que le novice s’est imposé devant les leaders politiques autrement plus chevronnés, pensait-on ; d’où une honorable place de 3e à l’arrivée.
Désormais adversaire de IBK
Prendre acte ne signifie pour autant pas que le Chérif a décidé de renoncer au temporel. Le Guide religieux a assuré, au cours de son prêche, qu’il entend désormais s’inscrire en adversaire du Président sortant qui pourrait être réélu. Désormais inscrit dans l’opposition à IBK durant le prochain mandat, comme il l’a laissé entendre, le Chérif semble camper sur sa position de rejet de IBK.
Ce qui est tout de même une première qu’une autorité religieuse se déclare ouvertement opposer à un président de la République. Toutefois, il faut rendre justice à M’Bouillé, ce dernier, ces dernières années, n’a pas manqué de critiques acerbes à l’endroit de IBK et le différend entre les deux personnalités était de notoriété publique, même si la cause échappe au commun.
On note que le religieux semble de plus en plus prégnant dans le jeu politique au Mali, et que ce sont les politiques eux-mêmes qui ont fourni les verges pour les battre. Et pour cause, avec sa tentative malencontreuse réforme du Code de la famille, le Président Amadou Toumani Touré avait offert l’occasion rêvée aux dignitaires religieux et prêcheurs de tous acabits de faire déjà une immixtion remarquée dans la sphère décisionnelle politique. À la suite de la rébellion et la sanglante équipée djihadiste et du coup d’État, cette prégnance avait lourdement pesé sur le jeu politique national et donc l’issue des présidentielles de 2013. Le hic est que l’absence de retenue de la sphère religieuse a occasionné multiples crispations sociales, comme on l’a observé durant cette présidentielle en cours, entre religieux déjà. Et donc inévitablement entre fidèles !
Yaya Traoré
Info-matin