Dans les années 90, un vent de changement démocratique soufflait sur l’Afrique. L’espoir de voir le Mali renaitre de ses longues crises sécessionnistes planait sur le pays de Modibo Keita. Mais à l’instar du premier président du Mali, les dirigeants du pays depuis les années 90 ont précipité l’avenir du pays dans le néant.
Ils ont tous ou presque, diné avec le diable et ses lieutenants, en compromettant la sécurité nationale par des alliances dont les forces rebelles du mal au Nord du Mali se serviront plus tard pour déstabiliser un Etat sans véritable armée. Alpha Oumar Konaré et l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT), ont donné le coup de grâce à notre armée en allumant la «flamme de la paix» qui s’est en quelques années seulement avérée être la flamme de l’horreur et du désespoir, ouvrant une crise sans précédente. Cette flamme qui a consisté à consumer une partie de l’armement des rebelles, sous le prétexte mal imaginé de la paix, n’a fait que tromper la vigilance des autorités puisque les rebelles Touaregs sont se réarmés aussitôt. Cette rébellion, bien que trouvant ses germes depuis les indépendances et même avant, a été précipitée par les mauvais choix politiques, militaires et tactiques des hommes d’Etat qui ont gouverné ce pays, à savoir Alpha Oumar Kononaré, Amadou Toumani Touré et le bouillant capitaine Amadou Aya Sanogo.
C’est ainsi que le 17 janvier 2012, le Mouvement national de libération de l’Azawad, MNLA, (mouvement indépendantiste) et Ansar Dine (mouvement salafiste soutenu par l’Arabie Saoudite) attaquaient la ville de Ménaka, occasionnant du coup la cinquième rébellion au Nord, contre l’Etat au Sud. Le président ATT, malade et en fin de mandat se sent humilié et trahi par ses ‘’amis’’, ceux-là mêmes qu’il recevait au palais présidentiel de Koulouba en distribuant à volonté des valises d’argent, alimentées par les réseaux de narcotrafiquants sévissant au Nord. Le business très juteux de la drogue et du trafic né des prises d’otage de ressortissants européens, dont Blaise Compaoré était un maillon, générait une surliquidité qui alimentait les caisses noires des présidents malien, libyen et burkinabé.
Réseaux de proxénétisme
En 2008, les forces maliennes ont réussi à saisir 750 kilos de cocaïne, dont la revente équivaut à plus d’un tiers du budget de l’armée malienne. En novembre 2009 c’est carrément un Boeing 727 plein de cocaïne qui se crashe en tentant de redécoller du désert malien. Avec un équipage composé de Nigérians, l’avion, enregistré en Guinée-Bissau, la ‘’capitale africaine de la drogue’’, a effectué de fréquents vols entre l’Afrique de l’Ouest, le Mexique, la Colombie et le Venezuela. Les narcotrafiquants latino-américains ont fait de l’Afrique de l’Ouest, en complicité avec les chefs d’Etat au pouvoir, la plaque tournante du trafic de stupéfiants vers l’Europe. Selon certains experts, près de 60 % de la cocaïne consommée en Europe occidentale (d’une valeur marchande de près de 18 milliards de dollars) transiterait par l’Afrique de l’Ouest. Au cœur donc de l’Afrique de l’Ouest, en plein désert, les conditions idéales sont réunies pour générer une activité de trafic de drogue vers l’Europe d’une valeur de 5.400 milliards de francs CFA.
Un autre trafic, du proxénétisme cette fois-ci, était assuré par des bras droit d’ATT. Un cercle très restreint au sommet des trois Etats (Mali, Libye, Burkina Faso) se délectait des perles que constituaient ces beautés noires, soigneusement sélectionnées et répondant au gout de chaque client. Ces jeunes filles très belles, assouvissaient les appétits sexuels des présidents dont Mouammar Kadhafi et Blaise Compaoré en ligne de mire. Dans ce paradis sur terre au rythme des champagnes de luxe, sans vision politique, sans stratégie militaire, la sécurisation et la défense de notre territoire national devenaient des questions secondaires. Pendant ce temps, chaque année, des milliards de francs CFA étaient alloués à l’armée. Où allaient ces fonds ? Comment étaient-ils gérés ? Le Chef suprême des armées de l’époque, aujourd’hui en exil à Dakar, a certainement son mot à dire. Pourtant, Mouammar Kadhafi, redoutant la pire des rebellions dans son pays, s’achetait désespérément des armes très sophistiquées, avec les mêmes puissances mondiales dont la France, qui allaient en l’espace de quelques années faire de leur bon client le pire des dictateurs qu’il fallait éliminer à tout prix. Malheureusement, le premier général malien qui a mis aux arrêts un autre général tristement célèbre, Moussa Traoré, n’a rien vu venir. Les services de renseignements français et américain ont pourtant avisé ATT des risques que la rébellion touarègue pourrait constituer une sérieuse menace pour Bamako. Ils ont même contribué par des programmes de formation à renforcer les capacités de l’armée malienne. Amadou Aya Sanogo est d’ailleurs un pur produit américain. Mais au fond, ATT n’écoute ni les Français, ni les Américains et se tourne vers Kadhafi, son meilleur soutien africain et ami personnel. ATT, le général, manque de stratégie militaire et les hauts gradés du pays sont plutôt préoccupés par leurs intérêts personnels qu’à servir dignement dans l’honneur, le peuple malien.
ATT- Konaré, les champions de la corruption
IBK a hérité d’une administration corrompue, dont les initiateurs sont les présidents Konaré et Touré, qui ont généralisée la corruption au Mali, en entretenant la corruption au sein de l’armée comme de l’Etat. En 2011, dans le rapport de l’ONG Transparency international sur l’état de la corruption dans le monde, le Mali se retrouve à la 118e place, sur 184 pays analysés, pour l’indice de perception de la corruption, régressant ainsi de 22 places. Mais il est déjà trop tard pour redresser la situation. Le coup d’Etat militaire du capitaine Amadou Aya Sanogo n’y fera rien. La situation est catastrophique. Le Nord est au bord de l’implosion. Les rebelles touarègues exploitent l’instabilité au sommet de l’Etat, née du putsch du 22 mars 2012 pour engranger des victoires contre l’armée. Sanogo et ses hommes, qui ont fait de la crise au Nord et de la lutte contre l’impunité leur leitmotiv, n’ont jamais eu le courage de stopper l’avancée de la rébellion. Nos militaires sont occupés à s’entredéchirer entre bérets rouges et bérets verts. Du pain béni pour les rebelles qui en profitent pour s’emparer de Kidal, Gao et Tombuctou. Le MLNA proclame l’indépendance de l’Asawad le 6 avril 2012. En l’espace de deux décennies, les chefs d’Etat qui se sont succédé au Mali, ont dangereusement compromis l’avenir et l’unité du pays, pour de nombreuses générations à venir. Dans de pareilles circonstances, une paix définitive reste à réinventer, à travers des accords entre Maliens eux-mêmes. Car tous les accords signés sous l’égide de la communauté internationale ont prouvé leur limite. Pour la paix et l’amour de notre pays, il urge de trouver vite la longue et laborieuse voie qui réconciliera les Maliens avec eux-mêmes, les pères avec leurs fils, les mères avec leurs filles, les neveux avec leurs oncles, qu’ils soient de peau noire ou blanche.
O. Roland
Encadré
L’abécédaire d’une rébellion en 5 actes
L’histoire de la rébellion touarègue commence véritablement deux décennies environ après le début de la colonisation française de 1895, dans le Niger actuel, bien qu’il existât des insurrections avant le colon. Depuis 1916, on compte plusieurs conflits principaux dont la rébellion touarègue de 1916-1917 au Niger, en pleine Première guerre mondiale. À partir de 1958, le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), revendique la constitution d’un État touareg. Les Touaregs en réalité n’ont jamais cessé d’exprimer leurs intentions indépendantistes pour revendiquer le Nord du Mali.
La rébellion touarègue de 1962-1964 au Mali, généralement appelée “première rébellion touarègue”, fut très durement réprimée par l’armée malienne, sous Modibo Keita. Également frappés par la sécheresse des années 1970, les Touaregs se réfugient en Algérie et en Libye où dans les camps, les jeunes sont entraînés et enrôlés par l’armée. En 1988, le Mouvement populaire de libération de l’Azawad (MPLA) est créé.
La deuxième rébellion touarègue de 1990-1996 au Mali et au Niger a débuté en 1990, deux ans après la création du Mouvement populaire de libération de l’Azawad en Libye par Iyad ag Ghali. Au Mali, une première période de conflit (octobre décembre 1990) a abouti à la signature des Accords de Tamanrasset du 6 janvier 1991 et du Pacte national en 1992. Les Accords de Tamanrasset ont permis la démilitarisation des régions de Kidal, Gao et Tombouctou. A la suite de ces accords, ce fut la scission au sein du Mouvement national pour la libération de l’Azawad qui se divisa en plusieurs groupes. Malheureusement tous ces accords n’ont pas marqué la fin définitive des hostilités. Des conflits réapparurent en 1994-1995 et la paix fut finalement scellée le 27 mars 1996 à Tombouctou lors de la cérémonie de la Flamme de la Paix, durant laquelle les rebelles touaregs brûlèrent 3 600 armes utilisées durant la rébellion par les mouvements sécessionnistes.
La troisième rébellion touarègue au Mali, a débuté le 23 mai 2006 avant d’aboutir aux premiers Accords d’Alger signés le 4 juillet 2006. Dénommés « Accords d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal», ils ont été signés entre l’Etat malien et l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC), de Iyad ag Ghali et d’autres leaders touaregs.
La quatrième rébellion touarègue de 2007-2009, au Niger et au Mali. Elle dure presque trois ans, de février 2007 à octobre 2009. Elle fera près d’une centaine de morts. Le 7 octobre 2007, les gouvernements malien et nigérien signent des accords de paix avec les groupes rebelles.
le 17 janvier 2012, les rebelles touaregs du MNLA et d’Ansar Dine déclenchent la cinquième rébellion contre le Mali. Bientôt rejoints par les djihadistes d’AQMI et du MUJAO, ils prennent Aguel’hoc, Ménaka et Tessalit. Fin 2012, les négociations échouent et en janvier 2013, les djihadistes salafistes lancent une offensive sur Ségou et Mopti au sud du Mali. Cette attaque provoque l’entrée en guerre de la France, avec le lancement de l’opération Serval, et de plusieurs pays africains de la CEDEAO dans le cadre de la MISMA. Finalement le
18 juin 2013, après deux semaines de négociations, le gouvernement de transition malien et les rebelles du MNLA, du HCUA et du MAA signent un accord de cessez-le-feu qui permet le retour des autorités maliennes à Kidal et la tenue de l’élection présidentielle le 28 juillet 2013 dans le nord du pays. De son côté l’ONU prend le relais de la MISMA et met en place la
MINUSMA. Après plusieurs mois de combats, un accord de paix, l’Accord d’Alger (II), est conclu et signé le 15 mai et le 20 juin 2015.
O. Roland
Source: Le Pays