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Option d’une paix négociée au Mali: l’idée du dialogue avec les djihadistes relancée

L’école de maintien de la paix Alioune Blondin BEYE (EMP-ABB) abrite depuis hier jeudi 8 septembre 2022, les travaux d’une conférence sur la problématique du dialogue avec les groupes armés. Initiée par l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité (OCGS), cette rencontre vise à poursuivre la réflexion sur l’option d’un dialogue avec les groupes armés ; identifier les défis et les enjeux liés à cette option de dialogue ; fournir des recommandations pertinentes dans l’optique d’une paix négociée au Mali.

 

La cérémonie d’ouverture des travaux était présidée par l’Ambassadeur du Danemark au Mali, Rolf HOLMBOE ; en présence du secrétaire de l’OCGS, Baba DAKONO ; du Directeur des études, EMP-ABB, Colonel Sidi Ali FOFANA, des participants.

Cette rencontre consultative, selon ses organisateurs, entre dans le cadre du projet intitulé «Problématique du dialogue avec les groupes armés».

Elle regroupe pour deux jours une cinquantaine de participants composés d’acteurs étatiques ; des représentants des départements de la refondation ; la réconciliation ; la justice ; des élus locaux ; des légitimités traditionnelles, coutumières et religieuses ; des universitaires/chercheurs, responsables des ONG humanitaires ; le corps diplomatique accrédité au Mali et les partis politiques.

Volonté affichée

En 2020, les autorités nationales, à travers l’ancien président Ibrahim Boubacar KEÏTA, ont manifesté leurs dispositions au dialogue avec les groupes extrémistes violents, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale coalition « djihadiste » active au Sahel.

Si le président IBK est allé jusqu’à reconnaître que des canaux de communication existaient déjà, il avait toujours opposé une fin de non-recevoir, s’alignant ainsi sur la position de certains partenaires du Mali. Pour la première fois, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) avait aussi annoncé, en mars 2020, qu’il était favorable au dialogue tout en posant comme précondition le départ des forces françaises de l’opération Barkhane.

Il convient de noter, toutefois, que la volonté des parties à dialoguer est une étape importante dans un processus de gestion politique de la crise sécuritaire même si elle ne garantit pas un succès.

Certaines autorités religieuses et traditionnelles, des élites au sein de la société civile et des organisations de défense des droits humains ont, d’ailleurs, partagé leurs craintes concernant des pourparlers avec les groupes extrémistes violents, estimant que ce processus va à l’encontre du caractère laïc de l’État.

Dans un tel contexte, comment s’assurer que ce processus puisse aboutir à une stabilisation durable du pays ? Avec qui dialoguer ? Comment mener les discussions ? Quelles sont les thématiques à aborder ? Quels sont les compromis que les deux parties doivent consentir en vue de permettre un dialogue menant vers une paix durable ?

Des tentatives

Selon les organisateurs de cette présente rencontre, les tentatives de dialogue avec les groupes extrémistes violents ne sont pas nouvelles.

En 2017, une mission de bons offices avait été menée par l’imam Mahmoud Dicko, alors président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), auprès de la Katiba Macina. Pendant la Conférence d’entente nationale (2017) et le Dialogue national inclusif (2019), les participants ont également recommandé au gouvernement d’organiser des pourparlers.

Début 2020, la réponse favorable du président Ibrahim Boubacar KEÏTA est intervenue à un moment où la délicate question du dialogue avec les groupes extrémistes violents revenait sur le devant de la scène après que son Haut représentant pour les régions du centre, Dioncounda TRAORE, a annoncé l’envoi d’émissaires à Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa, des figures du GSIM.

Malheureusement, l’environnement sécuritaire s’est détérioré, avec les massacres de civils en 2019 et 2020, qui faisaient partie des griefs lors des manifestations dirigées contre le régime d’Ibrahim Boubacar KEÏTA, déposé par un coup d’État en août 2020 avant que le dialogue ne puisse prendre forme.

Depuis le début de la transition, les pouvoirs publics du pays avaient maintenu la décision de dialoguer avec les groupes extrémistes violents.

En mai 2021, le nouveau Premier ministre, Choguel Kokalla MAÏGA, a reconnu que la population était largement favorable à des pourparlers avec lesdits « djihadistes » et le plan d’action du gouvernement adopté par le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif, mentionne toujours la « mission de bons offices » comme moyen d’arriver à une gestion politique de la crise sécuritaire.

Approfondir la réflexion

Pour tenter d’approfondir la réflexion sur ces questionnements légitimes soulevés par la dynamique de dialogue avec les groupes extrémistes violents, l’OCGS et le CARESS ont décidé d’organiser le présent atelier technique. Il sera l’occasion de mieux appréhender les enjeux, les défis et les risques d’une paix négociée au Mali.

Dans son mot de bienvenue, le secrétaire exécutif de l’OCGS s’est réjoui de la qualité des participants à cette rencontre témoignant, à ses yeux, de leur pleine implication et leur engagement pour le retour de la paix et de stabilité et la sécurité au Mali. Au passage, il a remercié le Danemark pour son appui financier.

Selon lui, face à la persistance de l’insécurité et la persistance de la violence, on assiste, de plus en plus, à l’émergence de nouvelles idées.

Lesquelles, du moins, inattendues appellent à un changement de paradigme de stratégie pour une solution diplomatique aux défis sécuritaires, notamment à travers la négociation.

De son avis, cette idée de dialogue avec les groupes dits djihadistes semble séduire de plus en plus des acteurs politiques pour endiguer ce phénomène qui constitue une véritable entorse à la stabilité, et à la paix au Mali et dans le Sahel.

Toutes les options sur

la table

Sans présager du succès ou de l’échec d’une telle démarche ; sans se pencher pour ou contre l’approche, à l’Observatoire, on se dit convaincu que dans tous les cas, trouver des solutions durables pour circonscrire l’instabilité régionale croissante, prévenir l’extrémisme violent nécessite des approches globales qui prennent en compte toutes les dimensions de cette crise que le Sahel connaît.

Le Directeur des études de l’EMP-ABB, le Colonel Sidi Ali FOFANA, a rappelé que depuis 2012 notre pays était confronté à d’énormes défis sécuritaires liés, entre autres, à l’activisme des groupes extrémistes violents, aux conflits locaux et à la criminalité organisée.

De tous ces défis, a-t-il souligné, le terrorisme parait être le plus important tant son insaisissabilité et son imprévisibilité n’ont d’égal que par l’incompréhension et le chaos qu’il draine derrière lui.

Selon lui, il est impératif de chercher à le comprendre pour le combattre.

De son propos, il ressort que le phénomène du terrorisme est d’une complexité inouïe qui crée la désolation partout où elle s’installe.

«Il est nécessaire, voire impératif, de l’éradiquer», a-t-il insisté.

Et pour cela, a-t-il fait savoir, aucune option ne doit être occultée ou écartée. Et parmi ces solutions figure le dialogue.

Il a précisé que ce dialogue a d’ailleurs été à plusieurs reprises proposé par les populations lors du Dialogue national inclusif en 2019 ainsi qu’en 2021 lors des Assises Nationales de la Refondation.

«Les résolutions qui sortiront de ces réflexions serviront et guideront les plus hautes autorités de notre pays dans leurs prises de décision face au défi du terrorisme», a-t-il conclu.

Accompagnement

des PTF

À l’ouverture des travaux, l’Ambassadeur du Danemark au Mali, Rolf HOLMBOE, a fait savoir que le financement de ce projet par son pays, à hauteur de 2,4 millions DKK s’inscrit dans le cadre de la 2e phase du Programme Régional Sahel Paix et Stabilisation (2018-2022) du Mali.

L’objectif étant de contribuer à la stabilité, à la justice et à la sécurité pour la population dans la région du Sahel.

«Ce Programme régional est un exemple concret de l’engagement de longue date du Danemark dans la région du Sahel, en faveur de la paix, de la stabilisation, de la sécurité, dans le domaine de la coopération au développement et de l’action humanitaire», a-t-il déclaré.

De même, a-t-il fait savoir, le Projet « Appui à la réduction de la violence dans le Liptako-gourma à travers la gestion politique de la crise sécuritaire » mis en œuvre par l’Observatoire va contribuer à une meilleure articulation des actions de réduction de la violence au niveau local et l’appui aux acteurs locaux dans l’identification des stratégies d’endiguement de l’instabilité dans la région.

«Le Mali et le Sahel ont besoin de la paix. Plus que jamais il est important d’apaiser les tensions et de renforcer la cohésion sociale et le vivre ensemble », a conclu l’Ambassadeur Rolf HOLMBOE.

Par Abdoulaye OUATTARA

Source : Info-Matin

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