Dans cette interview, la directrice générale de l’Office national des pupilles en République du Mali (ONAPUMA) s’exprime sur la prise en charge des orphelins dont les parents sont tombés au champ d’honneur, en service commandé ou simplement dans l’exécution d’une mission de service public
L’Essor : Qu’est-ce qui a motivé la création de l’ONAPUMA ?
Mme Koné Sissi Dakouo : La gestion des orphelins est assez problématique surtout dans un contexte d’insécurité et de crise politique. Nous avons beaucoup d’enfants dont les parents militaires ou civils tombent au champ d’honneur ou dans l’exercice de leurs missions de service public dans certaines conditions.
l’État s’est engagé à prendre en charge leurs enfants. Cette solidarité s’étend aussi aux pupilles de l’État. D’où la création de l’ONAPUMA. Si l’ONAPUMA n’avait pas existé, il aurait fallu le créer.
L’Essor : Sur quelle base est attribué le statut de pupille à un enfant ?
Mme Koné Sissi Dakouo : La loi n° 058 du 27 décembre 2016 qui institue les pupilles stipule qu’il y a deux types de pupilles en République du Mali. Il s’agit des pupilles de la Nation et ceux de l’État. Les pupilles de la Nation sont des enfants dont les parents fonctionnaires, militaires, paramilitaires ou civils perdent la vie au service de la nation. Il s’agit aussi d’enfants dont les parents sont victimes de catastrophes naturelles où la responsabilité de l’État est engagée. Ces enfants de moins de 18 ans sont appélés des pupilles de la Nation.
Par contre, les pupilles de l’État désignent des enfants abandonnés sans substitut parental valable. Pour raison d’équité, de soutien et de solidarité, les enfants de mères malades mentales ou condamnées à de lourdes peines privatives de liberté sont aussi déclarés pupilles de l’État.
L’Essor : Quels sont les avantages accordés aux pupilles ?
Mme Koné Sissi Dakouo : Pour avoir la qualité de pupille, il y a des procédures à suivre et des pièces à fournir. Pour les pupilles de la Nation, la pièce principale est l’acte administratif qui établit le lien de causalité entre le décès et les circonstances dans lesquelles il est intervenu.
Concernant les pupilles de l’État, il faut obligatoirement l’ordonnance de placement de l’enfant ou l’autorisation du maire territorialement compétent qui confirme que l’enfant n’a pas de substitut parental valable. Une fois les pièces constituées, le dossier complet est adressé à l’Office sous pli fermé. Pour les pupilles de la Nation, les dossiers sont achéminés via les directions des ressources humaines pour le cas des enfants de fonctionnaires. Et pour celui des enfants de parents militaires, les dossiers sont transmis par la direction du Service social de l’Armée.
Pour ce qui concerne les pupilles de l’État, ce sont les institutions agréées de placement qui nous font parvenir les dossiers. Ceux-ci sont examinés à l’Office, avant d’être soumis à l’appréciation d’un comité technique, composé de différentes directions et des personnes ressources. Celui-ci donne son avis.
Sa conclusion, appuyée par le rapport motivé de l’ONAPUMA est transmit à la hiérarchie, notamment le ministère de la Santé et du Développement social qui, à son tour, introduit le dossier dans le circuit d’approbation du Conseil des ministres et un décret est pris dans ce sens. C’est après ça que les enfants sont déclarés pupilles de la Nation ou de l’État. Et l’acte qui symbolise cela, est l’immatriculation qui se fait par l’octroi de la carte de pupille.
L’Essor : Combien de pupilles sont immatriculés à l’ONAPUMA ? Comment se fait leur prise en charge ?
Mme Koné Sissi Dakouo : De nos jours, nous avons 944 pupilles. La qualité de pupille ouvre des droits, notamment ceux à l’éducation, aux soins, y compris les médicaments, à la subvention d’entretien pour ceux qui sont issus de familles démunies.
Il est important de rappeler que les pupilles reçoivent un versement de 100.000 Fcfa chacun par trimestre. Les premiers qui ont été immatriculés ont déjà perçu 9 versements. À ceux dont la prise en charge a commencé en 2021, il a été versé intégralement trois trimestres. Un compte bancaire est ouvert pour chaque pupille pour recevoir cet argent.
Nous échangeons aussi avec les administrations scolaires et les enseignants des établissements qui accueillent les pupilles sur leur niveau et les eventuels problèmes qui peuvent subvenir en vue de les confier à des répétiteurs à la maison. Cette année, 28 pupilles ont fait le DEF et 17 d’entre eux ont été admis.
Pour le baccalauréat, les résultats ont été plus satisfaisants avec 14 admis sur 18 candidats. Nous sommes allés dans les familles des pupilles dans toutes les régions, à l’exeception de Tombouctou, Gao et Kidal. Nous rendons aussi visite à des pupilles au niveau de la Pouponnière, des villages d’enfants SOS de Kita, Mopti et Sanankoroba.
L’Essor : Quelles sont les difficultés de l’ONAPUMA ?
Mme Koné Sissi Dakouo : Nous sommes une jeune structure qui existe depuis trois ans seulement. Nous essayons d’aplanir les difficultés pour atteindre nos objectifs. Nous avons des difficultés de mobilisation des ressources et une insuffisance de logistique. Nous avons aussi de petites difficultés par rapport aux pupilles de la Nation qui sont dans les familles. Un regroupement de ces enfants pourrait améliorer la qualité de suivi et de la prise en charge.
Nous disposons d’une parcelle sur laquelle on pourrait construire la Maison des pupilles. Cette parcelle nous a été octroyée par l’État à cette fin. Il y a aussi une ligne budgétaire dédiée à la construction de cette maison qui comportera toutes les infrastructures de prise en charge et le siège de l’ONAPUMA. Donc on attend vivement la pose de la première pierre.
L’Essor : Quelles sont vos attentes ?
Mme Koné Sissi Dakouo : Nous espérons sur la construction de la Maison des pupilles. Nous nous rejouissons du décret qui consacre le 31 octobre comme Journée des pupilles. Pendant la Journée des pupilles, les plus hautes autorités remettront les cartes officielles à des pupilles. En sus, ceux qui viennent de toutes les régions, mais aussi de Bamako et Kati, auront des cartes bancaires, des carnets de santé, des kits scolaires et des jouets.
Nous voulons inculquer dans la tête de ces pupilles la culture de l’excellence et en faire des acteurs de développement. Nous comptons aussi sur le soutien des personnes de bonne volonté, pas seulement en termes d’argent, de matériel, mais aussi d’accompagnement en termes d’insertion professionnelle, d’opportunités de stage. Nous devons garder à l’esprit que cela ne concerne pas que les autres.
Propos recueillis par
Souleymane SIDIBÉ
Source : L’ESSOR