Le Sahel, comme d’autres endroits du monde, ne cesse de s’embourber dans les sables mouvant de l’extrémisme violent. Les forces sous-régionales se fédèrent, à l’image de la force conjointe du G5 Sahel, mais le péril est profond. Car la lutte contre le terrorisme va bien au-delà d’une guerre conventionnelle. L’Islam du juste milieu, premier rempart contre le fléau.
Berceau de l’Humanité et de la Civilisation, l’Afrique ne cesse de porter l’habit noir du deuil des guerres prétendument saintes depuis des lustres. C’est à croire que le qualificatif de continent noir à lui coller fait référence aux multiples drames dont il est le théâtre plutôt qu’à la couleur de peau de la majorité de ses habitants. Selon Philippe Leymarie, spécialiste et co-auteur des « 100 Clés de l’Afrique » et contributeur au journal, le « Monde diplomatique », sur huit des conflits les plus meurtriers de la planète, sept se trouveraient sur le Continent. Les épidémies s’y succèdent de manière quasi cyclique et la manne financière que représente la richesse de son sous-sol semble à défaut d’une bénédiction, être une malédiction qui attire les groupuscules armés assoiffés de sang et d’argents plus que de spiritualité. Et comme si la fresque des malheurs était incomplète, voilà encore que depuis plus d’une décennie sévit en Afrique le péril du terrorisme religieux. Une nébuleuse maléfique qui puise sa force de la misère et de l’obscurantisme religieux, de la majeure partie des peuples africains plus analphabètes que lettrés, d’où le feuillage de chaos et de désolation. Les recherches poussées prouvent à suffisance que l’utilisation du mot « Jihad » ou de tout autre mot émanant de celui-ci ne correspond en rien aux crimes que perpètre la vermine des terroristes religieux. Dans son acception la plus originale, il signifie tout simplement en Islam, combattre ses envies personnelles et ses perversions les plus obscures. Le Jihad en Islam est un combat de purification de l’âme et du cœur à l’échelle de tout croyant. Son but ultime est d’œuvrer à se rapprocher du créateur Tout Puissant dans la non-violence sans agressivité aucune envers ceux d’une autre confession. Un tel éclairage de la part de nos Ulémas aurait été beaucoup plus utile pour la cause de l’Islam et de son prophète. Comment donc expliquer que des groupuscules armés extrémistes ont pu s’installer au nord du Mali et ailleurs en Afrique ? D’où leur viennent-ils ces armes et ces adeptes ? La réponse semble être de toute évidence. Partout où ces hordes de « hors-la-Charia » ont proliféré, la conjonction de trois facteurs a été constatée. Il s’agit de la misère, la faiblesse du pouvoir central et l’obscurantisme fondé sur une inculture religieuse généralisée. L’Administration territoriale a horreur du vide : Partout où l’Etat central est absent, il a cédé de l’espace à d’autres types d’autorité La facile et rapide dissémination des fous d’Allah sur le continent africain est due en premier lieu à la faible présence de l’Autorité centrale qui a moins d’emprise et de contrôle sur l’ensemble de son territoire. Au Mali, les démembrements de l’Etat étaient quasi inexistants sur les 2/3 du territoire national. Et l’Armée, garante de l’intégrité territoriale, affaiblit par le manque d’attention des pouvoirs publics depuis la Révolution de Mars 1991, n’a pu accomplir sa mission régalienne face aux groupuscules armés Ansar Dine, Aqmi, MUJAO et leur allié de circonstance le MNLA. Malheureusement, la vérité est connue de tous. La grande muette était à l’image de la société, corrompue, indisciplinée avec une chaîne de commandement désorganisée, des formations militaires aux rabais ont finalement céder le pas aux nominations de complaisance. Avec la normalisation en cours, l’occasion est donnée à l’Etat malien de faire ce qui devait être fait depuis l’avènement de la Démocratie au Mali : faire de l’Armée malienne, une des meilleures de la sous-région et, pourquoi pas, de l’Afrique en raison de la valeur militaire et de la connaissance du terrain par les groupes terroristes arabo-touareg. Une forte volonté politique y est indispensable. Silence, l’international terroriste salafiste recrute dans la misère Difficile de résister à l’appel incessant de l’argent même s’il émane de groupuscules armés. Le jeune chômeur désœuvré de voir sa famille tirer le Diable par la queue, vivre au jour le jour avec de maigres ressources en dessous du SMIG, verra en la sollicitation d’un Emir d’Aqmi ou de Boko haram, une délivrance pour les siens. De source bien informée, à titre d’exemple, les combattants d’Ansar Dine étaient récompensés en fonction de leurs exploits. Ainsi pour la prise de la ville de Kidal, 400 000 F CFA auraient été distribués à chaque combattant ayant pris part à l’assaut. Pour la prise de Tessalit, chacun d’eux aurait touché 500 000 F CFA. Et pour la grande offensive vers le sud qui a précipité l’intervention des forces de l’Opération Serval, la récompense aurait montée jusqu’à 1 million de nos francs. D’où leur viennent-ils cette manne financière si ce n’est que du trafic de drogues, des prises d’otages ou du soutien des Monarchies du Golfe et de l’Occident ? Normal donc de voir les terroristes toujours en train de conquérir de l’espace et des combattants car plus ils en occupent plus ils en perçoivent de primes. L’inculture religieuse, un hameçon de plus en plus mordu Tapis dans l’ombre, les endoctrineurs au compte de la mouvance salafiste armé profitent de la méconnaissance d’une grande partie des musulmans des préceptes de leur propre religion pour leur tendre leur perche. Et de plus en plus de jeunes tombent dans le piège. En d’autres termes, l’expansion de l’international salafiste armé en Afrique et partout dans le monde est sensiblement due à l’ignorance passive ou active des pratiquants de la religion de Paix de Mohamed (PSL). De plus, l’aspect idéologique de la lutte contre le terrorisme religieux armé demeure toujours marginal. Nous n’aurons de cesse de le dire, cette lutte implacable et impitoyable ne doit pas se mener que sur le terrain strictement militaire. L’autre terrain, sinon le principal, est de l’ordre du spirituel. Prêcher la bonne parole de l’Islam, expliciter et éclairer sur le sens véritable du mot Jihad et surtout réhabiliter l’image de la religion écornée par les nombreux attentats et autres massacres à répétition contre l’Humanité perpétrés par ces groupuscules armés. Oui, il est grand temps que nos leaders religieux quittent le silence des Mosquées pour investir le terrain contre la cacophonie de l’incompréhension et de l’ignorance de la Religion qui prévaut actuellement au sein de la jeunesse. C’est cette bataille qui est la leur. S’ils ne la font pas, ils auront à rendre compte devant le Créateur ALLAH le Tout Puissant le jour où seul celui qui sera venu avec un cœur sain sera sauvé. La tradition prophétique est pourtant remplie de preuves appelant à la non-violence envers les non musulmans. Une Charte rédigée par le Prophète de l’Islam lui-même (PSL) datant de 628 de l’Hégire doit particulièrement retenir l’attention de la Umma Islamique. C’est un écrit qui fait suite à une demande des moines du monastère Sainte-Catherine, le plus ancien au monde situé au pied du Mont Sinaï en Egypte demandant sa protection. Voici l’intégralité de sa réponse : « Ceci est un message de Muhammed ibn Abdoullah, constituant une alliance avec ceux dont la religion est le christianisme ; que nous soyons proches ou éloignés, nous sommes avec eux. Moi-même, les auxiliaires [de Médine] et mes fidèles, nous nous portons à leur défense, car les chrétiens sont mes citoyens. Et par Dieu, je résisterai contre quoi que ce soit qui les contrarie. Nulle contrainte sur eux, à aucun moment. Leurs juges ne seront point démis de leurs fonctions ni leurs moines expulsés de leurs monastères. Nul ne doit jamais détruire un édifice religieux leur appartenant ni l’endommager ni en voler quoi que ce soit pour ensuite l’apporter chez les musulmans. Quiconque en vole quoi que ce soit viole l’alliance de Dieu et désobéit à son Prophète. En vérité, les chrétiens sont mes alliés et sont assurés de mon soutien contre tout ce qui les indispose. Nul ne doit les forcer à voyager ou à se battre contre leur gré. Les musulmans doivent se battre pour eux si besoin est. Si une femme chrétienne est mariée à un musulman, ce mariage ne doit pas avoir lieu sans son approbation. Une fois mariée, nul ne doit l’empêcher d’aller prier à l’église. Leurs églises sont sous la protection des musulmans. Nul ne doit les empêcher de les réparer ou de les rénover, et le caractère sacré de leur alliance ne doit être violé en aucun cas. Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour du Jugement Dernier (fin du monde). »
Ce discours dans sa teneur est totalement contraire à la haine viscérale que prônent les Emirs du Salafisme à tout bout de champs. Un autre argument de poids renforce le message universel de cette Charte. Lorsque le Prophète Mohamed (PSL) a dit un jour que : « Celui qui fait du mal à un Juif ou à un Chrétien trouvera en moi son adversaire au Jour du Jugement ». Ou encore dans le Coran : « celui qui tue un homme, tue toute l’humanité ». Le salut pourrait venir par le retour à l’Islam tolérant qui a existé sur le continent au premier centenaire de l’Islam. Le Salafisme importé des puissants Emirats du Golfe est très souvent en déphasage avec les réalités sociétales en l’Afrique. Il est parfois la voie royale au terrorisme. Le chemin du juste milieu est celui qu’il faut pour prévenir contre toute tentation des jeunes africains à rejoindre l’Eldorado de l’extrémisme religieux et, un peu plus tard, le terrorisme. La Modération est un des principes clés de l’Islam. Le Coran en fait mention : « «Ô gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion, et ne dites d’ALLAH que la vérité» (4, 171), « Et ne dépassez pas la mesure (limite), sinon Ma rigueur s’abattra sur vous» (20, 81). Le Prophète Mohamed, PSL a également insisté sur cette notion du « Juste milieu » : « Malheur aux rigoristes [extrémistes, littéralistes, terroristes], malheur aux rigoristes, malheur aux rigoristes ! ». (Hadîth rapporté par Muslim sous l’autorité d’Abdallah Ibn Mas’ûd). « Cette religion est robuste, alors pénétrez-y avec douceur [c’est-à-dire sans exagération] hadîth rapporté par Ibn Mâjah». « Cette religion est de pratique facile. Que personne ne cherche à être trop rigoureux dans l’observance de la religion, sinon il succombera à la tâche. » En conséquence, choisissez le juste milieu en cherchant à vous rapprocher de la perfection, réjouissez-vous (de la récompense qui vous attend), et restez persévérants dans l’accomplissement des actes d’adoration le matin, le soir et une partie de la nuit ». (Hadîth rapporté par al-Bukharî). Ahmed M. Thiam
Source: infosepte