La carte d’identité civile est devenue rare dans certains commissariats de police de Bamako et carrément absente dans d’autres. Cette situation met mal à l’aise les usagers qui sont dans le besoin. Au même moment, les autorités ne donnent aucune explication sur les raisons de cette rupture. Reportage !
Il est environ 9 heures, ce mercredi 16 mars 2022. Devant le Commissariat de Police du 13ème arrondissement, nous croisons un jeune homme à la mine serrée. Il semble être dans tous ses états. « Vous venez aussi pour une carte d’identité ? Il parait qu’il n’y en a plus. Cela me fait plus de dix jours que je cherche à renouveler la mienne sans succès », nous dit-il. Puis, il nous tourne le dos sans attendre notre réponse.
A l’intérieur du Commissariat, tout est calme. Pas de demandeur de la pièce précieuse. Nous tentons de connaître les raisons de cette situation. Mais, ni le Commissaire, ni son adjoint n’étaient sur place. Dans la cour du Commissariat, nous croisons un sergent (sous-officier) qui a accepté de nous faire un témoignage sous anonymat. « Oui, nous avons constaté qu’il y a environ trois semaines ou même un mois que nous n’arrivons plus à avoir suffisamment de cartes. Avant, nous pouvions aller jusqu’à cinquante pièces d’identité par jour, mais depuis quelques jours, nous ne dépassons même plus les dix cartes par jour, à la rigueur quinze cartes. Cela est vraiment insuffisant et les usagers nous harcèlent croyant que c’est le Commissariat qui bloque », précise-t-il, tout en ajoutant que plusieurs autres commissariats ou gendarmeries sont confrontés à la même réalité.
De passage au 3ème arrondissement, nous rencontrons une dame qui peine à renouveler sa carte déjà périmée. « Ça fait trois semaines que je cours dernière une carte, je suis personnellement venue au moins quatre fois et j’ai aussi envoyé souvent mon frère. Mais jusque-là, je ne l’ai pas eue. Le matin très tôt quand on arrive, on nous dit d’attendre et quelques heures où même quelques minutes après, on nous dit de repasser le lendemain. Pourtant, personne ne m’a dit qu’il y a rupture de carte. Seulement, on me dit que c’est tout pour aujourd’hui alors que souvent ils ne prennent pas plus de vingt personnes », nous confie-t-elle.
Une rupture nationale !
Selon le Commissaire adjoint du 3ème arrondissement, Siaka Traoré, cette rupture est une réalité partout au Mali. « Je n’en connais pas les raisons, mais je sais que la rupture est nationale. Maintenant, vous pouvez voir avec la hiérarchie pour ce qui concerne les vraies raisons », nous explique-t-il sans donner beaucoup de détails.
Si à Bamako, certains arrondissements disposent de quelques quantités de cartes, dans beaucoup d’autres localités à l’intérieur du pays, c’est plutôt la rupture totale. C’est le cas à Koro dans la région de Mopti, où aucune carte d’identité n’a été établie il y a plus d’un mois. Joint par téléphone, le 1er adjoint au maire, Issa Sagara, témoigne : « Koro est en rupture totale de la carte d’identité depuis quatre semaines. C’est une situation que je déplore en tant qu’autorité communale. Nous sommes dans une zone d’insécurité et il y a une grande utilité d’être muni de la carte pour éviter toute suspicion. »
Selon le maire adjoint, la rupture de la carte contribue à l’insécurité et surtout à la confusion pour les agents de sécurité. « Pas plus d’une semaine, je suis allé secourir des gens dans les mains des agents de sécurité parce qu’ils n’avaient pas de carte, alors que la carte elle-même est introuvable. C’est une situation qui nous préoccupe beaucoup parce que la carte sert beaucoup aux usagers de la route et même pour les opérations bancaires. Nous sommes dans une zone d’insécurité, donc pour éviter toute confusion, il faut que les gens aient leur carte d’identité valide », précise-t-il.
Issa Sagara a ainsi interpellé les autorités compétentes à prendre au sérieux cette rupture. « J’attire l’attention des autorités là-dessus. Parce que c’est aussi une question de sécurité publique pour les citoyens », ajoute-t-il.
Une contradiction…
Contacté pour la question, le responsable de la Communication du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, Amadou Sangho, tente de rassurer : « Il n’y a pas de pénurie de cartes d’identité. La question n’est plus d’actualité. Il y a eu une rupture, mais cela fait très longtemps que ce problème a été réglé. Certainement, les Commissariats qui se plaignent ne sont pas allés chercher leurs cartes. Sinon il ne peut pas y avoir de pénurie. Il n’y en a même beaucoup. »
Au niveau de la direction générale de la Police nationale, l’on reconnaît le problème. Joint par téléphone, le responsable de la Cellule de la Communication de ladite direction générale de la Police nationale, Kaly Diakité, nous confie : « Le problème est réel, mais la hiérarchie ne souhaite pas s’exprimer là-dessus. »
Aujourd’hui, tout porte à croire qu’il y a effectivement un problème dans la délivrance des cartes d’identité à Bamako comme à l’intérieur du pays, sans que l’on ne connaisse les vraies raisons. Une situation qui interpelle fortement les autorités, surtout quand on sait que cette pièce précieuse a beaucoup d’utilité en cette période d’insécurité généralisée.
Amadou Kodio
Source: Ziré