Dans un précédant texte intitulé « Pour une transition pactée », nous avons souligné que « le temps est venu de décortiquer comment la gouvernance IBK a organisé la faillite du Mali, et de nous dire pourquoi cet homme et son clan ne peuvent plus continuer à diriger notre pays à moins que nous soyons des adeptes du suicide collectif. » Avant ledit texte, il avait été écrit que la voie électorale, depuis 2018, est devenue une impasse au Mali. Celle-ci a été ravalée au rang de futilité lors de la dernière présidentielle. C‘est pourquoi, il ne nous reste qu’à disqualifier tout pouvoir qui en est issu et qui s’est imposé au pays par la violence. Ainsi que l’a si bien dit le Chérif de Nioro, le Chef de l’État sortant n’a fait que proroger son mandat à l’image de son Assemblée nationale.
Dire que le Mali est dans une « impasse historique » relève du truisme. Nous avons largement atteint les limites d’un système complètement hors-service qui n’offre aucune perspective et dans lequel toutes les institutions sont en crise de légitimité sur fond de violation permanente du droit de la République et des citoyens.
La récente interview à la presse de l’Ambassadeur d’Allemagne à Bamako, Dietrich Becker, disant qu’il a « plus confiance aux populations des campagnes et aux sages des villages qu’aux institutions de la république du Mali », aussi inconvenante qu’elle soit dans les uses diplomatiques, illustre la décrédibilisation et le manque de légitimité de nos institutions républicaines vassalisées et bafouées par le pouvoir IBK.
Et pour sortir le pays de cette situation, il faut aller vers une phase de transition durant laquelle le pouvoir politique sera confié à un collège de personnalités nationales qui ne peuvent pas concourir à des postes de responsabilité. Ce collège de personnalités se chargera des réformes politiques et institutionnelles nécessaires de façon consensuelle avant de passer à l’organisation des élections présidentielles et législatives.
Le Pouvoir IBK peut être associé dans les démarches pour les assises en tant que partie et non pas en qualité de tuteur ou d’arbitre tel qu’il semble se dessiner dans l’organisation du « Dialogue national » en préparation.
Le Pouvoir IBK n’a plus rien à offrir à une société malienne, traumatisée par ce qu’elle vit, inhibée par une ignorance cultivée et véhiculée au quotidien par une caste de prédateurs et de prébendiers qui détournent allègrement les ressources de l’Armée nationale et livrent à la mort au quotidien des centaines de civiles et de militaires. Chaque jour la géographie de la présence de l’État dans le pays se rétrécie comme un pot de chagrin, devant une armée désarmée et cantonnée dans son propre pays.
Pour faire face à cette situation, il est plutôt question de dresser les ressources politiques et morales du pays et non de baisser les bras et de déserter la scène du combat.
C’est pourquoi il faut s’interdire d’écouter le cri du ventre de tous les grillons qui entament le même refrain à qui mieux, à savoir la nécessité d’un pacte autour de IBK pour sauver un Mali dans lequel le problème majeur est justement le manque de Président.
Que faire pour doter le pays de Président et d’une véritable direction nationale ?
L’énorme potentiel démocratique marginalisé de notre société est désormais interpellé pour réinvestir les luttes sociales, politiques aux côtés des forces politiques, syndicales, associatives qui œuvrent pour sauver le Mali.
Le pays doit s’engager à construire un rapport de force populaire pacifique en faveur d’un projet de sauvegarde national qui soit démocratique et républicain.
Le passage en douceur qui est demandé au pays doit se baser sur les grands acquis de la révolution démocratique de 1991. Et pour le réussir, il faudrait construire un consensus solide à valeur constitutionnelle.
La plupart des transitions démocratiques réussies dans le monde, ces quatre dernières décennies, l’ont été grâce à des compromis entre les acteurs politiques et les sociétés civiles dans les différents pays concernés.
D’où tout l’intérêt de reconsidérer le mérite d’une transition pactée qui suppose que les forces politiques transcendent leurs petits intérêts en acceptant de mettre au centre du jeu l’intérêt collectif afin de :
• Doter le pays d’un gouvernement et d’un véritable chef d’État, en lieu et place d’un Chef d’État en tourisme sur nos terres ;
• Procéder à l’identification, à l’orientation et à l’élaboration des réformes politiques et institutionnelles majeures, dont la refonte totale du système électoral, pour la représentation et la participation effective des citoyens à la vie publique ;
• Procéder à une mise en plat, puis à une refonte totale du système électoral pour de futures élections ;
• Criminaliser toutes les formes de pratiques corruptrices, en direction de la presse, des chefs religieux, des sportifs, ou des grands électeurs ;
• Mettre en place d’une commission nationale indépendante représentative des forces politiques et sociales, pour faire les comptes de la gestion du pays. Ce qui devra ouvrir la porte à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes incluant la sanction des auteurs et la récupération par l’État des biens détournés…
Souleymane Koné, Ancien ambassadeur
1er vice-président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (FARE)