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MONTBÉLIARD SE PENCHE SUR LES MANUSCRITS SAUVÉS DE LA FUREUR TERRORISTE À TOMBOUCTOU

Les précieux manuscrits de Tombouctou ont été sauvés de la fureur des djihadistes grâce au courage des habitants. Jean Crépu, l’auteur d’un film sur le sujet, en témoignait hier soir à Montbéliard.

manuscrits brules tombouctouRéalisateur de plusieurs films documentaires remarqués («Enfant de collabo, la mémoire d’un père », « L’histoire secrète de l’Archipel du goulag », « Main basse sur le riz »), Jean Crépu a sorti en janvier « Sur la piste des manuscrits de Tombouctou ». Diffusé en avant-première à Bamako, puis sur France 5, le film, qui sera bientôt visible sur TV5 Monde, est actuellement projeté un peu partout en France. Hier soir, Jean Crépu présentait son œuvre à la médiathèque de Montbéliard, dans un contexte tragique qui met le sujet au cœur de l’actualité.

La genèse de ce film ?

Le Mali est un pays que je connais bien. Il y a une dizaine d’années, un Tombouctien m’avait parlé des manuscrits de la ville, qui se transmettent de génération en génération, parfois depuis des siècles, dans les familles. Imaginez que les plus anciens remontent au XIIe siècle ! La plupart cependant, écrits en arabe, avec une calligraphie merveilleuse, datent des XVe et XVIe siècle, à l’apogée de l’Empire songhaï (Afrique de l’Ouest).

Ils abordent toutes les thématiques : médecine, littérature, religion, sciences. Ils ont été magnifiquement conservés à cause du climat très sec de Tombouctou. Ce pan d’histoire -peu connu en Occident où on réduit souvent l’Afrique à sa tradition orale- me passionnait.

Puis, en 2012, sont arrivés les djihadistes d’Aqmi et d’Ansar Dine. Ils ont détruit les mausolées des saints (NDLR : de l’islam soufi) de Tombouctou (1) et ont brûlé 4.000 manuscrits. Mais des familles entières, des lettrés, des copistes, des bibliothécaires, de simples habitants en ont sauvé plusieurs centaines de milliers en les transportant, certains par pirogues, à Bamako. Au péril de leur vie puisque, dans la ville, il y a eu des exécutions sommaires. Les médias de monde entier ont relaté ces faits.

« Comme en Syrie, les djihadistes veulent casser, couper, briser une histoire »

Le tournage, que vous avez réalisé durant l’année 2014, a-t-il été difficile ?

Nous avons pu obtenir de nombreux témoignages -dont celui d’Aminata, 20 ans, passionnée de livres- à Bamako mais aussi en Europe. Le principal écueil reste de se rendre à Tombouctou, qui, même si les djihadistes sont partis, n’est toujours pas sécurisée. Un ami anthropologue français, habitant au Mali, est allé y tourner pour nous. Il a reçu des menaces de mort sur son téléphone et a dû rentrer à la capitale. Mais il a ramené des images, des plans, qui sont dans le film. C’était très important de les avoir.

Il y a un triple message dans ce documentaire ?

Il y avait, au départ en tout cas, un triple but : faire un film sur l’histoire, le patrimoine, l’intégrer dans les problématiques géopolitiques et religieuses actuelles, enfin parler de l’avenir avec les livres et la culture. Qui sont une ouverture sur la connaissance. Le message, à travers les témoignages de gens qui ont pris des risques pour leur patrimoine, est là : le savoir et sa préservation permettent de s’en sortir. Plus on a accès au savoir, plus on est armé contre les barbares.

Les manuscrits étaient-ils une cible principale des djihadistes ?

C’est la grande question. Comme actuellement en Irak ou en Syrie avec la destruction des sites archéologiques. Certains pensent que les djihadistes sont des ignares analphabètes, qui se revendiquent d’un islam soi-disant authentique. Dans ce sens, les manuscrits où se mêlent les textes sacrés et profanes, et qui sont nourris de différences influences, de la poésie à la littérature, ne pouvaient que leur déplaire.

Comme en Syrie, ils veulent casser, couper, briser une histoire. Mais je pense aussi que l’autodafé des 4.000 manuscrits a été une mise en scène. Derrière l’alibi religieux, il y a un vrai trafic : des manuscrits ont été revendus par des gens d’Aqmi pour financer leurs conflits… ou s’enrichir. C’est la même démarche aujourd’hui avec les trésors syriens.

Vous parlez du courage des habitants. Il leur en a fallu aussi pour témoigner ?

Tout à fait. Ce qui montre que, pour eux, les manuscrits vont au-delà de l’aspect économique (NDLR. : des copistes travaillaient beaucoup pour le tourisme dans la ville, elle-même très fréquentée, de Tombouctou) : ils ont une portée symbolique, ils sont suffisamment importants pour prendre des risques. Je tiens à rendre hommage à tous ces gens. Dans ce pays, à plus de 80 % musulman, j’ai été accueilli, dans la grande mosquée de Bamako, dans les centres culturels, chez les habitants, avec une générosité et une ouverture d’esprit remarquables. Il est d’autant plus important que ces gens puissent témoigner d’un islam ouvert et tolérant.

(1) Sous l’égide de l’Unesco, des maçons de Tombouctou viennent de reconstruire huit mausolées détruits par des insurgés islamistes.

Propos recueillis par Sophie DOUGNAC

Source : estrepublicain

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