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Mali: La stabilité voilée de la confiscation électorale

Dans la légitimation du pouvoir par le suffrage, l’élection est paradoxalement devenue, dans certains cas, un instrument de confiscation du pouvoir. Elle permet alors de garantir la pérennité au pouvoir de leaders politiques, ou de partis qui, pour maintenir une économie politique exclusive à leur profit, n’envisagent pas d’organiser des élections pour les perdre.

Ces pratiques confiscatoires peuvent prendre des formes très variées (modification des règles constitutionnelles, choix des systèmes électoraux et des modes de scrutin, découpage des circonscriptions – aussi appelé gerrymandering –, fraudes, contrôle de la validation des résultats). Elles recouvrent également l’utilisation des fonds publics par les dirigeants au pouvoir à des fins partisanes lors des campagnes électorales.

L’apparente stabilité induite par ces pratiques n’est en réalité qu’un leurre à moyen terme. Comme les « printemps arabes » l’ont clairement démontré, elles débouchent in fine sur des conflits violents qui mettent un terme à la captation du pouvoir. Elles contribuent ainsi à fragiliser les fondements sociaux d’un régime et rendent les élections contreproductives pour l’établissement d’une régulation démocratique et stabilisée.

Elles confortent l’idée d’une mascarade, d’une captation du pouvoir par une élite qui ne pense qu’à s’enrichir. Ces pratiques contribuent ainsi à aggraver la « déconnexion » entre pouvoir en place et société et minent encore plus la construction de la confiance entre les groupes en compétition et entre les citoyens et les gouvernants. Au contraire, le risque d’instabilité lié aux élections est fortement réduit dans les cas où prévaut un accord politique inclusif (inclusive political settlement) sur le partage du pouvoir et des ressources qui lui sont associées.

L’existence d’un tel accord, associant toutes les parties prenantes, est une condition fondamentale de la stabilité des opérations électorales, comme en témoignent, par exemple, la Conférence for a Democratic South Africa en Afrique du Sud ou les conférences nationales souveraines en Afrique francophone qui ont permis de définir et de poser des « règles du jeu » partagées par tous les acteurs. Sans formule politique organisant l’accord de pouvoir, les élections ne sont que des pis-aller.

L’accès partagé au pouvoir et à ses ressources est étroitement lié à la question de l’ouverture du système électoral. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur ce que serait un « bon » système électoral, les études comparatives montrent qu’en Afrique le scrutin majoritaire tend à exacerber les enjeux de la victoire ou de la défaite dans une logique du « tout ou rien ».

En revanche, le scrutin proportionnel permettrait d’apaiser la lutte politique et de « réduire » les tensions liées à l’élection. Au Lesotho, l’instauration d’une part de proportionnelle dans le système électoral a par exemple permis l’élection d’une assemblée nationale plus représentative, favorisant ainsi des jeux politiques plus inclusifs et diminuant les risques de conflit.

Le Groupe des sages de l’Union africaine résume ainsi la voie qu’il préconise en faveur de systèmes électoraux plus ouverts : L’Afrique doit évoluer, de manière progressive et avisée, vers des systèmes électoraux qui élargissent la représentation, reconnaissent la diversité, respectent le principe d’égalité et la règle de la majorité tout en protégeant les minorités.

Bréhima Mamadou KONE dit Patrice Emérite Lumumba, Chercheur

Mali24

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