Le Mali a déjà vécu au moins cinq années blanches perdues pour la sécurité et le développement. Plutôt que d’envisager une alternative crédible pour le pays, le pouvoir IBK totalement assiégé de toute part se perd dans des combinaisons politiques florentines. Englué dans une gestion politique suicidaire de l’armée, un renouveau judiciaire en trompe-l’œil et une grosse blague de dialogue national qui tourne en eau de boudin, il se lance à la recherche tous azimuts d’alliances sans principes et sans valeurs morales croyant pouvoir déjouer la colère du peuple.
Apres Mondoro et Boulkessi, les révoltes qui se sont exprimées à Sévaré sont le concentré de la crise malienne : du désespoir et de la colère du pays contre IBK. Tout le monde sait que les espoirs déçus ont un effet dévastateur.
Avant Sévaré, les épouses des militaires du « camp para » avaient envahi les rues à Bamako. Et, quand les femmes et les enfants des militaires descendent dans la rue, c’est l’armée qui défile, c’est elle qui crie en vérité son désespoir et son amertume.
Dans le spectacle déprimant de pillages du camp de la MINISMA, il faut y voir la réaction d’un peuple déboussolé par six(6) ans de prédation de ses ressources, un régime dans lequel les services sociaux de base n’ont que leur apparence. Dans ce contexte, toute contestation ou violence s’adresse en vérité au pouvoir quelle que soit la cible effective.
Mais, pour brouiller cette grille de lecture de la réalité, le Pouvoir IBK monte ses plumitifs pour accabler les citoyens et les forces de Défense et de sécurité. Dans leur épanchement de la peur, l’armée est traitée de tous les noms d’oiseaux. Ce qui fait que dans leurs bouches, la défense des FAMA devient un slogan creux et infantilisant.
En effet, c’est la gouvernance IBK qui affaiblit l’armée, la démoralise par le détournement des ressources à elle affectées. Plutôt que de signaler cette réalité, tout est fait pour occulter la responsabilité première du pouvoir dans les évènements ci-dessus.
C’est dire qu’autant l’armée est victime de la gestion politique, autant la MINUSMA est condamnée par la perception de sa mission dans le pays. C’est pourquoi, les perspectives de la présence des forces étrangères au Mali gagneraient à prendre en compte les perceptions qu’ont les citoyens de leur rôle. Il faut travailler à faire correspondre autant que faire se peut, le fossé entre la perception des Maliens et les missions en cours.
Il s’y ajoute un constat constant dans notre pays, chaque fois que le pouvoir connait des difficultés majeures, la révolte contre la présence des forces étrangères gagne en intensité. Cela donne l’impression que le débat sur la présence des étrangères est mal posé et surtout instrumentalisée par des cercles du pouvoir. Le citoyen doit comprendre que la présence des forces étrangères est devenue un élément majeur de notre politique intérieure.
Quand ceux qui dirigent le pays croient que leur statut n’est lié qu’à cette présence, nos réflexions doivent évoluer et changer de nature. Nous devons imposer le respect de la souveraineté du peuple à ceux qui sont censés parler et agir en notre nom.
Paradoxalement, au lieu de nous concentrer sur la gouvernance calamiteuse du pays, des Maliens se laissent capturer par la propagande gouvernementale pernicieuse qui oriente inlassablement nos énergies vers la MINUSMA, les forces Barkhane… Pour sûr, ce jeu de dupe ne changera que lorsque, faute de respecter les Maliens le pouvoir verra son statut mis en cause par une mobilisation déterminée.
Car la véritable défense des FAMA et le respect de la souveraineté passe par doter le pays d’une nouvelle Direction nationale crédible, la gestion efficiente entre autres des forces étrangères est à ce prix.
Englué dans le détournement des ressources de l’armée, le système IBK l’est aussi dans les affaires judiciaires.
En effet, la justice reste entre autres le grand manque, voire la place vide de la gouvernance IBK. Que de procédures judiciaires annoncées mais sans suite, que de commissions d’enquêtes ou de rapports enterrés. Dans le Mali sous IBK, les politiques et les administrations ne sont plus responsables de leur gestion, la sanction est méconnue.
Tout, montre à croire que ceux qui ont pensé ces derniers jours à la résurrection de la justice à la faveur de quelques opérations spectaculaires, vont déchanter. Aucun nouvel espace ne semble s’instaurer dans le système judiciaire. La justice est loin d’être à l’abri des empiètements des autres pouvoirs. La justice peine à se soustraire de pressions partisanes sur le processus judiciaire.
Quelques arrestations retentissantes sont l’arbre qui cache la forêt et cela ne pourrait remédier au désamour entre le citoyen et la justice.
Le vrai visage de la corruption reste occulté. On peut même soutenir que les règles du jeu restent opaques. Faudrait-il un contrôle citoyen de l’activité judiciaire elle-même dans cette phase ?
Car, avoir une bonne cause ne justifie pas une option sélective dans la manière de rendre la justice. S’il y a eu un crime contre notre pays ces dernières années c’est le détournement des ressources de l’Armée alors qu’elle se bat pour l’intégrité territoriale et l’unité de la nation. Une partie de ce détournement des fonds de l’armée a été documenté par nos procédures internes en occurrence celles du Bureau du Vérificateur Général et sanctionnée par le FMI et la Banque mondiale. Devant l’insistance des institutions financières internationales, le Gouvernement a dû prendre des mesures administratives et politiques contre les coupables et promis du bout des lèvres des poursuites judiciaires. L’Affaires de l’avion présidentielle et des équipements militaires, celle des avions Super TUCANO et des hélicoptères cloués au sol ont entrainé la mort des milliers de Maliens et mis en péril la nation elle-même.
Lorsque la justice détourne le regard d’une telle situation, le doute et l’incertitude s’installent. C’est pourquoi le spectacle judiciaire en cours, donne le sentiment que seuls les mal aimés du système sont inquiétés. Il est difficile de ne pas voir dans les procédures enclenchées en dépit des maquillages et du sponsoring médiatique, une stratégie de réhabilitation à moindres frais d’un régime au détriment de toutes valeurs de justice.
Le pouvoir IBK est à bout de souffle, il est au bord du naufrage et menace d’entrainer le pays dans sa noyade. La déconfiture sécuritaire, politique, économique et sociale est telle, que le pouvoir n’a plus autorité sur aucun secteur de la vie nationale. Le dialogue national inclusif qui était une promesse de nouvelle construction politique et sociale pour le redressement de la nation est finalement apparu aux yeux des citoyens lucides comme une nouvelle ressource politique pour réhabiliter la gestion calamiteuse du pays et de ressources financières pour certaines catégories de fonctionnaires. C’est peu de dire que le système hors-service qui a atteint toutes ses limites, entrevoit le dialogue national comme une stratégie de sa propre légitimation, voire une opération pour sa de survie politique.
Il n’y a donc rien d’étonnant que la kermesse se soit transformée en monologues du gouvernement. Toutes les forces significatives dans l’opposition et/ou la société civile se sont retirées pour ne pas cautionner une imposture de plus.
D’où la panique actuelle du clan qui a mis le pays en danger de disparition et peine à trouver de soupapes de sécurité. Alors il se lance à la recherche tous azimuts d’alliances sans principes et sans valeurs morales.
Après avoir lâché ses soutiens les plus acharnés, devenus, certes de plus en plus rares, le pouvoir IBK a recours à l’alchimie politique et judiciaire pour défendre l’image écornée et délavée d’une gouvernance qui a abimé le pays. Les partis politiques satellites, la société civile de connivence, des associations de fabrique RPM, tous sortent sur la pointe du pied du bateau ivre.
Il faut croire que d’autres acteurs les remplacent au pied levé. Ça fait bizarre, mais c’est instructif pour la fin des années blanches, pour la sécurité et le développement, que vit le Mali.
Parmi les invités improbables, il y a au moins un ancien président qui a tout à se faire pardonné des Maliens. Un Président de la Cour Constitutionnelle, qui vient de découvrir, dans une lettre envoyée aux anciens Chefs d’État et anciens Présidents de la république, que «les piliers de la nation sont fortement fragilisés par la crise multidimensionnelle qui prévaut ».
Il faut souligner que la Cour constitutionnelle a largement contribué à cette fragilisation du pays dans sa décision de complaisance concernant le référendum constitutionnel en déclarant que la sécurité du pays était sous contrôle parce l’insécurité n’était que résiduelle en 2017. Elle a davantage contribué à la déstabilisation du pays en avalisant les résultats tronqués et truqués des élections présidentielles de 2018. Elle sert aujourd’hui de voix pour rallier tous les grillons qui ne pensent qu’à leur ventre dans de combinaisons florentines, totalement dénuées de principes et de valeurs morales.
Le Triumvirat qui sous la houlette du pouvoir IBK, n’a pu éviter que le dialogue ne devienne un monologue de la majorité présidentielle, prend fait et cause contre les absents, l’arbitre est devenu en même temps le juge.
Il y a la camarilla de partis signataires de l’accord politique, mais n’appartenant pas au regroupement dirigé par le RPM, nouvellement tombée sous le charme prédateur de la gouvernance IBK. Ces nouveaux disciples continuent contre tout bon sens à se réclamer de l’opposition alors même qu’ils prétendent être la clé de voute du gouvernement désormais devenu un véritable orchestre de sourds.
C’est avec cette nouvelle alliance du ventre sans offre politique, sans idées du Mali, que le Pouvoir IBK pense pouvoir déjouer la colère du peuple et arrêter son naufrage annoncé.
Souleymane Tiéfolo Koné, ancien ambassadeur en Mauritanie