Ce samedi 14 avril, les terroristes qui écument le Sahel en général et le no man’s land malien en particulier, ont de nouveau fait parler leur témérité et leur audace. Nullement impressionnés par la forte présence militaire dans la zone, ils s’en sont délibérément et simultanément pris aux camps de la Minusma et de Barkhane dans la ville de Tombouctou, dans le septentrion malien.
A l’arrivée, ils auraient essuyé une cuisante défaite, avec notamment une quinzaine des leurs tués sur place. Mais l’essentiel n’est pas dans ce bilan que l’ONU et la France s’empressent d’annoncer avec des élans de triomphalisme. La leçon à tirer de cette énième attaque, c’est cette capacité de nuisance décidément intacte des djihadistes. Au point qu’à l’image de l’attaque du 2 mars 2018 contre l’Etat-major général des armées du Burkina Faso, les ennemis que l’on combat peuvent encore s’autoriser le culot de s’attaquer aux symboles mêmes de la lutte anti-terroriste. Voilà qui est symptomatique d’une évidente inefficacité, sinon d’un échec retentissant. D’autant qu’en plus des armées nationales des différents pays, la sécurité de la région mobilise des contingents internationaux de milliers d’hommes, avec une logistique des plus impressionnantes et des ressources sans cesse colossales.
Minusma et Barkhane, de gros moyens
Bien entendu, l’Afrique et le Mali sont reconnaissants à la France, à travers l’opération Serval, d’avoir empêché que les islamistes ne s’emparent de Bamako. Mais force est de reconnaître que la Minusma et Barkhane qui ont succédé à ce premier dispositif font dans une certaine léthargie. En tout cas, les ressources mobilisées sont notoirement en inadéquation avec les résultats jusqu’ici obtenus. En effet, d’une part, la Minusma, ce sont près de 15.000 hommes, avec un budget juillet 2017-juin 2018 de 1.048.000.000 de dollars américains. D’autre part, du 1er août 2014 à début 2018, Barkhane a culminé à 4 500 soldats, pour un budget estimé à un million d’euros par jour. A ces chiffres, on peut ajouter toute la logistique constituée des véhicules, des blindés, des drones, des avions de transport et de combat, des hélicoptères,…bref, des armes les plus sophistiquées qui soient. En face, les ennemis font tout au plus 3000 islamistes, toutes obédiences et chapelles confondues.
Résultats médiocres
Qu’a-t-on en retour en termes de bilan ? La paix n’est pas restaurée, la stabilité loin d’être garantie et l’accord de paix inter-malien du 20 juin 2015 peine toujours à être mis en œuvre. Au point qu’on est certain qu’en raison du climat d’insécurité qui sévit encore dans une bonne partie du territoire malien, beaucoup de citoyens seront privés de leur droit de vote lors de la prochaine présidentielle. Pire, les attentats se succèdent aux assauts les plus téméraires. Les mines anti-personnel continuent d’endeuiller les familles. Les victimes s’amoncellent et se comptent par milliers. L’éducation des enfants et la formation des jeunes sacrifiées, le système de santé plus fragilisé que jamais et la pauvreté aggravée.
Et si Alpha Condé avait raison ?
Comme on le voit, le contraste entre les moyens mobilisés et les résultats induits est tel qu’on est tenté de comprendre la position d’Alpha Condé. En effet, le chef de l’Etat guinéen, partisan de la défense du continent africain par ses propres enfants, ne cesse de remettre en cause de bien-fondé des opérations de maintien de paix composées par des soldats et des policiers totalement étrangers au contexte africain. Il est vrai qu’en ce qui concerne la Minusma par exemple, sa composition est si hétéroclite qu’on y retrouve des Bangladeshis, des Danois, des Hongrois, des Yéménites, des Lettons, des Lituaniens, des Arméniens, des Sri Lankais, des Suédois, des Cambodgiens, des Bosniens, des Suisses, des Jordaniens, etc. Pour certains d’entre eux, mêmes les caractéristiques climatiques de la région sont de nature à les prédisposer à l’inefficacité, en dépit de toute la bonne foi qui pourrait avoir guidé leur déploiement. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si ce sont les soldats tchadiens qui s’étaient les mieux illustrés dans la bataille contre les terroristes dans le nord du Mali. Toutes les parties devraient en tirer un certain enseignement !
Boubacar Sanso Barry