L’arrivée des combattants du Gatia dans la capitale de l’Adrar des Iforas entre dans le cadre du processus de cogestion des localités du Nord avec la CMA et devrait faciliter le retour de l’administration
Depuis mardi, les combattants du Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) sont entrés à Kidal avec le drapeau vert-jaune-rouge qui flotte désormais sur les quartiers de la ville qui leur sont affectés. Cette arrivée du Gatia a été accueillie avec un grand soulagement chez de nombreux Kidalois pressés de renouer avec un quotidien pacifié.
L’entrée de ce détachement est l’aboutissement d’un long processus de concertation engagé depuis quelques mois entre la CMA et la Plateforme.
Pour comprendre la situation réelle qui prévaut actuellement sur le terrain à Kidal, nous avons joint au téléphone dans la capitale de l’Adrar des Iforas, Sidi Mohamed Ichrach, un cadre de la région de Kidal qui a participé au processus. Selon notre interlocuteur, depuis décembre dernier, la CMA et la Plateforme ont engagé des discussions dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Une rencontre avait été organisée à cet effet à Anefif entre les responsables des deux entités (Plateforme et CMA) pour définir les modalités d’un retour de la paix et d’une stabilisation des zones occupées par les deux parties. « Pour assurer la libre circulation des personnes et des biens, la rencontre a ouvert une clause qui engageait les deux parties à assurer ensemble la cogestion des localités afin de faciliter le retour de l’administration, particulièrement des services sociaux de base, ainsi que la bonne gestion de l’aide humanitaire destinée aux populations. Dans ce cadre, il était prévu, en début janvier, l’organisation d’une rencontre finale pour convenir des modalités techniques et pratiques de mise en oeuvre de cette décision prise par les deux parties. Finalement, cette grande rencontre a été différée en février», explique notre interlocuteur.
Avant ce rendez-vous prévu à la mi-février, il fallait régler la question du retour des combattants du Gatia originaires de la région de Kidal. C’est ainsi que des discussions ont été engagées sur ce sujet entre la CMA et la Plateforme depuis le 10 janvier dernier à Takalot, à 40 km de Kidal. « Nous avons convenu du 1er février pour l’entrée des combattants puisque les responsables du groupe y étaient déjà depuis le 10 janvier. Et comme prévu, mardi, près d’un millier de combattants du Gatia à bord de 80 véhicules, sont arrivés en provenance essentiellement des zones de Gao, Tessalit et Aguelhok. Il faut dire que tout se déroulait dans la plus grande sérénité jusqu’au moment où certains jeunes de la composante MNLA ont décidé de s’opposer au processus. Mais cette tension des premières heures a été rapidement maîtrisée puisque les combattants du
Gatia avaient reçu l’ordre strict de ne pas répondre aux provocations. Après des discussions entre les responsables, tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui, le Gatia est véritablement à Kidal et sa base se situe au coeur de la ville dans le quartier de Intilban à côté du gouvernorat. Et tout se passe très bien sans animosité et sans entrave des deux côtés. De toutes les façons, chacun sait désormais à quoi s’en tenir », a développé Sidi Mohamed Ichrach.
Notre interlocuteur indique que le cadre de concertation mis en place poursuivra ses travaux pour définir ensemble les modalités de gestion de la ville de Kidal ainsi que de toutes les localités encore sous le contrôle des groupes armés. « Il est également prévu dans les jours à venir, la mise en place d’une commission paritaire de 6 personnes – 3 de la Plateforme et 3 de la CMA – pour définir les conditions de la gestion de la ville de Kidal et favoriser le retour de l’administration », précise-t-il.
Évoquant l’état de la cité, ce natif de Kidal estime que la capitale de l’Adrar des Iforas ressemble aujourd’hui à une ville fantôme. « On ne croise que quelques habitants qui tentent de survivre dans ce paysage de désolation digne des meilleurs films sur la fin du monde. J’ai fait le tour de la ville, les marchés et les commerces sont totalement abandonnés et à 5 km de la ville, l’on ne croise même pas un âne à plus forte raison des moutons. Côté population, la ville est totalement déserte. Pas de caravanes de chameaux, aucune joie de vivre. Le sable a pratiquement enseveli les rares arbres plantés par les agents de l’administration. Bref, c’est la désolation. D’où l’urgence aujourd’hui d’aller à la paix et de favoriser le retour de l’administration parce que sans administration, sans services sociaux de base, il n’y a pas de vie », soutient Sidi Mohamed Ichrach pour qui le retour des ressortissants de Kidal membres du Gatia entre dans l’ordre normal des choses.
Espérons que le consensus qui a favorisé l’entrée du Gatia à Kidal, se consolidera pour le retour définitif de l’administration sur toute l’entendue du territoire national.
D. DJIRE
Source : Essor