L’ONU va entreprendre prochainement d’identifier les Maliens qui font obstruction à la paix dans leur pays en vue de leur imposer des sanctions, ont affirmé mercredi la France et les États-Unis, mais la Russie a mis en garde contre toute précipitation.
« Les retards conséquents » dans l’application de l’accord de paix de 2015 « nous conduisent à devoir aller plus loin », a résumé l’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur le Mali.
« Aucun progrès substantiel n’a été réalisé dans l’application de l’accord et nous souhaitons travailler avec nos partenaires pour identifier les responsables et prendre les mesures qui s’imposent », a abondé Amy Tachco, diplomate américaine.
L’ambassadrice britannique Karen Pierce a apporté son « soutien » à l’identification de « ceux qui font obstruction, retardent ou menacent l’application de l’accord de paix, afin de leur imposer des sanctions ».
« La France engagera avec ses partenaires dès les prochaines semaines (…) un travail visant à identifier ceux qui font obstruction à la mise en oeuvre de l’accord de paix », a précisé M. Delattre.
L’objectif, selon lui, est de viser « dans un premier temps une série de responsables qui nuisent à l’application de l’accord sur le terrain, notamment par leur collusion avec des groupes terroristes ou des activités de trafic ».
Lors d’une rencontre ultérieure avec des médias, l’émissaire de l’ONU au Mali Mahamat Saleh Annadif a précisé que des sanctions étaient « un levier extrêmement important » pour pousser le Mali à la paix. A l’origine, c’est le Mali qui a demandé à l’ONU de prévoir un régime général de sanctions, a-t-il rappelé.
Selon lui, si des sanctions étaient imposées, elles pourraient viser des individus figurant dans les trois parties signataires de l’accord de paix: le gouvernement malien, la Plateforme des mouvements d’auto-défense et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
« L’utilisation directe de sanctions doit être une mesure de dernier recours », a estimé lors de la réunion de l’ONU l’ambassadeur russe adjoint, Dimitri Polyanski, mettant en garde contre toute « hâte ». « Il est de l’intérêt des parties maliennes d’appliquer l’accord de paix » et « le maintien de la sécurité est prioritaire », a-t-il dit.
Présent au Conseil de sécurité, le ministre malien des Affaires étrangères Tieman Hubert Coulibaly a défendu l’action de son gouvernement, assurant que « les petits pas » accomplis pour « rétablir la confiance entre les acteurs » étaient « des pas sûrs ».
– « Progrès trop lents » –
Il est « temps de passer des promesses aux actes en respectant les échéances convenues », a souligné devant le Conseil de sécurité Mahamat Saleh Annadif.
L’opération de paix au Mali (quelque 13.000 militaires et policiers) est l’une des plus meurtrières pour l’ONU dans le monde. Depuis le déploiement des Casques bleus en juillet 2013, l’organisation déplore 102 morts dans ses rangs, victimes d’actes hostiles.
Plusieurs pays, comme l?Éthiopie ou la Suède, ont aussi affiché leur insatisfaction. La Chine a appelé « à un rôle constructif du comité de sanctions » de l’ONU, tout en demandant « à la communauté internationale de respecter la souveraineté du Mali ».
Les Pays-Bas ont relevé que « les progrès étaient bien trop lents et depuis trop longtemps ». « Nous ne devons pas reculer devant l’application des sanctions », a estimé l’ambassadeur néerlandais Karel Van Oosterom.
En janvier, l’ONU avait accordé jusqu’à fin mars aux parties maliennes pour montrer des avancées dans l’application de l’accord de paix signé en 2015 faute de quoi elles s’exposeraient à des sanctions pour obstruction.
En septembre, à la suite d’une demande de Bamako, le Conseil de sécurité avait adopté un régime général de sanctions face au risque d’effondrement de l’accord de paix. Parmi les sanctions éventuelles, l’ONU peut décréter des interdictions de visas et geler des avoirs.
L’accord de paix de 2015 a été signé par le gouvernement malien avec des coalitions de groupes armés. Il était destiné à mettre fin aux combats mais les rebelles et des groupes jihadistes (comme Al-Qaïda au Maghreb islamique), déjà visés par des sanctions, restent très actifs.
Des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de la Minusma.
Un scrutin municipal est prévu en avril, puis une élection présidentielle le 29 juillet suivie de législatives. Le chef de la diplomatie malienne a promis des élections « transparentes » et « inclusives ».
lalibre