LE SAVIEZ-VOUS ?
« L’ASACOBA est la toute première association de santé communautaire créée en Afrique »
A l’occasion de la tenue de l’assemblée générale de l’association de centre de santé communautaire de Banconi (ASACOBA), le président du conseil d’administration, Amadou Ouattara, nous a accordé une interview dans laquelle il fait la genèse de l’association.
Les Echos : En quelle année l’ASACOBA a été créée ?
Amadou Ouattara : L’association a été créée le 2 juillet 1989. Mais le centre de santé communautaire de Banconi a vu jour une année après. C’est-à-dire en mars 1989.
Les ECHOS : Comment est venue l’idée ?
Amadou Ouattara : Ce sont nos mères et nos grand-mères qui se sont réunies. Le quartier Banconi étant vu comme reculé du centre-ville à l’époque, et le suivi prénatal aussi bien que les accouchements étant des problèmes, faute de centres de santé proches ; les femmes du quartier ont décidé d’instituer entre elles une cotisation mensuelle de 25 francs afin de constituer un fonds capable de créer une structure sanitaire à petite échelle. Avant, il fallait acheminer les femmes à Gabriel Touré, et de façon vraiment pénible. Pour y remédier, les femmes ont donc eu l’idée d’un fonds. Cela fait, elles ont demandé de l’aide çà et là pour accroître le fonds.
C’est sur ces entrefaites qu’un monsieur du nom de Barik, au niveau de la Faculté de Médicine, a pris contact avec les femmes. L’homme les a aidées à monter un projet qui a été validé par l’Etat. C’est ainsi qu’est né le centre de santé communautaire de Banconi.
Les ECHOS : Quelles sont les grandes actions que vous avez menées à la tête du CA ?
Amadou Ouattara : Nous, personnellement, c’est notre premier mandat. Nous sommes arrivés à la tête du CA de l’ASACOBA il y a 4 ans et demi. Quand nous avons pris les rênes, il fallait assainir un peu parce que c’était l’idée de la vieille école qui prévalait dans la gestion. On a essayé de mettre fin à certaines pratiques peu propices. D’abord, nous avons mis l’accent sur l’accueil afin d’informer les gens sur le travail efficace de l’ASACOBA. D’emblée, nous avons procédé ainsi pour que les consultations puissent augmenter. Ensuite, nous nous sommes attelés à sensibiliser nos travailleurs parce qu’il y avait beaucoup de problèmes d’escroquerie sur la vente des tickets, surtout au niveau de la maternité où les femmes se plaignaient du fait qu’on leur extorquait des sommes indues et injustifiées.
En troisième lieu, nous avons innové en amenant certains spécialistes car l’idée même de la structure, c’est de rapprocher la santé des populations.
Les Echos : Vous, à la tête du CA de la première ASACO du Mali, quel est le sentiment qui vous amine ?
Amadou Ouattara : Un vif sentiment de fierté parce qu’il y a près de 2000 CSCom à travers le Mali qui ont été créés à l’image du CSCOM de Banconi. A chaque fois qu’on parle de l’idée même de l’association de centre de santé communautaire, on est obligé de parler de Banconi. Aujourd’hui, nous sommes les pionniers dans la santé communautaire universitaire. L’ASACOBA est reconnue par la Faculté de Médecine. La Faculté nous envoie des étudiants pour la formation et la recherche. Il y a 5 CSCOM universitaires au Mali, et l’ASACOBA en est la première. Cela a permis de faire connaître le quartier Banconi au-delà même du Mali. Le projet de santé communautaire universitaire est venu d’un médecin canadien qui venait faire ses stages d’internat au Mali. Et il est tombé sur « l’initiative de cotisations des femmes de Banconi » pour bâtir un centre de santé. Après ses études universitaires, le Canadien a tenu à leur chercher ce projet innovant qui fait qu’aujourd’hui nous nous sommes érigés en premier centre de santé communautaire universitaire du Mali. Nous formons les médecins spécialisés en santé de la famille et en santé communautaire.
Aliou Dème Bah, président de l’Unascom : « Il y a plus de 16000 ASACO en République du Mali. L’ASACOBA en est la première. Les ASACO font un travail remarquable pour la santé des populations. Cependant un problème subsiste auquel les ASACO sont confrontées. Voilà : il y a une convention qui lie la mairie de la commune I à l’ASACOBA ; l’Etat met à disposition des mairies un fonds au profit des ASACO. Où en sommes-nous avec la convention d’assistance mutuelle qui lie les collectivités aux ASACO ? L’Etat réserve plus de 5 milliards au profit de la santé communautaire. Normalement les collectivités doivent capter ce fonds pour le bien-être des populations. Qu’en est-il ? »
Amadou Daouda Diarra, membre du CA : « L’ASACOBA est la première association de santé communautaire d’Afrique. De sorte que tous les pays africains viennent ici au sein de la structure pour s’inspirer du modèle de l’ASACOBA. C’est un Canadien ayant résidé au Mali qui a eu, à l’époque, en 1989 précisément, l’idée d’appuyer les femmes enceintes de Banconi en les aidant à donner corps au projet de santé. Au Canada, dans les années 80, le dispositif de santé communautaire était très avancé. C’est ce que le Canadien a transposé ici à Banconi. Et c’est du Mali que l’idée de santé communautaire a gagné le reste de l’Afrique. De plus, actuellement, en termes de plateau technique, nous n’avons rien à envier aux centres de référence du pays. D’ailleurs, parmi les 5 ASACO retenues pour être érigées en CSREF, l’ASACOBA est en pole position. Nous sommes en partenariat avec la faculté de Médecine ainsi que le CHU du Point G. »
Seydou FANE
Source: Journal les Échos- Mali