Dans «le monde comme je le vois », 2005, l’ancien Premier ministre français Lionel Jospin écrit : «le peuple est au principe de la démocratie. Il est le fondement de la légitimité politique…». Dans la démocratie occidentale, un responsable politique tire sa légitimité de son élection. Mais allons au-delà pour dire que la légitimité est la capacité d’une personne ou d’un groupe à faire admettre sa domination, son autorité sur les membres d’une communauté ou d’une société. La légitimité ne se fonde pas uniquement sur le droit, mais peut mettre en œuvre différents critères comme le sexe, l’âge, les origines, la tradition, la richesse, le statut, les titres, les appuis, la force, la connaissance, l’expertise, etc.
La légitimité a donc un sens plus large que la légalité. La légitimité d’actions politiques sortant de la légalité (désobéissance civile, révolution, terrorisme, coup d’Etat, etc) peut devenir l’un des enjeux du débat politique. Donc, la légitimité dont allègue le Quai d’Orsay est trop réductrice.
De quelle légitimité prétexte la France pour maintenir son ambassadeur au Niger alors qu’elle s’est exécutée dare-dare le 31 janvier 2022 lorsque le Mali de Assimi Goita, issu de deux coups d’Etat, a déclaré non gratta l’ambassadeur de France à Bamako ? Pourquoi Paris n’avait invoqué l’illégitimité de Bamako des autorités de Bamako ? La vraie question est : le Niger est-il la courte échelle ?
Pourtant la Convention de Vienne en son article 9 indique que lorsque deux États ont des relations diplomatiques établies, l’un des deux États peut rompre la relation diplomatique et déclarer le personnel de l’ambassade persona non grata ; dans ce cas, l’autre État doit rapatrier le personnel diplomatique dans un délai raisonnable, sans quoi il perdra son immunité diplomatique. :
« 1. L’État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l’État accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. L’État accréditant rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas. Une personne peut être déclarée non grata ou non acceptable avant d’arriver sur le territoire de l’État accréditaire.
2. Si l’État accréditant refuse d’exécuter, ou n’exécute pas dans un délai raisonnable, les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 1 du présent article, l’État accréditaire peut refuser de reconnaître à la personne en cause la qualité de membre de la mission ».
Paris dénie-t-elle la souveraineté à l’Etat du Niger ? Et sur quel fondement ? Parce que la Convention de Vienne de 1961 ne parle pas de légitimité des autorités mais sous-tend la souveraineté des États accréditant et accréditées.
La souveraineté étant le droit absolu d’exercer une autorité (législative, judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un pays ou sur un peuple. Comme pour les autres nations, pour le Niger aussi elle caractérise l’indépendance de l’Etat-nation par rapport à d’autres Etats (y compris la France) ou à des instances internationales.
Les nouvelles autorités nigériennes, n’en déplaise à la France, sont souveraines.
PAR ABDOULAYE OUATTARA