Les forces de la CMA et de la Plateforme ont observé sur la ligne de front, ces 15 derniers jours, dans un climat de méfiance mutuelle, le cessez-le-feu, sans quitter leurs positions, même pour fêter la Tabaski.
Alors qu’à Bamako on s’évertue à trouver un consensus entre ces deux signataires de l’Accord pour parvenir à la signature d’une paix définitive et envisager le retour de l’administration. La CMA a fait montre d’une certaine volonté d’accélérer les choses en accueillant le Gouverneur de Kidal, fin août. Mais son installation prochaine et le possible retour de l’administration sont aussi souhaités que redoutés dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas.
Je retournerai à Kidal en début de semaine prochaine », confirme Sidi Mohamed Ag Ichrach, Gouverneur de la région. « Une fois là-bas, je vais travailler à l’installation de l’administration, à la réouverture des écoles, qui est une priorité, et à la réconciliation entre les différentes communautés. Ce ne sont vraiment pas les occupations qui vont me manquer », ajoute-t-il, enthousiaste.
Si le court séjour du gouverneur fin août s’est bien passé, certains à Kidal ne sont pas encore convaincus du changement que son installation pourrait apporter. « Il va prendre ses fonctions à Kidal en tant que gouverneur, mais pour gouverner qui et quoi ? Pourra-t-il seulement prendre des décisions ici ? », s’interroge un sympathisant de la Plateforme. « Vous savez, les notabilités qu’il a rencontrées ici ne sont pas reconnues par toutes les communautés. Ce sont les mêmes visages, des leaders de la CMA qui deviennent chefs de fractions quand ils le veulent, chefs de tribus, etc. Durant son séjour, il n’a pas parlé de la Plateforme, or on ne peut parler du retour de l’administration sans la Plateforme. Ag Ichrach, c’est plus un bonus concret et officiel pour la CMA ! », poursuit-il
Adhésion populaire ? Sur l’installation du gouverneur et le retour de l’administration, les Kidalois sont eux aussi divisés, entre les pro-Mali, qui espèrent que son installation marquera le début du changement tant espéré, et ceux qui conservent encore le souvenir vivace de la lutte pour un État de l’Azawad libéré du Mali. « Au sein de la CMA, il y a aussi des divisions. Il y a beaucoup de clash à ce sujet sur les réseaux sociaux. Ils insultent leurs chefs. Beaucoup leur reprochent, maintenant que le GATIA a été chassé, de ramener le Mali. Pour eux, c’est le royaume des Ifoghas qu’ils veulent construire avec l’État malien. Le Mali redevient fréquentable, son gouverneur revient, son armée va revenir, certains jurent que cela ne se fera pas », confie cette source. Pour Almou Ag Mohamed, porte-parole du HCUA, « comme partout il n’y a jamais d’unanimité. Mais je peux vous affirmer que ceux qui ne sont pas dans la logique de la CMA aujourd’hui ne sont pas très nombreux. Elle a pris un engagement au nom des populations qu’elle représente dans l’accord qu’elle a signé. Cet engagement, même s’il n’a pas l’adhésion de tous, la CMA fera en sorte de l’honorer ».
À Kidal, il est notoire que les populations suivent toujours la décision des chefs. Pour autant, est-ce que cela marchera ? « Ça dépend. Le gouverneur sera là-bas sécurisé par les forces de la CMA. Donc la CMA joue le rôle de la force publique et celle de l’État. Si l’État ne veut exister que par procuration, ça marchera un temps, mais ça ne va pas tenir », objecte une humanitaire basé à Kidal. « Cette installation peut être le début d’une nouvelle dynamique positive, qui risque d’être aussi influencée par des troubles ou des affrontements sur le terrain. Mais il y a quand même le début d’une nouvelle dynamique » admet un officiel malien sous couvert d’anonymat.
Autre élément de réponse qui penche en faveur d’un retour facilité de l’administration, la ferveur des entreprises de BTP à Kidal, qui voient dans la mise en œuvre de l’Accord des contrats juteux, avec tous les marchés qui ne manqueront pas de tomber. « Ça se joue aussi au niveau économique, avec toutes les reconstructions qu’il y aura. Ces marchés seront généralement attribués aux entreprises de BTP des différents chefs de la CMA et de quelques combattants. Ils bénéficieront de ces retombées sans les partager avec les autres entrepreneurs de la Plateforme. Ça motive leur volonté d’un retour de l’État et de l’administration. Ce qui est recherché, c’est le contrôle du terrain, mais aussi de capter les dividendes de la paix », souligne avec malice cette source proche des mouvements armés.
Source: journaldumali