A peine la Cour Constitutionnelle a validé la loi du 31 mars 2016 portant modification de la loi, portant Code des Collectivités territoriales, communément appelée aujourd’hui, actualité oblige, loi sur les autorités intérimaires, qu’un important document du gouvernement a fuité dans la presse. Il s’agit de la Convention subsidiaire N°001-Coordination-Plateforme-Gouvernement. Ce dossier que le gouvernement Modibo Keïta s’apprête à signer et à faire apostiller par les mouvements armés porte en lui les germes d’une forte contestation et surtout la violation pure et simple de la loi. C’est donc de l’injustice, de l’imposture et de la provocation.
En effet, ce sulfureux document préparé par le gouvernement, mis sous la signature de Hamadou Konaté, ministre en charge de la reconstruction du Nord du Mali, est très compromettant pour la stabilité des régions du nord du pays. Rédigé en trois parties, il comporte une sorte de préambule qui engage à la fois l’Etat du Mali représenté par ce ministre, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme, représentée respectivement par Sidi Brahim Ould Sidatt et Me Harouna Toureh.
L’objet de cette convention est de préciser les modalités de mise en place des autorités intérimaires ; de définir les attributions de celles-ci, de fixer le calendrier de mise en place de l’Administration d’Etat dans toutes les circonscriptions administratives, y compris l’installation des chefs des circonscriptions administratives ; de fixer le calendrier de déploiement/redéploiement des services déconcentrés de l’Etat.
Le plus grave, c’est que dans la première partie du document, 25 cercles ont été listés pour être dirigés par des autorités intérimaires. Il s’agit de l’ensemble des collectivités territoriales de cercles du nord du Mali. De même, les collectivités territoriales des régions du nord du pays (Tombouctou, Taoudéni, Gao, Ménaka et Kidal) sont également prévues pour être conduites par des autorités intérimaires, soit 12 membres par région alors qu’au niveau des cercles cela varie entre 33 à Goudam, 26 à Diré, 14 à Tombouctou…et 6 membres dans plusieurs nouveaux cercles tels qu’Araouane, Atalata, Tidermène. Ce n’est pas tout. Il faut préciser que chaque autorité intérimaire n’est composée que par les signataires de l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. La part de chaque entité est bien connue.
La deuxième partie du document prévoit l’installation des autorités intérimaires dans les communes nouvellement créées. Seulement voilà : en cas de non fonctionnalité avérée d’un Conseil communal, constatée par le gouvernement, la Plateforme et la CMA, il sera procédé à la mise en œuvre d’une autorité intérimaire.
La troisième partie du document insiste sur le fait que chaque autorité intérimaire est le chef de l’exécutif local. A ce titre, il dispose des services déconcentrés de l’Etat, dont il est le chef. Dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka, les autorités intérimaires disposent des ressources du budget 2016 des collectivités territoriales intégrant les ressources liées aux compétences transférées, les dons et legs et les ressources diverses.
Le Président de chaque autorité intérimaire est l’ordonnateur du budget de la collectivité concernée. Enfin, les attributions des autorités intérimaires sont clairement définies dans le document. Il s’agit fondamentalement, entre autres, d’assurer la remise en marche et le fonctionnement des services sociaux de base, de participer à la révision des listes électorales, de faciliter le retour, la réinstallation et la réinsertion des réfugiés.
Toute cette littérature est acceptable, mais ce qui est dangereux c’est bien la perspective de violation de la loi portant autorités intérimaires. En voulant installer systématiquement celles-ci dans toutes les collectivités de cercle et de région du nord du Mali, le pouvoir porterait un coup dur à la législation. Parce que celle-ci précise les conditions dans lesquelles les autorités intérimaires doivent être mises en place : la dissolution du Conseil de la collectivité territoriale ; la démission de tous les membres du Conseil, l’annulation devenue définitive de l’élection de tous les membres du Conseil ; l’impossibilité de constituer le Conseil de la collectivité territoriale (organiser les élections) ; la non fonctionnalité du Conseil de la collectivité locale quelle qu’en soit la cause.
Or, dans la convention que le Gouvernement s’apprêterait à signer avec les mouvements armés, certains cercles qui fonctionnent correctement tels que Tombouctou, Gao, Niafunké, Bourem et bien d’autres sont concernés par l’installation d’une autorité intérimaire pour faire plaisir aux voyous de la CMA afin qu’ils dirigent nos circonscriptions. Une manière d’obtenir par les armes ce qu’ils n’ont jamais pu réussir par la voie des urnes. Ce relent revanchard doit être combattu au nord comme au sud du pays.
Cette vision pourrait être lisible si l’on mettait dans tous les cercles et régions du Mali une autorité intérimaire qui n’est autre qu’une forme de délégation spéciale.
Mais leur composition variera selon que l’on se trouve au nord ou au sud du pays. C’est là aussi une autre grosse faille de la loi parce qu’elle ne précise pas leur composition. Il faudrait un décret d’application. Mais pour le nord du Mali, on contourne la hiérarchie des normes pour pondre une convention. C’est bien là toute la problématique des autorités intérimaires qui, il faut le préciser encore, remplacent les délégations spéciales dans la nouvelle loi portant code des collectivités territoriales.
Il urge donc que l’esprit de la loi soit respectée et que la mise en place d’une autorité intérimaire obéisse aux conditions définies par la loi. A suivre.
Chahana Takiou
Source: 22 Septembre