Le Premier ministre Oumar Tatam LY a élaboré, fin novembre 2013, son plan gouvernemental étalé sur 5 ans, en attendant l’onction parlementaire via un vote de confiance des députés acquis à la cause de la nouvelle mouvance présidentielle.
Le Programme d’actions du gouvernement (PAG), pour la période 2013-2018, est conçu en application des directives du nouveau président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA alias IBK, dont il est une déclinaison des priorités ayant pour noms : la restauration de l’intégrité du territoire et la sécurisation des biens et des personnes ; la réconciliation des Maliens et la consolidation de la cohésion sociale ; la refondation des institutions publiques et l’approfondissement de la démocratie ; la promotion des femmes et des jeunes ; et la construction d’une économie émergente.
Ces priorités vont être explorées à travers six axes programmatiques : la mise en place d’institutions fortes et crédibles ; la restauration de la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national ; la mise en œuvre d’une politique active de réconciliation nationale ; la reconstruction de l’école malienne ; la construction d’une économie émergente ; et la mise en œuvre d’une politique active de développement social.
La réconciliation nationale
Mais, la priorité des priorités demeure, à n’en pas douter, la réconciliation nationale comme « un élément structurant de la stratégie de sortie de crise et de création des conditions de paix et de prospérité durable, sans lesquelles aucun développement n’est possible ». La politique active de réconciliation nationale visant essentiellement, selon le PAG, deux objectifs : reconstruire les fondations de la réconciliation nationale et apporter une solution définitive aux problèmes du Nord.
Pour la mise en œuvre de cette politique, énumère le PAG, un train de mesures a été arrêté, à savoir : la mise en place d’une Commission Vérité, Justice et Réconciliation, au sein de laquelle toutes les communautés du Nord seront équitablement représentées ; l’élaboration et la mise en œuvre d’un Programme de développement accéléré du Nord (PDAN) et la mise en place d’un Fonds de Cohésion et de Solidarité (FCS), instrument financier dudit programme ; la mise en œuvre de la Justice transitionnelle (nationale et internationale) ; le lancement du processus de négociation avec les acteurs de la rébellion ; le renforcement de la cohésion sociale entre toutes les composantes de la société ; le redéploiement du personnel judiciaire ; la création de nouvelles régions administratives; l’érection des régions du Nord en zone spéciale de développement économique.
La sécurité physique et juridique
Cette mesure est elle-même consubstantielle au programme essentiel visant « la restauration de la sécurité des personnes et des biens » qui passe, selon le PAG, par le développement des capacités humaines et opérationnelles des forces armées et de sécurité.
« À ce niveau, les principales mesures envisagées portent sur la réforme du secteur de la sécurité et la modernisation subséquente des capacités des forces armées et de sécurité à travers la mise en œuvre d’une loi de programmation militaire quinquennale qui comblera les déficits en termes de ressources humaines, d’équipements modernes, de déploiement opérationnel et territorial, de projection et d’anticipation, de renseignements, etc. », annonce le gouvernement Tatam, sans oublier non plus « les mesures législatives et règlementaires » pour faire aboutir, sans entraves bureaucratiques et sans délai, les dossiers relatifs au trafic illicite et au crime organisé.
Le sujet transversal, de nature à impacter les autres priorités du PAG, reste celui de la mise en place d’institutions « fortes et crédibles » dont la nécessité est redue opportune par la double crise sécuritaire et institutionnelle qui a frappé notre pays et dont nous continuons de vivre les conséquences néfastes dans tous les domaines et tous les niveaux.
Les objectifs visés par la mise en place d’institutions fortes et crédibles sont principalement, indique-t-on dans le PAG, la lutte contre la corruption et l’impunité, la refondation des administrations publiques, la réhabilitation de l’institution judiciaire, l’approfondissement de la décentralisation, l’approfondissement des instruments de la démocratie participative, la réforme du processus et du système électoral et le recouvrement d’une position forte dans un environnement international en mutation.
« La lutte contre la corruption et l’impunité sera organisée sur la base du principe de la tolérance zéro », énonce le PAG en guise de mesure phare qui s’articulera notamment, énumère-t-on, autour de 7 axes : l’accroissement des moyens humains et matériels des structures d’audit et de contrôle ; le renforcement du contrôle des collectivités territoriales décentralisées (CTD) ; la création d’un organe central de lutte contre la corruption, l’accroissement des moyens humains et opérationnels du Pôle économique et financier ; l’instauration de la tenue de la comptabilité matière dans les administrations publiques et parapubliques ; l’informatisation complète des administrations publiques ; et la mise en place de mécanismes d’écoute et de traitement des informations fournies par les citoyens.
Les mesures complémentaires ne sont pas négligées non plus : la refondation des administrations publiques, la réhabilitation de la justice, le renforcement de l’État de droit et l’approfondissement de la décentralisation.
La qualité de l’école et de l’homme
Mais, les ressources humaines, elles, constituent la colonne vertébrale de toutes ces mesures, en travaillant à « la reconstruction de l’école malienne qui traverse, depuis plus de deux décennies, nonobstant les efforts financiers soutenus consentis ces dernières années en faveur du secteur, une crise majeure qu’il faut conjurer».
Car, diagnostique le PAG, « la qualité de l’enseignement demeure préoccupante, contribuant à aggraver l’incidence de la pauvreté ».
Aussi, tous les niveaux scolaires et universitaires méritent-ils une reprise en main radicale : l’enseignement fondamental même si le taux brut de scolarisation est satisfaisant dans le premier cycle avec 82%, alors qu’il demeure faible au niveau du second cycle avec 48,8% et seulement 14,8% au niveau de l’enseignement secondaire.
« Dans le domaine de la formation professionnelle, le problème fondamental est l’insuffisance et la non-diversification de l’offre, constituant ainsi un obstacle majeur au développement du secteur privé. Pour sa part, l’enseignement secondaire général souffre de l’inexistence de formation qualifiante. Quant à l’enseignement supérieur, il est caractérisé par l’absence d’infrastructures, sa faible qualité et son inadéquation avec les besoins des employeurs », déplore le PAG qui prévoit, face aux insuffisances sus-évoquées, des mesures correctives par ordre d’enseignement, c’est-à-dire le fondamental, le secondaire et le supérieur.
Un Mali émergent
Cependant, comme le dit un adage bambara, « bôrô lankolôn ti jô » (ventre creux n’a point d’oreille), il va falloir mettre toutes ces musiques en symphonie sur le pas cadencé d’une économie émergente au-delà d’une « croissance réelle moyenne de 4,4% de 2000 à 2011, tirée principalement par le secteur primaire et, dans une moindre mesure, par le secteur tertiaire », au regard des « 7% requis dans le cadre de la lutte contre la pauvreté comme en témoigne l’incidence de la pauvreté qui se situe à 41,7% en 2011 et 42,7% en 2012 ».
Or, reconnaît le PAG, l’accélération de la croissance économique butte sur des obstacles encore nombreux : l’absence de main-d’œuvre qualifiée ; l’insuffisance d’infrastructures de base constitue un véritable goulot d’étranglement au développement économique, singulièrement dans le secteur de l’énergie et dans celui des routes ; le taux de pression fiscale de 14,7%, inférieur à la norme communautaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) de 17% ; un environnement des affaires peu favorable au développement du secteur privé ; le potentiel agricole reste sous-exploité, notamment en raison de l’insuffisance de microbarrages pour développer les périmètres irrigués.
Mais, au regard de ce qui précède, le PAG s’est fixé comme objectifs de porter le taux annuel de croissance économique à deux chiffres et de créer 200 000 nouveaux emplois, dont l’atteinte reposera, selon lui, sur 9 actions prioritaires ci-après : maintenir la stabilité macroéconomique ; développer les infrastructures pour accroître la compétitivité globale de l’économie ; assurer la disponibilité de l’énergie à moindre coût ; développer les infrastructures de transport ; développer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) ; faire du Mali une puissance agricole exportatrice à l’horizon 2018 ; promouvoir le développement de l’agro-industrie ; développer et diversifier le secteur minier ; créer les conditions pour une meilleure maîtrise de la croissance des villes ; et améliorer la qualité de l’environnement.
Le label Tatam
Le tout repose sur la méthode et le style Tatam imprimés à l’action publique sera dont l’efficacité fondée sur 5 principes directeurs ci-après : une éthique de la responsabilité, exigeant de tous ceux qui détiennent des charges et responsabilités publiques un comportement exemplaire et réhabilitant le travail et le mérite ; une exigence de qualité et d’accessibilité au plus grand nombre de services publics ; la participation active de tous les citoyens à travers le renforcement des institutions démocratiques ; la promotion de l’égalité des chances, à travers des politiques publiques de santé et d’éducation qui, corrigeant les inégalités, offre à chacun la possibilité de réaliser son potentiel par le travail ; et un aménagement de l’ensemble du territoire, qui assure, par la valorisation des potentialités économiques le développement équilibré de toutes les parties du territoire national.
Bref, l’articulation et la mise en œuvre du PAG résultent d’un travail collégial et solidaire parce que c’est un processus qui implique l’ensemble des ministères.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD
Source: Info-Matin