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Parapluie, thé toxique et dioxine… cinq affaires d’empoisonnements politiques célèbres

L’affaire Skripal, du nom d’un ex-agent double russe victime d’une tentative d’empoisonnement à Londres, pourrait allonger une longue liste de victimes de substances toxiques.

Un ancien agent double russe en exil et sa fille retrouvés inconscients sur un banc d’une commune du sud de l’Angleterre, empoisonnés par un puissant agent innervant, conçu par les scientifiques soviétiques pendant la Guerre froide. Le scénario pourrait être celui d’un épisode d’une série d’espionnage, mais il est bien réel. Une dizaine de jours après la tentative de meurtre de Sergueï Skripal, la tension continue de monter entre Londres et Moscou, à grand renfort d’expulsions de diplomates et d’enquêtes parallèles. L’affaire rappelle que l’administration d’une substance toxique, prisée pour éliminer des adversaires politiques depuis l’Antiquité, n’est pas (tout à fait) de l’histoire ancienne.
Georgi Markov et la pointe du parapluie bulgare

1978. En pleine Guerre froide, Georgi Markov, opposant bulgare au régime communiste de Sofia, s’est réfugié à Londres. L’homme traverse le pont de Waterloo vers son arrêt de bus, pour rejoindre la BBC et animer son émission « Free Europe », à destination des auditeurs du bloc de l’est. Sur le chemin, il croise un passant qui laisse tomber son parapluie, dont la pointe lui pique la cuisse. La futile anecdote lui coûtera la vie : pris d’une vive douleur à la jambe, puis d’une forte fièvre, il mourra trois jours plus tard.

L’enquête démontre rapidement que l’extrémité du parapluie était une arme, contenant une capsule de la taille d’une épingle. À l’intérieur, une dose de 0,2 milligrammes de ricine, un poison 6.000 fois plus puissant que le cyanure et pour lequel aucun antidote n’existe. Gelée pendant des années par la Bulgarie, l’enquête n’a jamais abouti. Le principal suspect, seul agent du renseignement de Sofia présent en Angleterre au moment des faits, a quitté Londres pour la Bulgarie dès le lendemain. Il est désormais en fuite, malgré la coopération entre les deux pays.
Khaled Mechaal et l’antidote négocié par le roi

L’opération est l’un des plus célèbres revers du célèbre Mossad. En septembre 1997, à Amman, en Jordanie, les services de renseignement israéliens tentent d’assassiner Khaled Mechaal, chef du bureau politique du mouvement islamiste Hamas. Deux espions israéliens, déguisés en touristes canadiens, sont chargés de lui injecter du poison dans le cou. Mais la mission manque de discrétion et les agents sont rapidement interpellés.
L’erreur place le roi Hussein de Jordanie en position de force : pour sauver Mechaal, tombé dans le coma, il exige du gouvernement israélien de Netanyahou l’antidote de la substance toxique utilisée, en échange du retour des espions. L’affaire tourne à la crise diplomatique et Israël est contraint de céder, libérant même un autre responsable du Hamas détenu sur son sol.
Viktor Iouchtchenko, le candidat empoisonné à la dioxide

Septembre 2004. En Ukraine, Viktor Iouchtchenko, héros de la « Révolution orange » et candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, a le vent en poupe. Face à lui, Viktor Ianoukovitch a les faveurs de Moscou. La campagne est rude, les deux camps s’accusant des coups les plus bas. Le 5 septembre, Iouchtchenko dîne avec le chef des services de sécurité ukrainiens et son adjoint. Dès le lendemain, il tombe gravement malade.

Le candidat est longuement hospitalisé, les médecins peinant à poser un diagnostic. L’aspect grêlé du visage de la victime les pousse finalement vers la bonne piste : l’homme a été empoisonné à la dioxine, dont la concentration dans son corps est plus de 1.000 fois supérieure à la normale. Des dizaines d’opérations sont nécessaires pour sauver Iouchtchenko, finalement élu président un an plus tard. L’enquête n’a jamais permis de mettre la main sur les deux hommes présents au moment présumé de l’empoisonnement, soupçonnés d’avoir trouvé refuge en Russie.
Alexandre Litvinenko et le thé toxique de l’hôtel Millenium

À nouveau, l’affaire se passe à Londres et vise un opposant russe. Le 1er novembre 2006, l’ex-agent du KGB Alexandre Litvinenko, qui enquête sur d’éventuels liens entre le Kremlin et des réseaux mafieux, rencontre deux compatriotes au Millenium Hotel, dans le centre de la capitale britannique. Tous trois prennent le thé. En quittant les lieux, Litvinenko se sent mal. Hospitalisé, l’espion comprend rapidement qu’il a été trahi par l’un des convives, un prétendu opposant toujours fidèle à Moscou.
La substance utilisée est le polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique produite en Russie. De plus en plus affaibli, Litvinenko meurt en quelques semaines. Une enquête menée en Grande-Bretagne conclut que le président russe, Vladimir Poutine, avait « probablement approuvé » l’homicide de l’ex-espion, une mise en cause qualifiée de « blague » par Moscou… qui a toujours refusé d’extrader le principal suspect.
Kim Jong-Nam, le demi-frère en disgrâce

L’histoire a toujours des relents de Guerre froide, mais se passe cette fois sur le continent asiatique. En février 2017, Kim Jong-Nam, demi-frère en disgrâce du dirigeant Nord-Coréen Kim Jong-Un, attend son vol pour Macao à l’aéroport de Kuala Lumpur, en Malaisie. Un temps pressenti comme héritier du régime de Pyongyang, l’homme se montre désormais critique envers le régime et vit en exil avec sa famille.

En plein jour, devant les caméras de vidéosurveillance, deux femmes s’approchent alors du Nord-Coréen et lui jettent une substance au visage. L’homme appelle à l’aide, la tête dans les mains. Il décédera quelques heures plus tard, dans l’ambulance entre deux hôpitaux. Sur son visage et dans ses yeux, les médecins découvrent des traces de VX, un agent neurotoxique classé comme arme de destruction massive. Selon les experts, Pyongyang détient des stocks de cette substance. Mais à ce jour, l’enquête n’a pas établi comment les deux femmes, détenues en Malaisie, s’en sont procuré.
Europe1

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