Le président de la République, chef suprême des armées, a bien voulu nous accorder un entretien sur la place d’armes de Kati. C’était, dimanche dernier, en marge des festivités commémorant le 58e anniversaire de la création de l’armée malienne. Interview. Sans concession.
Mr le président, dans une interview accordée à nos confrères de Radio Nyeta, Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique n’y est pas allé de main morte, même après l’abandon, par le gouvernement, du projet « Education sexuelle complète » qu’il qualifie de « projet satanique » …
Qu’est-ce qu’il raconte, encore, dans cette interview…satanique ?
Il dit, d’abord, que « Vous ne méritez plus de passer un jour de plus au pouvoir ».
Ah bon ? Parce que, lui, se taille le luxe de me dire quand je dois quitter le pouvoir et quand je dois y rester ? De quel droit ?
Mahmoud Dicko va devoir me supporter pour cinq longues années encore. Car mon pouvoir, je le dois à la volonté d’Allah soubhana wattallah et à celle des Maliens.
Pour lui, « ce sont les musulmans qui ont fait de vous, par leur vote massif, celui que vous êtes aujourd’hui : président de la République.
A supposer que ce soit le cas, en votant pour moi, les musulmans lui ont-ils donné, de fait, le droit de me juger ? Lui ont-ils donné le droit de me dire quelle décision je dois prendre pour le bien de mes concitoyens ?
Mahmoud Dicko, pour lequel j’ai le plus grand respect en dépit de nos divergences, doit mettre un peu d’eau dans son dolo. Le Mali n’est pas un Etat islamique, même si 90 % de la population est de confession musulmane. C’est un pays laïc où chacun doit s’exprimer. Il parle comme si notre pays ne renferme pas de chrétiens, de protestants, d’animistes et de libres penseurs….
Pour lui, « vous ne méritez plus de passer un jour de plus au pouvoir », parce que vous avez dit que vous n’étiez pas au courant du projet « Education sexuelle complète », qu’il considère comme une promotion de l’homosexualité dans notre pays.
Où est donc le problème ? Si le ministre des Affaires religieuses et du Culte avait dit que je n’étais pas au courant de ce projet, c’est que je n’étais pas au courant.
Pour lui, vous êtes bel et bien au courant. Vous avez dit le contraire pour calmer la colère des musulmans…
Et alors ? J’ai le droit de me défendre, non ?
Selon Mahmoud Dicko, un Chef d’Etat digne de ce nom ne peut ignorer de tels projets, dont les conséquences seraient incalculables sur la vie des écoliers…
Il y a mille et une choses que j’ignore dans ce pays. On ne peut pas être informé de tout, tout le temps.
A quoi servent alors les services de renseignements ?
Les services de renseignements sont constitués d’hommes et de femmes comme Mahmoud Dicko et moi. Ils ne sont pas parfaits. Vous connaissez le dicton : nul n’est infaillible, sauf Mahmoud Dicko, peut-être.
L’autre raison de la colère de Mamoud Dicko, c’est lorsque votre ministre des Affaires religieuses et du Culte disait que les leaders religieux devraient annoncer, dans les mosquées, que vous avez abandonné le projet sur « l’Education sexuelle complète » pour apaiser la colère des musulmans.
Le ministre Thierno a parfaitement raison. D’ailleurs, en quoi cela gêne Mahmoud Dicko ? Ce projet, mal expliqué par certains leaders musulmans, a suscité autant de colère. Après ce constat, j’ai décidé de l’abandonner. Purement. Et simplement. Alors, quoi de plus normal pour les leaders religieux d’informer leurs partisans de l’abandon du projet, afin d’apaiser la tension sociale, dont notre pays n’a nullement besoin.
Pour Mahmoud Dicko, chaque fois que vos choix rencontrent un soulèvement populaire, vous vous cachez derrière votre unique ligne de défense : vous n’êtes pas au courant. Il a rappelé, en exemple, ce qu’il appelle « la guerre improductive de 2014 à Kidal ». Là aussi, dit-il, vous avez dit que vous n’étiez pas au courant, alors que, dit-il, c’est vous qui avez déployé l’armée dans l’Adrar pour la reprise de Kidal.
Qu’il l’accepte ou pas, je n’étais pas au courant. Quand Moussa Mara, alors chef du gouvernement, appelait l’armée à se déployer pour la reprise de Kidal, je dormais. Fatigué que j’étais par un mal de tête, dû à plusieurs jours d’insomnie, à cause de ce qui se passait dans la capitale de l’Adrar.
Même après l’abandon de ce projet « Education sexuelle complète », Mahmoud Dicko tient, toujours, à animer, en compagnie de Bouyé, un grand meeting à ce sujet. Qu’en pensez-vous ?
Vous comprenez, clairement, que ce meeting n’a pas lieu d’être, étant donné que le projet a été abandonné. Mais il y tient, comme à la prunelle de ses yeux, parce qu’il veut s’en servir comme tribune pour me nuire davantage.
Lui et moi avons, certes des divergences, comme j’en ai d’ailleurs avec le Chérif de Nioro, au sujet de ma façon de diriger le pays. Mais ces divergences, si profondes soient-elles, doivent-elles nous conduire à cette inimitié, qui ne dit pas son nom ?
Je ne le pense pas. Ils m’ont soutenu, durant la campagne présidentielle de 2013. Mais, c’est à moi que les Maliens ont fait confiance pour diriger le pays, sur la base du programme que je leur ai proposé.
Mieux, ces deux leaders religieux ont appelé les Maliens à voter contre moi à la présidentielle de 2018, j’y ai été réélu avec un score de 71%.
Ils doivent, enfin, y tirer les leçons et, à défaut de me soutenir, me laisser gouverner le pays. Pour le bonheur des Maliens.
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé