Avec notre correspondant à Bruxelles,  Pierre Bénazet

Médecins sans frontières a pour habitude de privilégier le recours à des donateurs privés, mais l’organisation caritative va tout de même se priver de 8% de son budget mondial avec cette décision de refuser des financements publics européens. Au total, l’ONG se prive de 62,8 millions d’euros, dont quinze versés par la Commission européenne et le reste par les 28 pays membres de l’Union plus la Norvège, qui aligne sa politique migratoire sur celle de l’UE.

L’Allemagne et la Belgique ont affirmé regretter la décision de Médecins sans frontières, ce dernier pays espérant toutefois pouvoir renouer la coopération avec l’ONG en faveur de l’Afrique centrale. L’organisation humanitaire s’était déjà montrée extrêmement critique envers l’attitude européenne depuis l’éclatement de la crise des migrants l’an dernier, mais c’est la signature de l’accord UE-Turquie qui a fait déborder le vase, selon MSF.

Selon l’ONG cet accord concrétise en quelque sorte un déni de l’obligation internationale de ne pas refouler les réfugiés comme l’explique à RFI Brice Delevingne, directeur des opérations à Bruxelles pour Médecins sans frontières. « Ce deal entre l’Union européenne et la Turquie est vraiment la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, explique Brice Delevigne. A MSF, On ne peut plus accepter des fonds d’institutions politiques qui créent une telle souffrance. Un réfugié ou demandeur d’asile peut être repoussé parce qu’il vient de Turquie et que l’on considère qu’en Turquie sa protection est garantie or la Turquie a plus de 3 millions de réfugiés. L’Europe est en train d’externaliser sa politique de réfugiés pour que les réfugiés ne puissent pas l’atteindre l’Europe. On augmente la vulnérabilité de ces réfugiés et leurs souffrances. On demande des passages sécurisés et des passages légaux : il faut que tout le système qui est mis en place ait comme premier objectif la protection des réfugiés et non pas le contrôle de son mouvement ».

L‘Europe au même rang que les Etats-Unis pour MSF

La Commission européenne, apparemment très gênée aux entournures, tente de relativiser cette décision en affirmant bizarrement que les quinze millions versés à l’organisation caritative ne représentent que 1% du budget humanitaire de l’UE. Et la Commission ajoute maladroitement que MSF n’est pas impliquée dans les projets humanitaires de l’UE en Turquie. Rappelons cependant par ailleurs que l’ONG soigne des milliers de migrants sur l’île de Lesbos en mer Égée.

De la part de Médecins sans frontières, c’est un sévère camouflet pour les Européens, MSF les rabaisse au rang des États-Unis, dont l’ONG n’accepte plus les fonds depuis 2004.