Malala Yousafzaï, de retour pour la première fois dans son Pakistan natal, cinq ans après avoir réchappé à une attaque des talibans, est la plus jeune lauréate d’un prix Nobel et une militante obstinée des droits des femmes.
L’histoire de cette jeune fille de 20 ans originaire de la verdoyante vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, laisse peu de monde indifférent tant en Occident où elle est célébrée que chez elle où son image est plus brouillée.
Le 9 octobre 2012, des islamistes font irruption dans son bus scolaire à la sortie des classes. L’un d’eux demande: “qui est Malala?”. Puis il lui tire une balle dans la tête.
Le projectile ressort par la nuque. Entre la vie et la mort, l’adolescente est évacuée dans un hôpital de Birmingham, au Royaume-Uni, où elle reprend conscience six jours plus tard.
Elle vit depuis au Royaume-Uni avec sa famille et a été admise cette année dans la prestigieuse université d’Oxford.
“J’étais terrifiée. La seule chose que je savais, c’est qu’Allah m’avait bénie en m’accordant une nouvelle vie”, a raconté l’adolescente dans son autobiographie “Moi, Malala”, un best-seller international en partie boudé dans son Pakistan natal.
Depuis son départ du Pakistan, elle a pris une toute autre dimension, n’hésitant pas malgré son jeune âge à exhorter les dirigeants des plus grandes puissances mondiales à “envoyer des livres, pas des armes!” dans les pays pauvres au nom des “enfants sans voix”, dont elle se veut la porte-voix.
Long voile traditionnel tombant sur ses cheveux bruns, joues rondes et teint hâlé, regard franc et lumineux, Malala a commencé son combat en 2007, lorsque les talibans imposent leur loi sanglante dans sa vallée de Swat, autrefois paisible région touristique des contreforts de l’Himalaya.
Du haut de ses 11 ans, Malala, fille d’un directeur d’école qui exerce sur elle une énorme influence et d’une mère illettrée, alimente un blog sur le site de la BBC en ourdou, la langue nationale. Sous le pseudonyme de Gul Makai, elle y décrit le climat de peur régnant dans sa vallée.
Le nom de cette gamine pleine de sang-froid, amoureuse des livres et du savoir, commence à circuler à Swat, puis dans le reste du pays lorsqu’elle remporte un prix national pour la paix.
– “Agent des Etats-Unis” –
Les talibans, délogés de sa vallée par l’armée en 2009, décident alors d’éliminer celle qu’ils accusent de véhiculer “la propagande occidentale”. L’attaque aura l’effet inverse: elle choque au Pakistan, et encore plus à l’étranger, notamment en Occident où elle devient du jour au lendemain une star.
Portrait exposé à la National Gallery de Londres, autobiographie au lancement planétaire, conférences internationales, rencontres avec des chefs d’Etat: Malala est désormais une icône mondiale qui profite de ces tribunes prestigieuses pour faire passer ses messages humanistes.
Et si la presse pakistanaise a salué dans une rare unanimité son prix Nobel de la paix, remporté ex-aequo avec l’Indien Kailash Satyarthi, militant contre l’esclavage des enfants qui ravage le sous-continent, son hyper-médiatisation ne plaît pas à tous.
Au Pakistan, les cercles islamistes et une partie importante de l’opinion publique voient en elle un “agent des Etats-Unis” ou “de l’Occident” créé de toutes pièces pour corrompre la jeunesse locale et propager une culture anti-islamique.
La jeune fille, chez qui l’attaque a laissé une légère paralysie faciale, leur répond que “la plume est plus forte que l’épée” et qu’elle ne ressent “aucune haine envers le taliban” qui l’a attaquée.
Malala dit rêver de devenir un jour femme politique au Pakistan. Lors d’un discours à l’ONU à l’été 2013, elle portait un châle ayant appartenu à la “martyre” Benazir Bhutto, la seule femme à avoir été Premier ministre du “pays des purs”, assassinée fin 2007 peu de temps après son retour d’exil.
Source : AFP