Le fauteuil à roulettes du soldat russe de permanence, son casque sur la table, son roman policier, ses deux bouteilles d’eau sont restés à l’entrée du commissariat. Une plante verte, soigneusement arrosée, décore toujours l’entrée du couloir. Tout de suite derrière s’ouvrent les ténèbres : des cachots minuscules en enfilade, paillasse sur le sol, excréments, hardes souillées, une gamelle avec deux cuillères dedans. Les fenêtres obstruées maintiennent une puanteur et une obscurité permanentes. En dessous, dans la cave, d’autres cellules, pires encore. Au-dessus, un bureau a été transformé en salle d’interrogatoire, ou plutôt de torture, où les fils électriques serpentent encore au sol.
On est dans un poste de police d’Izioum, ville libérée le 11 septembre 2022 de l’occupation russe, dans l’est de l’Ukraine. Une délégation de diplomates est conduite par des officiels locaux dans cette cité devenue un des symboles de la guerre, après la découverte de tombes par centaines, en lisière du cimetière Shakespeare.
Aucune bâtisse intacte
Escorté d’experts et de magistrats, le gouverneur, Oleg Synegoubov, ouvre la marche à grandes enjambées dans le commissariat. L’habitude. Le mot est terrible à prononcer ici, plus terrible encore à expliquer : dans la région de Kharkiv, restée six mois sous contrôle russe, « chaque ville avait son centre de torture », détaille le général Volodymyr Tymochko, chef de la police régionale. A Izioum, cinq centres semblables ont déjà été découverts, dans un hôpital, un entrepôt ou une école. « Et cette ville n’est pas une exception : il s’agissait d’un véritable système », continue de son côté un procureur ukrainien.
Source: Le Monde