La situation de l’Azawad ressemble à quelques exceptions près à un film western dont la régie et la réalisation se trouvent à Bamako. Comme tout bon film, il rassemble des acteurs de préférence célèbres et quelques ingrédients de base comme la recherche de l’idéal, la méchanceté, l’envie, l’amour, le courage, la trahison, la liberté, etc. ; symbolisé par le contexte interne… et une bonne dose de suspense et de revirements symbolisés par la communauté internationale et ses enjeux. Ainsi, nous allons tenter de voir les acteurs principaux un à un. À commencer par le principal.
Le Mnla, dirigé sur le terrain par le colonel Mohamed Najim, lui-même piloté par un bureau politique, le Mnla joue le rôle du bon qui recherche un idéal d’indépendance et de liberté dans l’unité et la diversité, dans un terreau miné par avance par le Mali et ses partis politiques qui ont œuvré sans relâche à diviser pour mieux régner sur les communautés du Nord toutes ethnies confondues. Créé à Zakak, le Mnla a vu débarquer l’ancien chef de la rébellion des années 90 Iyad ag Ghaly devenu depuis négociateur d’otages, puis salafiste. Ce dernier voulant être kalife à la place du kalife a été simplement éconduit devant le fait qu’il jouait encore le rôle d’envoyé spécial d’ATT et fricotait avec Belmoktar et Abou Zeid. Un cumul de fonction, dirait-on, impossible sous peine de discréditer la volonté réelle du Mnla de réclamation de l’indépendance de l’Azawad.
Plutôt que d’être compris comme tel, Iyad a vu cela comme une humiliation, un lien avec une vieille histoire passée entre Mohamed Najim et lui dans la bande d’Aouzou, et un message lui étant destiné comme l’homme du passé et du passif. Qu’à cela ne tienne ! Iyad, dit-on, a de la ressource et loin d’être le dernier des idiots, est revenu illico presto dans son Abeibara natal pour préparer le plan du siècle, en partie par méchanceté, en partie par orgueil, et en partie par intérêt. Empêcher à tout prix le Mnla de jouir de l’indépendance de l’Azawad ! L’affaire arrange bien quelques-uns à commencer par le Mali qui l’encourage à faire appel à leurs amis communs d’Aqmi et à l’Algérie. Aussitôt dit, aussitôt fait!
Iyad se lance, son courage lui fait prendre tous les risques pour montrer qui il est l’homme incontournable. Adjelhoc arrive, le Mnla ayant une stratégie très particulière qui consiste à faire le moins possible de victimes et à éviter tout affrontement non obligatoire avec des azawadiens, la ville a été encerclée pendant plusieurs jours avec une puissance de feu sans pareil, et prête à tomber. Iyad, qui avait bien pris le soin de laisser ses “petits” au Mnla, est venu cueillir le fruit de la victoire en envoyant quand même un message au Mali disant que ses amis ne sont pas des enfants de cœur et toute rupture de pacte pourrait l’exposer aux pires horreurs. Le Mali a bien enregistré cinq sur cinq et même allé plus loin pour essayer de mettre les événements de Adjelhoc sur le dos du Mnla en guise de réponse.
Le «pacte» en question
Depuis la signature des accords de Tamanrasset, Iyad est devenu homme d’affaires. Des mines d’or aux GIE, des financements de projets fantômes à Kidal aux enveloppes de Koulouba, des otages aux réseaux internationaux, rien n’échappait à son escarcelle. Trop gourmand, ATT s’est retrouvé fatigué de donner, donner, donner et a tenté de fermer le robinet à Iyad, mal lui en a pris car, derrière Iyad, il y a les intérêts puissants et budgétivores de ses alliés. Le peu intelligent ATT mis donc en place deux vaillants soldats en remplacement avec leurs réseaux ramifiés jusqu’aux campements de l’Azawad. L’un qui s’appelle Ould Meydou dont le réseau est géré par Lobbo Traoré, sa femme. Il comprend tout un parterre de gens allant de Zahaby Ould Sidi Mohamed, fonctionnaire aux Nations Unies, jusqu’à Ould Aweinat, en passant par Dyna Ould Deya. Ce réseau est à la fois politique, économique et militaire.
Ensuite, le deuxième est celui de Elhaj Gamou, directement lié à ATT lui-même, il comprend des douaniers célèbres ex-MFUA, des élus, des conseillers à la présidence et une milice communément appelée Delta très connue à Kidal pour ses actions. ATT a donc fomenté la mise à mort de l’indépendance de l’Azawad en jouant tour à tour sur ces trois tableaux, mettant en avant l’un ou l’autre, selon les circonstances. Parmi les trois, Iyad, le plus intelligent et le vrai guerrier, prend le dessus et devient aujourd’hui seul soutien pour le Mali. Les deux autres ayant lamentablement échoué ne rencontrant plus que méfiance voire dédain de la part du nouveau maître des lieux, le capitaine Sanogo. Le «petit nouveau», peu familier des dossiers, commence alors à comprendre les enjeux. Avec une armée inexistante, il va donc jouer la carte de la publicité à Iyad contre le Mnla et remettre en scelle la fibre patriotique du peuple déjà lobo-tomisée par ATT.
Ainsi, les vidéos de Anasar Edine font fureur à Bamako d’autant que ces dernières passent par Serge Daniel, représentant de l’AFP, qui a réussi lui aussi à se rendre célèbre avec un livre de basse facture sur Aqmi, l’intitulant vis-à-vis des Occidentaux “spécialiste de la question”. Ainsi, ATT, le spécialiste de l’inauguration médiatisée (parfois 3 fois le même bâtiment), est remplacé par Oumar Ould Hamaha “le bouc” émissaire visiophonique d’Aqmi faisant oublier aux Maliens que Adjelhoc, c’est le même Oumar Ould Hamaha et ses hommes. Le peuple malien toujours Lobo-tomisé, même après le départ de ladite Lobo, applaudit à nouveau, remerciant Dieu de leur avoir envoyé l’ennemi de leur ennemi qu’il pense en mesure de mieux maîtriser.
Quant à Iyad, habitué des affaires, il laisse parler à sa place, cheickh Aoussa, d’abord pour tromper les Kel Adgah, ensuite Oumar Ould Hamaha pour les Bérabiches, et pendant ce temps, il évacue sur commande le matériel de la SATOM à Tombouctou vers le Burkina Faso et prend ses royalties habituelles pour la libération «avec une certaine facilité» d’une Italienne aux mains d’Aqmi. Business is business et seul un conseiller célèbre de Blaise Compaoré, vers qui a été orienté l’otage, est aussi fort en affaires de ce type.
Le Mnla dans tout ça ?
Mouvement indépendantiste, le Mnla couvre géographiquement et militairement de In khalid à Léré, évitant volontairement les affrontements et les provocations des islamistes, destinés à lui faire ouvrir un deuxième front et transformer l’Azawad en champ de bataille, il souffre de deux choses. L’interprétation de cette stratégie comme une faiblesse dans un monde où l’adversaire, aussi petit soit-il, brille par ses interventions musclées et son efficacité ponctuelle. L’infiltration en son sein d’éléments pro-islamistes, dont le neveu direct d’Iyad par exemple, qui informent Ansar Edine de tous les plans. Mais il faut reconnaître que sa puissance de feu est intacte et toujours impressionnante, sa diversité est réelle (Touaregs, Arabes, Aonrhaï) et le nombre de ses adhérents est sans aucune mesure incomparable avec celui des islamistes, mais la presse dans la recherche de sensationnel est plus encline à médiatiser le facteur de frayeur occidental que sont les islamistes que des gentils indépendantistes, à la limite présentés comme idéalistes au même titre qu’un mouvement altermondialiste.
Les grandes puissances
Détentrices de tous les moyens, les grandes puissances soufflent le chaud et le froid, loin du temps où fut créée la Société Des Nations, elles ne fonctionnent plus en terme de droits de peuples à l’autodétermination, mais de droit de leurs peuples à exploiter les matières premières pour endiguer la crise planétaire que leurs spéculations financières ont créée. Tout comme en ailleurs dans le Monde, elles sont incapables de voir que le retardement de la reconnaissance d’un état de l’Azawad est, au point où vont les choses, et dans l’Etat de délitement du Mali, la seule alternative à permettre une coopération fructueuse de lutte antiterroriste, mais aussi de règlement de l’actif humanitaire qui ne fera basculer l’ensemble de la sous-région dans le chaos. Comme tout bon film hollywoodien, la suite est attendue dans le 2 ou le 3, avec un changement de réalisateur ou d’équipe de tournage ?
Envoyé par un Azawadien pro-azawadien
Source : Le Reporter