Deux femmes ont pénétré mercredi sous protection policière dans un des sanctuaires indiens les plus sacrés de l’hindouisme, à l’insu de fidèles traditionalistes hostiles à une décision de la Cour suprême annulant l’interdiction d’entrée imposée aux femmes âgées de 10 à 50 ans. La visite de ces deux femmes dans le temple de Sabarimala, dans l’Etat du Kerala (sud), a provoqué des manifestations, notamment devant le siège du parlement de l’Etat, à Thiruvananthapuram, et des heurts avec la police, dont plusieurs membres ont été blessés.
Les deux femmes sont entrées peu avant l’aube dans le temple, sous protection de la police, et en sont ressorties sans se faire repérer, ont confirmé des responsables. Ce temple est depuis des semaines au centre d’affrontements entre les hindous traditionalistes, favorables au maintien de l’interdiction de l’entrée des femmes, et les partisans de la décision de la Cour suprême, notamment des associations de défense des droits des femmes.Des images filmées ont montré les deux femmes, Kanaka Durga et Bindu -qui n’a qu’un seul nom-, entrer dans le temple vêtues de noir et la tête inclinée. « Nous ne sommes pas entrées en gravissant les 18 marches sacrées mais en empruntant l’entrée du personnel », a déclaré aux journalistes l’une des deux femmes, qui restent sous protection de la police.
Cet acte a déclenché des manifestations à Thiruvananthapuram, la capitale de l’Etat, de dizaines de traditionalistes scandant des slogans pour demander la démission de M. Vijayan. Devant le parlement local, la police a eu recours à des gaz lacrymogènes, des grenades incapacitantes et au canon à eau contre les manifestants, selon un média local. Cibles de jets de pierre, les policiers ont repoussé à coups de bâton les manifestants qui cherchaient à faire fermer les magasins. D’autres manifestations ont été observées dans d’autres villes du Kerala. Cinq manifestantes qui ont tenté de faire irruption dans le parlement de Thiruvananthapuram ont été interpellées, et des journalistes.
Le grand temple hindou d’Ayyappa à Sabarimala avait été l’objet de vingt ans de bataille judiciaire avant que, le 28 septembre 2018, la Cour suprême ne juge discriminatoire le fait que le temple bannisse les femmes en âge d’avoir leurs règles, soit entre 10 et 50 ans. Les femmes ayant leurs règles sont souvent considérées comme impures dans la société indienne conservatrice et patriarcale. Si la plupart des temples hindous n’autorisent pas les femmes à entrer lorsqu’elles ont leurs règles, Sabarimala était l’un des rares à interdire toutes celles entre la puberté et la ménopause. De nombreux groupes hindous ainsi que le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre Narendra Modi avaient dénoncé la décision de la Cour suprême.
Mercredi, des responsables locaux du BJP ont annoncé qu’ils organiseraient deux jours de manifestations dans l’Etat, dirigé par une alliance de gauche, pour protester contre l’intrusion des deux femmes. Depuis la décision de la Cour suprême, plusieurs femmes ont tenté d’entrer dans le sanctuaire mais en ont été empêchées par des traditionalistes. Dès que l’information de cette intrusion a été connue, les responsables du temple ont ordonné sa fermeture pour un rituel de purification. Il a rouvert une heure plus tard.
En octobre, des affrontements avaient éclaté entre forces de l’ordre et extrémistes qui avaient empêché des femmes de monter au temple. Ils avaient lancé des pierres sur les policiers et s’en étaient pris aux journalistes femmes. Environ 2.000 personnes avaient été arrêtées par la suite. Mardi, des dizaines de milliers de femmes ont formé une chaîne humaine pour soutenir la décision rendue en septembre par la Cour suprême. Cette manifestation appelée « Mur des femmes » était soutenue par le gouvernement de l’Etat. La Cour suprême doit entamer le 22 janvier l’examen d’un appel contre sa décision.
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