L’homme s’appelle Aleksandr et il n’en dira pas plus. Sa voix s’étrangle lorsqu’il confie avoir laissé ses parents derrière lui. Ils étaient la raison pour laquelle il avait décidé de rester malgré sa vie sous occupation russe depuis plus de six mois. Les événements des derniers jours ont fini par le convaincre de tout quitter. Mardi 20 septembre, d’abord, les représentants prorusses des territoires partiellement occupés de Louhansk et Donetsk, à l’est, et de Zaporijia et Kherson, au sud, ont annoncé la tenue d’un référendum de « rattachement » à la Fédération de Russie, du 23 au 27 septembre. Mercredi, enfin, en réaction au recul de ses forces dans l’est de l’Ukraine, le président Vladimir Poutine a décrété une « mobilisation partielle », obligeant des dizaines de milliers d’hommes à s’enrôler dans l’armée.

Résultats truqués

Aleksandr a quitté Kherson car il craignait, en restant dans un territoire annexé par la Russie, d’être appelé à se battre contre son propre peuple. « S’ils m’emmènent, qui s’occupera de mon fils ? », interroge-t-il. Le petit garçon ne voit plus sa mère depuis que ses deux parents ont divorcé. Cette dernière est une « séparatiste » qui vit à Sébastopol, dans la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014. Le père ne doute pas un instant que les résultats des scrutins, à Kherson comme ailleurs, seront truqués. « Je ne sais pas quoi dire de ces référendums car tout ça me donne envie de vomir. Chez moi, les gens ont l’impression de vivre dans un univers fictif. »

L’homme se rappelle les premières semaines d’occupation, au début de l’invasion, fin février, quand ses concitoyens, poussés par un courage inouï, manifestaient dans les rues. La grande majorité d’entre eux est partie ou a disparu, frappée par un système répressif implacable. La population restante se divise entre les prorusses et ceux qui n’ont pas les moyens de partir. Ce vendredi 23 septembre, premier jour du référendum, alors qu’il se dirigeait avec son fils vers Zaporijia, Aleksandr a reçu un appel de détresse de sa mère. « Les Russes menacent les retraités de ne pas verser leurs pensions s’ils ne participent pas au scrutin », souffle l’homme, les larmes aux yeux. « Je soutiens mon pays mais j’ai dit à ma mère de voter pour rejoindre la Fédération de Russie. Elle ne pourrait pas survivre autrement. »

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Source: Le Monde