«Le griot m’a raconté… Ferdinand Duranthon, le prince français du Khasso » de l’ancienne première dame du Mali, Adam Ba Konaré, est une fresque culturelle de deux mondes. Et tout le monde s’est dit surpris par les explications de l’auteure qui est allée sortir des archives un Blanc du Khaso, un personnage ambigu, présenté comme à la fois victime et précurseur de la politique interventionniste de la France en Afrique. L’ouvrage dont le contenu a été présenté au public malien le mardi 26 février à Musokunda, le musée de la femme, a été salué.
Presque tout le gotha du cercle politico-intellectuel a pris part à la présentation de l’ouvrage, un récit que l’auteure a mis dans la bouche d’un griot, comme si elle voulait réhabiliter la tradition orale. Pourtant, tout le récit est basé sur des traces écrites. L’assistance était conquise et envoutée par le discours romancé du jour, d’autant plus que l’auteur a révélé que les personnages, au destin parfois tragique, ont suscité chez elle des émotions fortes.
Il y a d’abord ce fameux Ferdinand Duranthon, un explorateur au service d’une compagnie de commerce française, envoyé dans le Khaso au 19è siècle. «Je m’étais un peu fâché avec lui… je l’ai même boudé un moment », a raconté l’écrivaine qui, lors de ses recherches dans les archives coloniales, avait fini par s’identifier aux nombreuses femmes de la tumultueuse vie de l’explorateur dont Sadioba Diallo, la fille du roi du Khaso.
L’auteure, qui est surtout connue pour son engagement en faveur des femmes, avait de bonnes raisons d’en vouloir à son personnage principal. Elle a affirmé avoir pris connaissance du personnage de Sadioba Diallo, donc la victime de de l’histoire entre deux hommes par hasard.
Dans un premier temps, lorsque qu’elle faisait des recherches sur l’histoire des femmes du Mali, elle s’est interrogée sur cette figure historique qu’elle considère avoir été victime d’un marchandage politique au moment où le destin de la France et celui du Mali(Soudan occidental) se croisaient via le commerce.
La princesse fut en effet donnée en mariage à Duranthon par le roi, son père, qui était soucieux de protéger son royaume. Et Duranthon, qui était chargé d’établir des contacts au Khaso au bénéfice du commerce français, s’est révélé parfois un bon partenaire pour son beau-père qui avait besoin d’un appui face à des voisins guerroyeurs dont les Bambara Massassi du Kaarta et le Djihad d’Elhadj Oumar Tall.
Mais le plus intéressant, c’est que la famille de l’auteure est liée à histoire royale. Sa belle mère, Binthily Dialla, la mère de l’ancien président de la République Alpha Oumar Konaré, est issue de la famille royale des Diallo du Khaso. Mieux, Dieu a voulu que Durathon soit né en Haïti à la fin du 18è siècle et qu’en 2018 la fille de l’auteure, Dramé Kadiatou Konaré, soit consul honoraire d’Haïti au Mali.
En fin, le récit évoque aussi le prolongement historique de la complexité des rapports entre a France et le Mali qui sont dans une collision permanente. Selon Adam Ba Konaré, il n’y a pas de différence entre Fraçois Hollande et les patrons de Duranthon, puisque Paris ne s’est jamais débarrassé de sa politique de diviser pour mieux régner.
Soumaila T. Diarra
Source: Le Républicain