Au mot dialecte, les sociolinguistes préfèrent la notion de variante. Le dialecte, étant selon les premiers linguistes la variante d’une langue déjà normée, désignait durant la colonisation les langues qui n’avaient pas d’écriture. Actuellement, le Mali reconnaît 13 langues nationales, qui comptent chacune plusieurs variantes. Même si certains au sein d’une même langue se comprennent plus ou moins bien, cette diversité fait la richesse de la culture.
« De façon générale, toutes les langues ayant une extension géographique et démographique ont des variantes », explique M. Hamadoun Bocar Kanfo, professeur à la Faculté des Lettres et sciences du langage (FLSL). Et nos langues ne font pas exception. Elles en ont toutes et à l’intérieur d’un même pays on peut dénombrer plusieurs variantes et souvent même des sous-variantes. Pour le sonrhaï, par exemple, on évoque deux grandes variantes, une à Gao et l’autre à Tombouctou. Et chacune compte plusieurs sous-variantes, comme le sonrhaï des villes de Goundam ou de Djenné. Des particularités au sein d’un même cercle font aussi que chaque sous-variante se distingue.
Les variantes naissent du contact de langues entre elles. C’est ainsi que le sonrhaï de Tombouctou est teinté d’arabe, ce qui fait sa spécificité, même s’il comprend le sonrhaï de Niafunké, teinté de fulfuldé.
Les langues s’influencent et se mêlent les unes aux autres. Mais la « langue étant un génie de création », ce n’est pas seulement au contact des autres qu’elle se transforme, elle se crée aussi dans un espace déterminé.
Une richesse, non une menace
L’exemple typique est celui de la langue dogon, dont plusieurs variantes ne se comprennent pas. L’une des raisons de cette situation est le peuplement du pays dogon par trois groupes distincts : les autochtones, les Dogons venus du Mandé et ceux venus du Burkina Faso. Même s’ils partagent aujourd’hui le même territoire, chacun avait au départ sa langue. Une deuxième raison est liée au fait que le pays dogon n’a pas connu de pouvoir central unificateur, comme l’empire songhoï ou le royaume peulh du Macina. La troisième raison est liée au relief. Ceux de la plaine ont plusieurs variantes mais se comprennent globalement. Ceux des plateaux ne se comprennent pas en majorité avec ceux de la plaine, mais se comprennent entre eux. Ce n’est pas le cas ce ceux qui habitent les falaises, là où l’on dénombre le plus de variantes. Pratiquement chaque village est un « isolat linguistique », poursuit M. Kanfo.
Loin de constituer des barrières, ces différentes langues et leurs variantes doivent être des ponts pour relier nos différentes communautés, comme l’ont fait ce qui ont géré les empires avec les mêmes peuples, parce que si tout « le monde tire la couverture vers soi » nous ne résoudrons pas nos problèmes, conclut le sociolinguiste.
Le choix des variantes
Le « conflit entre le bambara et le malinké » n’est pas tranché. Pour certains, le premier n’est qu’une variante du second, alors que pour les autres c’est le contraire. Il faut savoir qu’à un moment la langue du pouvoir était le malinké. Parce qu’une « langue est un dialecte qui a une flotte et une armée ». Celle qui tient l’économie, l’armée. Quant au khassonké, il est né de la rencontre entre le malinké et le peulh.
Pour les 13 langues nationales du Mali, le choix de la variante « instrumentée » est souvent fait de façon objective, ou non. Souvent, la variante standard n’est pas forcément celle qui est la plus répandue. C’est celle qui a connu le plus d’écriture, comme le dogo so chez les Dogons. Pour les cas particuliers du sénoufo (syamara) et du minianka (mamara), les deux ont été reconnus comme langues nationales alors qu’en réalité l’un n’est que la variante de l’autre. C’est à défaut de pouvoir étudier l’intercompréhension entre les deux pour déterminer la langue la plus répandue qu’elles ont été choisies.
Fatoumata Maguiraga
Source : Journal du Mali