Disparition partielle de l’accent circonflexe sur le «i» et le «u», simplification de la graphie de quelque 2400 mots: une réforme de l’orthographe décidée en 1990 fera son apparition dans les manuels scolaires à l’occasion de la rentrée 2016.
Les puristes de la langue française vont devoir tourner sept fois leurs stylos rouges avant de frapper. Vingt-six ans après sa validation par l’Académie française, l’orthographe rectifiée rentre dans les manuels scolaires de la rentrée 2016-2017, à la faveur de la réforme des programmes scolaires. Les nouveaux livres d’orthographe et de grammaire porteront un macaron portant la mention «Nouvelle orthographe».
C’est plus de 2400 mots qui sont concernés. Parmi les principaux points, cette simplification des règles ne rend plus obligatoire l’accent circonflexe sur le «u» et le «i». «Coût» deviendra «cout», «paraître»: «paraitre»… En revanche l’accent est conservé pour les mots où il indique une nuance cruciale. Le participe passé de devoir restera «dû». De même, l’adjectif «mûr» restera inchangé pour ne pas le confondre avec «mur».
«Oignon» et «nénuphar» deviennent «ognon» et «nénufar»
«Oignon» et «nénuphar» perdent quelques lettres et s’écrivent «ognon» et «nénufar». On pourra désormais écrire «picnic», supprimer le trait d’union des mots composés de «contre», «entre» «extra». Oubliez les «extra-terrestres» ou un «porte-monnaie», bienvenue aux «extraterrestres» et «portemonnaie». «Événement» pourra désormais s’écrire avec un accent grave sur son deuxième «e», «réglementaire» change aussi d’accent.
Le destin de l’orthographe rectifiée est aussi sinueux que les règles d’accord du participé passé. L’idée naît à la fin des années 80: la langue française perd du terrain à l’étranger. Sa complexité est pointée du doigt. Plusieurs linguistes réclament une réforme et, en 1989, le premier ministre Michel Rocard met sur pied le Conseil supérieur de la langue française (CSLF), composé de ressortissants français, québécois, belges, suisses et marocains. Un an plus tard, le CSLF -liquidé en 2006- rend ses concluions qui reçoivent un avis favorable de l’Académie française et de ses homologues québécois et belges. Le Journal officiel publie les modifications dans sa partie administrative… qui n’a aucune valeur contraignante. Ce que rappellera l’Académie française face à la levée de boucliers suscitée par la réforme qui sera enterrée.
Mouvement de protestation sur les réseaux sociaux
Depuis 1990, les deux orthographes -la traditionnelle et la rectifiée- sont tolérées dans les copies d’examen. Mais la réforme qui ne marche pas si mal chez nos voisins suisses et belges n’est mentionnée dans les textes officiels de l’éducation nationale qu’en 2008. Les professeurs ne sont toujours pas tenus de l’enseigner à leurs élèves, puisque qu’il s’agit d’une orthographe tolérée et non obligatoire.
Outre la réticence des enseignants, la nouvelle orthographe n’a pas eu une large plateforme de diffusion. Les dictionnaires et les manuels ne l’ont donc pas reprise dans son ensemble, évoquant seulement certains points. En novembre 2015, le Bulletin officiel sur les nouveaux programmes d’enseignement à l’école précisait à nouveau que «l’enseignement de l’orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990». Interrogée par Le Figaro, une source au ministère de l’Education nationale reconnaissait: «Les programmes font référence à la règle orthographique en vigueur établie par le CSLF en accord avec l’Académie francaise. Le ministère n’a pas d’autre choix et les programmes précédents étaient déjà liés à ce décret. Visiblement certains éditeurs dont la liberté est totale ont décidé de la suivre alors qu’ils ne l’avaient pas fait précédemment».
Toutefois les irréductibles de l’accent circonflexe n’ont pas capitulé. Lorsqu’il a été révélé ce jeudi matin que les nouveaux manuels porteur de l’orthographe rectifiée circuleraient dès septembre: certains ont lancé sur Twitter le mot-dièse «je suis circonflexe». La bataille peut recommencer!
Source: lefigaro