Pendant deux jours, les lundi 26 et mardi 27 janvier courant, la ville de Gao a vécu au rythme de manifestations hostiles à la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma). A l’origine de ces manifestations un accord controversé signé entre la mission onusienne au Mali et la Coordination des Mouvements de l’Azawad (le Mnla et ses alliés). Cet accord prévoyait l’établissement d’une “zone temporaire de sécurité” incluant la ville de Tabankort, un bastion du Gatia qui combat le Mnla et qui est taxé, à tort ou à raison, d’être pro-gouvernemental.
Il n’est un secret pour personne que la bourgade de Tabankort est un site hautement stratégique convoité par tous les groupes armés évoluant dans le septentrion malien. C’est pour défendre la position de “leur” groupe d’autodéfense, le Mouvement Arabe de l’Azawad (Maa) affilié au Gatia, que les populations de Gao, notamment les jeunes, sont descendues dans la rue et ont pris d’assaut le siège de la Minusma les lundi 26 et 27 janvier 2015.
Si la manifestation a été pacifique et sans conséquence fâcheuse le premier jour, tel n’a pas été le cas pour le deuxième jour où on a déploré des morts par balles et des blessés graves dans le sang des manifestants. D’aucuns parlent de trois morts et d’autres de sept tués. Dans tous les cas, il y a eu mort d’hommes et par balles. Qui donc a tiré ?
Arnaud Akodjénou, le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour les affaires politiques auprès de la Minusma, s’est empressé de vouloir dédouaner les soldats de la paix en soutenant mordicus que “(…) je peux vous dire qu’aucune force de la Minusma n’a tiré sur les manifestants. Aucun ordre n’a été donné de faire usage d’arnes. Je suis formel”.
Par contre, quelques heures seulement après que Monsieur Akodjénou ait tenu ces propos, David Gressly, le représentant spécial adjoint de la Minusma, était face à la presse à Bamako. Au cours de ce point de presse, il a déclaré que “face à la tournure violente des évènements, la police des Nation unies a alors utilisé du gaz lacrymogène et effectué des tirs d’avertissement dans le but de disperser les manifestants et les empêcher d’entrer dans le camp de la Minusma”.
A l’analyse de ces deux propos, on peut déduire que si Monsieur Akodjénou affirme “qu’aucun ordre n’a été donné de faire usage d’armes” pour signifier qu’aucun soldat de la Minusma n’a tiré, Monsieur Gressly quant à lui affirme que “(…) la police des Nations unies a effectué des tirs d’avertissement dans le but de disperser les manifestants …”. Certains observateurs pensent que de ces deux propos se dégage une contradiction.
L’un affirmant qu’il ya a pas eu de coups de feu de la part des soldats onusiens, tandis que l’autre soutient qu’il y a eu des coups de feu, mais à but dissuasif. Faut-il alors croire que de ces tirs de sommation sont parties des balles perdues qui ont atteint mortellement certains manifestants ?
Par ailleurs, certaines personnes disent que les manifestants se sont faits procurer des armes. A ce propos un témoin oculaire rapporte que “lorsque les premières personnes ont été tuées, ceux qui assuraient le transport des cailloux ont dit aux manifestants qui veulent des armes de se rendre au lycée pour en prendre. Certains sont partis. Et lorsqu’ils sont revenus avec des armes, ils ont dit à ceux qui n’ont pas d’armes de dégager. C’est en ce moment que les hommes de Ganda Koy qui assurent la police de la ville sont arrivés. Ils ont demandé aux manifestants de ne pas faire usage des armes et de rentrer à la maison…”
De ces autres propos, on peut dire que même si certains manifestants se sont procurés des armes, ce n’est qu’après qu’il y ait eu des morts dans leur rang. Quoiqu’il en soit, cette affaire est loin de connaitre son épilogue même si les responsables de la Minusma ont décidé de retirer l’accord “controversé” et de mettre fin à leur projet de création d’une la zone temporaire de sécurité.
Au terme de la conférence de presse qu’il a animée le mardi, David Gressly a promis “qu’il y aura enquête sérieuse sur ce qui s’est passé”.
Mamadou GABA
Source: Soir de Bamako