En collaboration avec le bimensuel d’Investigation “La Lettre Confidentielle du Mali”, le Groupe (Thint tank indépendant et panafricain) a organisé le jeudi 5 novembre un Panel de haut niveau sur la sécurité au Sahel. Les panelistes venus de la Mauritanie, du Niger et du Mali dont l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, ont passé au peigne fin les questions de prise d’otages dont la libération généralement négociée au Mali est assortie du payement de rançons faisant de notre septentrion un “entrepôt d’otages”.
Membre du Groupe Caïlcédrat qui est un groupe de réflexion, Alexis Kalambry a expliqué que l’objectif visé est de créer du contenu local pouvant servir de base de réflexion et de décision pour les autorités. C’est ainsi qu’il ajoutera que ce Think tank a été créé pour faire des débats mensuels sur les problématiques maliennes, sahéliennes et panafricaines afin que les autorités aient du contenu local, de la matière pour décider de façon éclairée. Et avec la libération récente de l’influent homme politique malien, Soumaïla Cissé en compagnie d’autres ex-otages occidentaux ayant défrayé la chronique pour plusieurs dizaines de millions d’euros de rançons évoqués, le sujet idéal est vite trouvé par les initiateurs pour débattre du Sahel et de ses otages. A cet effet, les experts du Sahel et des questions liées aux otages ont débattu autour de deux panels : Le Sahel et ses otages, Faut-il payer des rançons aux ravisseurs?
Pour le journaliste Serge Daniel, le Nord du Mali est devenu un entrepôt d’otages dans la mesure où même les otages kidnappés ailleurs y sont amenés pour négocier leur libération. “Quand on amène les otages dans le Nord du Mali, les pays d’où ils sont originaires demandent au gouvernement malien de négocier et de ne pas utiliser la force pour obtenir leur libération contrairement à l’Algérie et dans d’autres pays”, a-t-il fait savoir.
De l’avis de Soumeylou Boubeye Maïga, la porosité de cet espace s’explique par la faible présence voire l’absence de l’Etat sur plus de la moitié du territoire national où ne vivent qu’environ 2 millions d’habitants sur la vingtaine d’habitants que compte notre pays. “Le Nord du Mali est un espace sous-gouverné alors qu’il représente environ 62 % du territoire national. C’est une zone étendue pas bien contrôlée par l’Etat”.
D’après les chiffres avancés par les panelistes, de 2003 à 2020, près de 80 otages ont été libérés contre des payements de rançons s’élevant à plusieurs dizaines de milliards de F CFA. A la question de savoir s’il faut payer ou pas les rançons pour obtenir la libération des otages, les avis sont partagés. Opposé à cette forme de libération, le Nigérien Ibrahim Diallo estime que payer des rançons donne de l’appétit aux ravisseurs qui se renforcent par la même occasion avec cet argent en effectif et en armement pour perpétrer d’autres attaques et continuer la prise d’otages. “Je suis contre”, a-t-il fait savoir avant de proposer le renforcement des capacités locales. “A mon avis il faut que nos services de renseignement coopèrent avec les populations locales c’est-t-à dire les éleveurs, cultivateurs et autres. C’est une piste fiable à ne pas négliger”, a-t-il avancé comme arguments.
A l’opposé, Isselmou Sahili de la Mauritanie a rappelé que le payement de rançons n’est pas un phénomène nouveau et qu’il date de plusieurs années. “Donc rien de nouveau”, dit-il tout en soulignant les conséquences de la méthode de force qui mettrait en danger la vie de nos soldats. “On manque de moyens adéquats tels que l’aviation ou la géo-localisation. Donc on est obligé de passer par la méthode diplomatique qui consiste à négocier”.
Pour sa part, Serge Daniel propose qu’il faut plutôt s’attaquer au problème depuis sa source. Une façon de dire que mieux vaut prévenir que guérir. “De mon point de vue, la question n’est pas de savoir s’il faut payer ou pas. Il faut simplement assurer la sécurité de nos territoires. Si l’on assure la sécurité de nos territoires, il n’y aura pas de rapt à plus forte raison de payer de rançon. Sinon il y a deux doctrines : ceux qui payent et ceux qui ne payent pas”, a fait savoir le Directeur de Publication du bimensuel d’Investigation, La Lettre Confidentielle du Mali.
En conclusion, l’ancien Premier ministre propose de changer de mode de gouvernance face à un Sahel totalement militarisé où l’on retrouve plusieurs groupes armés. A cet effet, il s’est dit favorable à ce que l’Etat fasse preuve de beaucoup de volontarisme pour avancer dans la mise en œuvre des aspects sécuritaires de l’Accord d’Alger. “Ça permettrait de soustraire une bonne partie des éléments armés du mouvement criminel”, a conclu l’ex-ministre de la Défense et des Anciens Combattants du Mali, Soumeylou Boubeye Maïga.
Alassane Cissouma
Source: Mali Tribune