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Irruption du militaire dans la sphère politique : Le Général Moussa Sinko Coulibaly sauveur ou usurpateur ?

Après la démission de l’Armée du Général Moussa Sinko Coulibaly, le 30 novembre dernier, certains responsables politiques, toutes tendances confondues, s’agacent de l’intervention jugée intempestive, voire contraire au devoir de réserve, de cet officier supérieur habituellement discret. Mais, un général doit-il fermer sa gueule comme vient de le déclarer récemment d’un ton condescendant et méprisant un baron du régime?

 

Les militaires, et en particulier des généraux, en viennent à être prolixes, lorsque l’intérêt supérieur du pays et de la nation est en cause comme c’est le cas aujourd’hui.

Il ne s’agit cependant pas de sédition ou de conspiration de leur part. Cela révèle simplement le niveau atteint par l’incompréhension et le décalage énorme qui s’est instauré entre le militaire et le politique en matière de conception de la gouvernance du pays sur le long terme, qui doit viser la sécurité à l’extérieur et la concorde à l’intérieur. Il y a aujourd’hui, incontestablement, un fossé qui s’est creusé et qui sépare l’approche des problèmes du monde, et par voie de conséquence du pays, entre le militaire et le politique. Les logiques et les horizons de l’un et de l’autre sont par nature différents.

Le premier voit loin et la permanence de la défense du pays et de ses intérêts, la sécurité et la protection de la nation restent un tourment constant qui dépasse le temps présent et s’inscrit dans le temps long. Le second détient le pouvoir, après avoir gagné des élections, qui consacrent généralement des ambitions personnelles mais l’exerce le plus souvent soumis au cours des événements qu’il ne maîtrise pas toujours et qui le maintien dans une vision qui ne dépasse pas le court terme, voire le moyen terme dans le meilleur des cas, mais qui s’inscrit donc dans le temps court.

Alors, s’agissant de la sécurité à l’extérieur, chacun sait que depuis très longtemps le budget de nos forces armées a servi de variable d’ajustement et il faut reconnaître que depuis le renouveau démocratique, la situation n’a fait qu’empirer, la détérioration de nos capacités opérationnelles ayant atteint un niveau critique mettant en danger la vie de nos soldats engagés sur les théâtres d’opérations. Cette détérioration a d’ailleurs déjà mené à une rupture irréversible des capacités, dont la conséquence pour nos forces armées se traduit par un déclassement stratégique, extrêmement préjudiciable pour le Mali et dangereux pour la défense de nos intérêts dans la sous-région.

Quant à la concorde à l’intérieur, elle dépend essentiellement du niveau de cohérence interne de la société caractérisée par sa culture et donc son identité. Force est de constater que la société malienne n’est plus aujourd’hui une société apaisée et ne le sera plus avant longtemps en raison de la mutation identitaire qui lui est imposée contre son gré. Car, après des décennies de laxisme, de manque de vision et de clairvoyance, d’absence de courage et de fidélité aux racines du Mali, les élites politiques ont fini par oublier que gouverner c’est prévoir (pré-voir). Elles ont ainsi trahi l’âme du pays en favorisant passivement et activement le jihadisme violent et le terrorisme.

Le cas Moussa Sinko Coulibaly, n’est pas une provocation, encore moins une désobéissance ou une rébellion, toutes contraires à la culture militaire, mais d’une démarche de salut public ou de salut national, d’une démarche nécessaire consistant à porter, avec d’autres, une sorte d’«assistance à notre pays en danger ». Mais cette démarche s’exerce, il faut bien le constater, dans un contexte détestable de mépris condescendant de la part de certains acteurs, de menaces de la part d’autres à l’égard de généraux qui lancent l’alerte à juste titre et qui, ce faisant, prennent des risques pour défendre l’intérêt supérieur de la Nation.

Et devant la mise en danger de la Nation aujourd’hui, due aux conséquences du laxisme et du manque de clairvoyance de nos responsables politiques depuis longtemps et de leur passivité aujourd’hui devant cette invasion migratoire, un général, tel une sentinelle, sonne l’alarme car il est un lanceur d’alerte. Son expérience, sa culture militaire et son engagement désintéressé lui confèrent une certaine légitimité pour exprimer son appréciation lorsque la sécurité et l’avenir de la Nation sont mis en danger. C’est même son devoir. Cela dit, ce devoir d’expression remet-il réellement en cause le devoir de réserve ? Certainement pas, car la vraie question qui se pose est celle-ci : pourquoi ce devoir d’expression revendiqué par des généraux habituellement respectueux d’une éthique qui les pousse à intervenir peu dans le débat public se manifeste-t-il ? C’est la question qui fâche les responsables politiques et en particulier ceux qui nous gouvernent. Pourtant, la réponse est claire : un général doit, c’est un devoir, briser le silence lorsque tout ce pour quoi il s’est battu toute sa vie est remis en question et que la Nation est mise en danger parce que les responsables politiques ne respectent ni la Constitution, ni les lois de la République dans les décisions qu’ils prennent ou parce qu’ils n’appliquent pas ou ne font pas appliquer la loi. C’est ce reproche qu’ils ne supportent pas parce qu’ils savent pertinemment que juridiquement être hors-la-loi c’est condamnable. Et sur le plan moral comme sur le plan juridique, ce n’est donc pas porter atteinte au devoir de réserve que de s’exprimer pour dénoncer le fait que la loi n’est pas respectée et n’est pas appliquée.
Le fait, pour un militaire, de se présenter à une élection n’est pas une nouveauté. Car il faut le reconnaître, le monde militaire n’est pas sous-représenté dans l’administration: ils sont les « Hauts fonctionnaires de défense » dans nos ministères, sans oublier dans nos ambassades.

Reste que l’engagement des militaires en politique ne va pas de soi et qu’il s’apparente à un parcours du combattant. Car le métier des armes a toujours été déclaré incompatible avec le métier des urnes. Mais sur le fond, l’affaire n’est pas tranchée, laissant le militaire entre deux eaux : citoyen parce qu’il peut voter mais sous-citoyen parce qu’il ne peut pas être élu portant son treillis.

 

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