L’indécision des Nations Unies face à la situation au Congo ; la nécessité de la réalisation d’un projet de marché commun et de zone monétaire africains; et le besoin de création d’un commandement des forces combinées du groupe de Casablanca figurent parmi les matériaux de construction du chantier de l’unité africaine. Ainsi, la «Charte africaine» dans laquelle les participants à la conférence de Casablanca constatent «l’unité de vue et d’action des nations africaines pour conserver l’indépendance et préserver la souveraineté des pays africains déjà indépendants, pour renforcer la paix dans le monde, pour aider les mouvements de libération des territoires africains et empêcher l’établissement sur le continent africain de troupes étrangères (…) et débarrasser le continent africain des pressions économiques et politiques que lui font subir certains États étrangers’’ peut être considérée comme l’ancêtre de la Charte de l’Organisation de l’unité Africaine. Voyage sur les chantiers de la construction de l’unité africaine.
3-7 janvier 1961 : adoption de la Charte africaine de Casablanca
Devant l’aggravation de la situation au Congo et ses conséquences sur la vie politique, économique et sociale du pays, devant l’indécision des Nations-Unies dans l’accomplissement de la mission qui leur a été confiée au Congo, Sa Majesté le roi, après des consultations avec les chefs d’État africains directement intéressés aux problèmes du Congo, a proposé la réunion à Casablanca d’une conférence au niveau le plus élevé. Il a été décidé d’un commun accord que cette conférence se tiendrait à Casablanca du 3 au 6 janvier…
Les cinq chefs d’État invités à la conférence de Casablanca, du 3 au 7 janvier (Mohammed V pour le Maroc, Gamal Abdel NASSER pour la R.A.U., le Dr NKRUMAH pour le Ghana, Sékou TOURE pour la Guinée et Modibo KEITA pour le Mali), auxquels s’étaient joints Ferhat ABBAS, président du «G.P.R.A. « ; Al ALLAM, ministre des affaires étrangères de Libye, et des observateurs congolais (pro-Lumumba) et sénégalais, ont échangé en vue d’adopter une Charte africaine.
A l’issue des travaux de la conférence de Casablanca, samedi 7 janvier 1961, a été lue par le prince Moulay Hassan – en français – une « Charte africaine «dans laquelle les participants constatent « l’unité de vue et d’action des nations africaines pour conserver l’indépendance et préserver la souveraineté des pays africains déjà indépendants, pour renforcer la paix dans le monde, pour aider les mouvements de libération des territoires africains et empêcher l’établissement sur le continent africain de troupes étrangères (…) et débarrasser le continent africain des pressions économiques et politiques que lui font subir certains États étrangers».
Cette charte a également pour but d’orienter» la politique économique et sociale de l’Afrique vers l’exploitation de ses richesses naturelles afin que celles-ci puissent être distribuées équitablement entre toutes les nations africaines «.
Elle incite en outre «les pays africains plus privilégiés à aider les autres pays africains en vue de leur développement «.
Les pays membres réaffirment leur «respect de la charte des Nations Unies et de l’esprit de la conférence de Bandoeng».
En vertu de cette charte, plusieurs décisions sont prises :
1) La création, dès que les conditions en seront réunies, d’une Assemblée consultative africaine comprenant les représentants de chaque État africain ;
2) La création de quatre comités :
– Le comité politique groupant les chefs d’État africains ou leurs représentants dûment mandatés ;
– Le comité économique, groupant les ministres des affaires économiques ;
– Le comité culturel africain, groupant les ministres de l’éducation nationale, ayant en vue de préserver et de développer la culture et la civilisation africaines ;
– Un haut commandement commun groupant les chefs d’état-major des États africains indépendants, « qui se réunit périodiquement dans le but d’assurer la défense commune de l’Afrique en cas d’agression contre une partie de ce continent et de veiller à la sauvegarde de l’indépendance des États africains» ;
3) La création d’un bureau de liaison destiné à assurer la coordination entre ces différents organismes.
28-30 avril 1961 : Les jalons de «l’union des États africains»
Les présidents NKRUMAH Sékou TOURE et Modibo KEITA se sont rencontré les 28, 29 avril et 30 avril 1961 à Accra dans le cadre de la première rencontre trimestrielles décidée au cours de la conférence Guinée-Ghana-Mali réunie en décembre 1960 à Conakry.
L’objet de cette rencontre était essentiellement économique. Il s’agissait de mettre en œuvre les meilleurs moyens de réaliser un projet de marché commun et de zone monétaire africains. C’est dans ce cadre que le Ghana, la Guinée et le Mali ont décidé samedi de créer une «union des États africains « ou encore les « Etats unis d’Afrique)
Une charte, qui devra être ratifiée par les Parlements des trois pays, a été établie par les chefs des trois gouvernements réunis à Accra. Cette charte, qui prévoit notamment la possibilité pour d’autres pays africains de se joindre à l’union, constitue un début de matérialisation de l’idéal panafricain prôné par les trois hommes d’État à savoir les présidents Nkrumah, Sekou Touré et Modibo Keita.
Dans le communique final qui a sanctionné la réunion les trois hommes d’État demandent le report de la conférence de Monrovia, préalablement prévue pour le 8 mai, à une date ultérieure. Enfin les présidents KEITA, NKRUMAH et TOURE ont renouvelé l’assurance de leur appui au gouvernement de Stanleyville, condamné les essais nucléaires français au Sahara et mis en garde les nouveaux pays africains contre «les dangers du néo-colonialisme «.
5 mai 1961 : Report de la déclaration de la conférence du Caire
Au terme de cinq jours de travail, la conférence des ministres des Affaires étrangères de cinq pays africains (R. A. U., Ghana, Guinée, Mali, Maroc) réunie au Caire a décidé de reporter le 5 mai 1961 la publication de la déclaration finale de la conférence africaine du Caire. Or, la conférence devrait se terminer par la signature de la charte de Casablanca.
26 juin 1961 : Conférence au sommet de l’union Guinée-Ghana-Mali
Bamako a abrité la conférence au sommet des chefs d’État de l’union Guinée-Ghana-Mali. A l’issue de la conférence les trois chefs d’État de l’union Guinée-Ghana-Mali : KEITA, Sékou TOURE et NKRUMAH, se sont rendu en Haute-Volta pour assister à la cérémonie de suppression des barrières douanières entre la Haute-Volta et le Ghana.
1er juillet 1961 : Publication de la charte de l’Union des États africains
La Charte de l’Union du Ghana, de la Guinée et du Mali, qui sera connue désormais sous le nom d’Union des États africains, a été publiée samedi matin 1er juillet 1961 simultanément à Accra, Conakry et Bamako.
Le document, dont le projet avait été approuvé fin avril à l’issue d’une réunion que les leaders des trois pays avaient tenue à Accra, comprend notamment les dispositions suivantes :
– Les trois pays garantissent l’intégrité territoriale de chacun des membres de l’Union ;
– Toute agression contre l’un des trois États sera considérée comme une agression contre l’ensemble des États membres de l’Union ;
– Les trois pays uniront leurs efforts dans les domaines diplomatique, économique et culturel.
22 juillet 1961 : Création d’une union économique par le Bloc de Casablanca
À l’issue de la conférence économique qu’ils viennent de tenir à Conakry, les États membres de la charte de Casablanca (Guinée. Ghana, Maroc, Mali. République arabe unie et le G.P.R.A.) ont adopté une résolution prévoyant notamment la suppression des barrières douanières pour cinq ans à partir du 1er janvier 1962, ainsi que des contingentements commerciaux, l’application d’un traitement préférentiel et la création d’organismes économiques communs : un Conseil de l’unité économique africain et une Banque africaine de développement économique en particulier.
28 août 1961 : Ratification d’importantes résolutions
Le président NASSER de la République arabe unie ; le président Kwame NKRUMAH du Ghana, Sékou TOURE, président de la Guinée ; Modibo KEITA, président du Mali ; Ferhat ABBAS président du G.P.R.A. et le roi Hassan II du Maroc, membres du groupe du Pacte de Casablanca, se sont réuni le lundi 28 août 1961 au Caire, pour une conférence deux jours.
La conférence du Caire, en tant qu’instance suprême de l’organisation africaine de Casablanca – a été convoquée pour ratifier les décisions et résolutions des différents comités ces derniers mois. Il s’agissait de :
– Chercher à créer une base commune pour l’action des six pays africains à la conférence des pays non-engagés de Belgrade ;
– Examiner la question de Berlin. Ce problème est maintenant posé aussi bien devant les six représentants des États africains que devant la conférence de Belgrade qui lui succédera.
Mais la réunion du Caire a révélé des profondes dissensions au sein du «groupe de Casablanca». La conférence qui groupait au Caire, depuis lundi matin a achevé ses travaux qui se déroulaient au niveau des ministres des Affaires étrangères depuis la défection de deux chefs d’État, Sékou TOURE et NKRUMAH, suivie du départ pour Rome du roi Hassan II.
Des décisions conformes aux projets formés au début de l’année ont été prises : le commandement des forces combinées de l’organisation a été confié au général égyptien Mohammed Fawzi, commandant de l’académie militaire de la R.A.U., dont le quartier général sera soit au Caire soit à Accra ; le secrétariat général du comité permanent, dont le siège sera Bamako, a été attribué à un Marocain, Driss SLAOUI ancien chef de la sûreté de Casablanca, puis ministre du Commerce, et ami personnel du roi.
Mais ce sont moins ces mesures qui retiennent l’attention, que le climat orageux dans lequel se sont découlées ces assises.
De toute évidence, les chefs d’État présents, et notamment le président NASSER, ont peu apprécié la défection de leurs collègues ghanéen et guinéen, et l’ont fait sentir à leurs représentants Adjei et Lansana. On assure certes à Rabat que de toute façon le souverain chérifien comptait passer par Rome pour se rendre à Belgrade. Mais on observe que non seulement son départ du Caire a été avancé de vingt-quatre heures, mais aussi qu’un seul des autres chefs de délégation, Modibo KEITA, si l’on en croit la radio égyptienne, s’est abstenu d’accompagner Hassan II au terrain d’où il devait s’envoler pour l’Italie.
La disparition du souverain qui avait présidé la conférence inaugurale du groupe de Casablanca, et l’orientation anticommuniste observée depuis dans l’évolution diplomatique de la R.A.U., semblent affecter gravement la cohésion du groupe dit de l’»Afrique révolutionnaire «.
Source : INFO-MATIN