L’Afrique comptait le lundi 25 mai 112 290 cas confirmés de coronavirus. La Covid-19 a déjà coûté la vie à 3 359 personnes sur le continent, selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine. Les pays les plus touchés par l’épidémie sont l’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Algérie et le Nigeria. Selon l’Agence France Presse (AFP), le nouveau coronavirus a infecté près de 7,4 millions de personnes dans le monde et en a tué au moins 416 000 depuis l’apparition de la pandémie en Chine en décembre 2019, et l’Afrique comptait le jeudi 11 juin 2020, 210 519 cas, dont 5 635 décès à 11 heures GMT. Toutefois, la prudence doit être de mise dans l’analyse des données. « Ces chiffres ne dressent pas un tableau complet. Les capacités de tests doivent toujours être renforcées, et il est probable que tous les cas n’aient pas été détectés.
« Cependant, l’Afrique reste pour l’instant épargnée par l’épidémie, comparée à d’autres régions du monde », déclarait le Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Par ailleurs, le Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud) annonçait que l’indice de développement humain (IDH) qui mesure conjointement le niveau du revenu, de l’éducation et de l’espérance de vie pourrait décliner pour la première fois depuis que le concept a été introduit en 1990 alors même que l’Afrique s’apprête à subir sa première récession économique depuis 25 ans mettant en péril tous les efforts de développement y compris les Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030.
« Le monde a connu de nombreuses situations critiques au cours des 30 dernières années, notamment la crise financière internationale de 2007-2009. Chacune a durement touché le développement humain, mais dans l’ensemble, les gains de développement ont progressé d’une année à l’autre », déclarait l’administrateur du PNUD, Achim Steiner. En effet, environ 196 pays et territoires sont touchés par la pandémie de la Covid-19 qui pourrait accroitre les inégalités si des actions fortes, ciblées et mesurées n’étaient pas entreprises au niveau des politiques publiques. L’analyse empirique semble suggérer que les pays seront touchés en fonction de leurs capacités d’anticipation, de réaction en matière de politiques publiques et de la disponibilité des ressources humaines, matérielles et financières.
Les guerres, les catastrophes naturelles, les épidémies et les récessions profondes sont des exemples classiques de déficits budgétaires importants et d’accumulation de la dette. La Commission Économique pour l’Afrique des Nations-Unies (CEA) estime à 10,6 milliards $ la hausse imprévue des dépenses totales de santé en Afrique. Cependant, tous les services sociaux de base auront besoin d’être renforcés avec des financements supplémentaires en cette période de restrictions budgétaires augmentant ainsi les déficits budgétaires et la dette publique.
La pandémie de la Covid-19 affectera négativement l’économie réelle dans ses effets et ses impacts sur les pays. Le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale estiment que les pays africains font face à un déficit de financement public d’environ 114 milliards $ en 2020 qui ne peut être mobilisé immédiatement sur place. Il urge donc que les instruments de la politique budgétaire soient privilégiés dans un premier temps. Ces mesures comprennent entre autres des subventions au revenu pour les travailleurs concernés, des reports d’impôts, des reports ou des subventions de la sécurité sociale, des congés de remboursement de la dette, et des prêts ou garanties de crédit de l’État pour les entreprises. Les montants totaux des mesures fiscales dans le monde suite à la pandémie de la Covid-19 sont estimées par le Fonds Monétaire International (FMI) à 9000 milliards $ en fin mai 2020. Y compris 4400 milliards $ pour les soutiens budgétaires directs et 4600 milliards $ pour les prêts, injections de liquidités et garanties.
En effet, les mesures mises en œuvre pour aplatir la courbe épidémiologique réduisent inévitablement l’activité économique. En encourageant les travailleurs à ne pas se déplacer vers leurs lieux de travail et les consommateurs éloignés des marchés de produits et services réduit fortement l’activité économique. La récession, ainsi induite est une résultante des mesures de santé publique nécessaires pour le succès de la stratégie de réponse contre la Covid-19.
Cependant, une récession intérieure peut être corrigée en utilisant des politiques de relance de la demande (politiques monétaires et fiscales expansionnistes). Une politique monétaire expansionniste désigne un programme de gestion monétaire destiné à faire baisser les taux d’intérêt et à stimuler les investissements. Et une politique fiscale expansionniste est un programme d’accroissement des dépenses publiques et/ou de réduction d’impôts). Et par ailleurs, si la récession s’accompagne d’un déficit de la balance des paiements, l’expansion du revenu nécessaire pour enrayer la récession entraîne un accroissement des importations et la baisse des taux d’intérêt entraînant ainsi la fuite des capitaux vers l’étranger, aggravant le déficit de la balance des paiements et par ricochet le déficit budgétaire et les poussées inflationnistes.
En utilisant une politique de la modulation quantitative de la demande globale (politique fiscale) destinée à atteindre l’équilibre interne et une politique de distribution de la demande globale destinée à viser l’équilibre externe, les deux objectifs peuvent être atteints simultanément. L’instrument budgétaire et fiscal est largement utilisé à des fins conjoncturelles. Les bases théoriques de la régulation conjoncturelle par les budgets publics relèvent principalement de l’analyse inspirée par le célèbre économiste John Maynard Keynes, l’un des principaux architectes du système économique international actuel et des institutions de Bretton Woods (Fonds Monétaire International et Banque Mondiale).
En réalité, le budget est utilisé comme instrument conjoncturel par les gouvernements afin d’assurer une croissance équilibrée. Les pays pour lesquels le commerce extérieur (exportations et importations) représente un pourcentage élevé du produit intérieur brut (PIB) voient leur conjoncture fortement influencée par celle de leurs principaux partenaires commerciaux. Les périodes de crise sont des moments délicats dans la vie des nations qui peuvent être transformées en opportunités à travers des réformes conjoncturelles et structurelles pour améliorer le bien-être et les conditions de vie des populations. Selon l’économiste Jean Monnet, les hommes ne voient le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise.
Bamako, le 14 juin 2020
Modibo Mao MAKALOU
MBA/Finance Internationale