Le partenariat revêt une importance majeure dans l’atteinte des objectifs de développement durable. Un ensemble de 17 objectifs de développement durable (ODD) forment la clé de voûte de l’Agenda 2030 exigeant des partenariats efficaces entre les gouvernements, les partenaires techniques et financiers au développement, la société civile et le secteur privé. Le succès de tels partenariats dans les pays en développement réside dans la mise en place de coopérations stratégiques entre les partenaires au développement et les structures sectorielles publiques.
Les documents cadres de programmation pays et autres initiatives régionales jouent un rôle moteur et donnent les assises nécessaires pour fédérer les interventions et renforcer les mécanismes de collaboration et de mobilisation des ressources. Au niveau des pays, cela signifie que les pouvoirs publics et partenaires expriment leur engagement et détermination pour renforcer la coordination et la mobilisation de ressources afin d’atteindre les objectifs de développement fixés dans les documents cadres de programmation pays.
Le projet EAF-Nansen, financé par l’Agence norvégienne de coopération au développement (Norad) et exécuté par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avec l’appui de l’Institut norvégien de recherche marine (IMR) pour ce qui est des apports scientifiques et la gestion du navire de recherche Dr Fridtjof Nansen, a depuis le début, privilégié les partenariats avec les partenaires régionaux, en particulier les projets Grand Écosystème Marin (GEM) financés par le Fonds pour l’environnement mondial1 (FEM) et les pays bénéficiaires. En effet, les projets Grand Écosystème Marin tout comme le projet EAF-Nansen collaborent avec les mêmes pays en Afrique avec les mêmes partenaires. Ainsi des accords de partenariat ont été mis en place avec l’ensemble de ces projets œuvrant en Afrique avec pour objectif de renforcer la coopération, la coordination des efforts et la mise en œuvre d’actions communes dans un souci d’optimisation des coûts et d’adhésion aussi large que possible des pays dans les activités des projets.
Les partenariats ont principalement porté sur le développement des capacités et la conduite des campagnes scientifiques marines avec le navire de recherche. Ainsi, les projets Grand Écosystème Marin ont pu bénéficier de l’apport du projet EAF-Nansen à travers son navire de recherche et ses scientifiques pour mener des campagnes écosystémiques et collecter des données dont les résultats ont permis entre autres de préparer leur Analyse Diagnostique Transfrontalière (ADT), qui est un résultat majeur attendu de tous les projets GEM. L’ADT vise à obtenir une synthèse régionale de l’état de l’écosystème, des menaces qui pourraient affecter sa durabilité et proposer par le développement d’un Programme d’Action Stratégique (PAS) des mesures préventives ou correctives à prendre.
Ces mêmes données serviront aussi au projet EAF-Nansen dans les actions conduites avec les pays afin de mettre en place des systèmes de gestion des pêches, qui devront nécessairement être complétés par d’autres considérations, toutes aussi importantes, telles que les aspects économiques, sociaux, technologiques, juridiques, institutionnels, etc. Pour le projet EAF-Nansen, ce fût aussi l’occasion de soutenir à travers les partenariats un mécanisme pour la promotion et la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches (AEP) dans les pays. Des formations ont été organisées, dans certains cas avec la collaboration d’Universités nationales, et des activités au niveau des pays programmées. Il est constaté que les acteurs ont intégré les principes de l’AEP et les ont utilisés dans d’autres contextes, renforçant par ailleurs l’appropriation de l’exécution et des résultats.
Ainsi, par exemple, certains pays d’Afrique centrale, sous l’égide de la Commission Régionale des Pêches du Golfe de Guinée (COREP), qui avaient été assistés pour la préparation d’un plan d’aménagement pour la pêche crevettière ont pu utiliser les principes de l’approche écosystémique des pêches pour aborder la gestion d’une autre pêcherie appuyée par un autre donateur. Il en est de même avec le projet GEM du Courant des Canaries, dont la collaboration a porté sur la préparation conjointe avec l’appui de la Commission sous régionale des pêches (CSRP) et le projet EAF-Nansen d’une politique des pêches pour la partie nord-ouest de l’Afrique sur les ressources de petits pélagiques. Cette politique propose une approche uniforme qui prend en compte la variété des rôles et responsabilités des quatre pays impliqués.
Les partenariats ont clairement permis de dégager des synergies et des complémentarités au bénéfice des pays participants. Ils ont permis également de réduire les coûts d’intervention des projets GEM. Il est à noter que lors de la préparation du projet EAF-Nansen, les projets GEM avaient confirmé leur disponibilité à utiliser le navire de recherche pour mener les campagnes scientifiques en mer sur une base de partage des coûts. Dans certain cas, le coût de la formation des scientifiques nationaux à bord du navire a aussi pu être partagé par les projets, permettant ainsi l’utilisation plus judicieuse et rationnelle des fonds mis à leur disposition pour d’autres actions. Pour les projets GEM en Afrique, cette collaboration avec le projet EAF-Nansen pour la collecte des données avec le navire de recherche leur a permis de réduire les coûts de près de 30 millions de dollars des EU sur la période 2007 et 2015. Les pays partenaires du projet EAF-Nansen, qui ont eu recours au navire tout au long de cette période, ont quant à eux pu éviter de dépenser, en plus, quelques 22 millions de dollars des EU. Il est à noter que la contribution des partenaires représente un peu plus du tiers du montant total du coût du navire.
Dans l’ensemble, les collaborations tant pour les campagnes que pour les actions d’appui se sont déroulées de manière constructive, bien que cela ait comporté un certain nombre de défis. Alors, qu’il a été relativement simple d’identifier les points d’intérêt et discuter d’un programme de travail et parvenir à un accord formel, il a été plus difficile de mettre en œuvre ces partenariats, exigeant un suivi continu et certains retards inévitables dans l’exécution des activités. Ceci étant, l’importance du partenariat avec les projets GEM a été appréciée à sa juste valeur par les pays lors de la mise en commun des travaux
Le fait de privilégier les partenariats a certainement des avantages indéniables, mais exige davantage d’implication dans la planification et la mise en œuvre des actions communes. Il y a aussi lieu de tenir compte du potentiel déséquilibre entre les capacités des partenaires qui pourraient occasionner des délais dans l’exécution des plans de travail. Pour mitiger les risques, il est donc nécessaire de cartographier les principaux risques en précisant leur nature et effectuer une analyse pour établir les impacts potentiels et les mesures envisageables pour les atténuer.
Dans le processus d’établissement du partenariat, une fois que les grands sujets de collaboration sont définis, un élément à ne pas sous-estimer est la préparation d’accords juridiques spécifiant les modes de réalisation, les responsabilités techniques, financières et opérationnelles des partenaires et leur suivi. Ce sont de long processus exigeant des échanges constants.
Avec la multitude de projets de coopération et les limites de la capacité d’absorption de l’aide au développement des pays, il devient important pour les bailleurs de fonds et agences de développement de coopérer à travers les documents cadres de programmation pays et des partenariats solides. Au-delà des avantages que les partenariats peuvent procurer, force est de constater que la relation de partenariat demande un investissement en temps et doit nécessairement être pris en compte lors de la préparation d’un projet, au risque d’avoir un impact mitigé sur la réalisation des activités.
Kyriakos Kourkouliotis
Analyste de projets-Responsable des opérations
Programme EAF-Nansen
Sous-Division de la pêche marine et continentale (FIAF)
La rédaction