Tombouctou, la ville de Khaira Arby, fut frappée un matin par l’annonce de la disparition de sa cantatrice adulée. Les coeurs endeuillés, la mélancolie dans le rythme musical, on essaye tant bien que mal de faire revivre le son à travers chants et danses. La relève pourrait-elle être assurée après Khaira ?
Connue pour être la cantatrice emblématique du Nord du Mali, Khaira Arby nous a quitté le 19 août de l’année dernière, laissant tout un peuple nostalgique de sa belle voix. Cette dame, issue d’une famille noble, avait embrassé la musique dès son plus jeune âge, malgré la désapprobation de ses proches. Khaira se fait remarquer lors de la Biennale artistique et culturelle de 1972, à travers son champ solo Peter Botha. Une chanson d’engagement dans la lutte contre l’apartheid qui battait son plein en Afrique du Sud. Une chanson qui en marquera plus d’un. Après sa mort, les choses ne doivent pas s’en arrêter là. La relève doit être assurée pour continuer l’oeuvre de cette grande cantatrice. Nous avons mené notre enquête entre les dunes d’Abaradjou et les ruelles de Badjindé et de Sankoré.
Messages de paix
Abdramane Cissé dit Addey a longtemps partagé la scène avec Khaira et estime que la mort de cette dernière est une grande perte pour l’humanité, car elle transmettait des messages de paix et d’entente et avait Tombouctou en son for intérieur. « Je pourrais dire que je suis le seul à Tombouctou à pouvoir faire le tour du répertoire musical de Khaira aujourd’hui. Nous avons beaucoup travaillé ensemble. Nous avons fait des pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Je chante à satisfaction les morceaux de tous ses albums, Sourgou, Goumou, Larab… Tous ces titres, nous les avons faits ensemble. C’était notre maman ». Addey nous confie qu’il y a bien des jeunes talentueux à Tombouctou et même au Mali, mais qu’aucun ne pourra atteindre Khaira à la cheville, car, pense-t-il, aujourd’hui les gens chantent pour gagner leur vie alors que Khaira avait la musique dans l’âme. Ses chansons relevaient d’un don surnaturel, selon lui. Notons que Abdramane Cissé a, à l’image de Khaira Arby, créé le groupe Bouctou Jazz, qui reprend très souvent les chansons de cette dernière. Il lui a même dédié un morceau « Ni koy ka four yar », qu’il nous a faite écouter.
« la relève de Khaira est difficile mais pas impossible »
Amadou Talfidjé Air Mali a côtoyé et a contribué à la formation de la cantatrice. Après une longue réflexion, il se décide enfin à parler et nous confie : « beaucoup d’efforts sont en train d’être fournis. Disons que la relève de Khaira est difficile mais pas impossible. Il y a des jeunes talents qui pourront mieux faire, mais cela relèvera du pur miracle ». Air Mali nous confie que le talent de Khaira était rare, comme celui de Ali Farka Touré et de quelques autres. Ils ont formé des gens qui n’ont pas eu la même notoriété qu’eux. Selon lui, Vieux Farka joue sur beaucoup de scènes à l’international mais n’a pas le même talent que son père. « Khaira a aussi des enfants qui jouent, mais pas comme elle. Ils essayent quand même, et nous, de notre côté, nous faisons de notre mieux pour les pousser », conclut-il.
Le rossignol du désert Khaira Arby s’en est allé après avoir fait chanter le Mali, l’Afrique et le monde. Elle laisse après elle 4 albums, des opus pas encore produits, des millions de fans éplorés, des enfants et surtout une lutte pour l’égalité des personnes toujours en cours.
Pour lui rendre hommage, le festival Vivre ensemble prévoit de lui consacrer sa prochaine édition. Y seront invités plusieurs artistes amis ou qu’elle a formés et ses fans à travers le Mali et le monde entier.
Source: nordsudjournal