A en croire Goodluck Jonathan, chef de la médiation de la CEDEAO dans la crise sociopolitique au Mali, le Président IBK « n’a pas été contraint à la démission et n’a pas non plus envie de revenir aux affaires. Ce qu’il souhaite, c’est une transition rapide pour permettre au pays de retourner dans un régime civil, le plus rapidement possible, qui pourra interagir et travailler avec le reste du monde de manière libre pour le développement économique et la sécurité du Mali ».
Après le coup d’Etat du mardi 18 août dernier contre le Président démocratiquement élu, Ibrahim Boubacar Kéita, la médiation de la CEDEAO, présidée par l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, est revenue à Bamako le samedi 22 aout dernier pour discuter avec la junte au pouvoir. D’intenses tractations entre les autoritaires militaires au pouvoir et la mission de la CEDEAO ont permis d’accorder le violon sur un certain nombre de sujets, à l’exception d’autres à l’analyse des deux parties. « Pour ces points qui n’ont pas pu obtenir un accord entre les deux délégations, nous avons demandé aux autorités militaires de réfléchir davantage, nous aussi nous allons faire la même chose », a indiqué le chef de la médiation, Goodluck Jonathan, à sa sortie de la rencontre d’hier lundi 24 août 2020. « Quand elles auront revu ces points de désaccord, le porte-parole du CNSP viendra faire une déclaration dans ce sens », ajoutera-t-il.
Et l’ex-Président nigérian d’être clair « Ce que nous faisons est pour l’intérêt du Mali, ce n’est dans l’intérêt d’une personne ou d’un groupe d’individus, c’est dans l’intérêt du Mali et de la CEDEAO, parce que ce qui touche le Mali affecte le reste de la CEDEAO, parce que les pays sont liés, parce qu’il n’y a pas de mur qui nous sépare. La CEDEAO veut le meilleur pour le Mali ».
Aux dires du chef de la médiation, ce qui arrive au Mali n’est pas un cas spécifique au Mali, cela est déjà arrivé ailleurs, dans certains pays de l’espace. « La CEDEAO utilise le même format d’approche, de démarche pour traiter le problème. L’approche de la CEDAO se fonde sur son protocole, qui est le même pour tous les pays », explicite le président Jonathan.
Pour le Chef de la médiation de la CEDEAO, dans les circonstances où un Président élu démocratiquement a été démis de ses fonctions, il urge de comprendre le point de vue de ce Président déchargé de ses fonctions. Cette demande acceptée par les autorités militaires a permis à la médiation de rendre visite au Président IBK. « Nous lui (IBK) avons demandé : en tant que Président de la République, quelle est la voie à suivre, à votre avis ? Le Président Ibrahim Boubacar Kéita nous a fait savoir qu’il a donné sa démission, qu’il n’a pas été contraint à la faire et qu’il n’a pas envie de revenir aux affaires. Ce qu’il souhaite, c’est une transition rapide pour permettre au pays de retourner dans un régime civil, le plus rapidement possible, un régime qui pourra interagir et travailler avec le reste du monde de manière libre pour le développement économique et la sécurité du Mali. On s’est donc trouvé à l’aise par cette idée émise par le Président », a confié Goodluck Jonathan.
Selon le chef de la médiation, les discussions ont porté, avec les autorités militaire, sur comment elles vont gérer les détenus politiques. « Ils y a des préoccupations sécuritaires qui ont cours dans le pays surtout dans la ville de Bamako. A cause de la colère qui plane, les gens peuvent vouloir se venger d’une manière ou d’une autre. Donc on s’est accordé avec elles sur la manière qu’il faut pour libérer graduellement ces différentes autorités détenues », a informé le médiateur.
Aucune décision fixe sur la transition
L’autre question débattue, selon le chef de la médiation, est la structure et la durée de l’équipe du gouvernement intérimaire, « parce qu’il doit un gouvernement intérimaire. Nous avons discuté de certains points, nous leur avons fait part de la vision du protocole de la CEDEAO. La CEDEAO ne viendra pas imposer le gouvernement au peuple malien. Que ce soit un gouvernement élu ou un gouvernement transitoire, la décision revient au peuple malien. Le devoir de la CEDEAO est de faire comprendre son protocole qui régit l’espace. J’ai porté à la connaissance des autorités militaires les attentes de la CEDEAO sur la mise en place du gouvernement intérimaire. Je crois que d’ici deux jours, elles vous feront voire de quoi sera faite cette structure gouvernementale ».
Selon le Colonel-Major Ismaël Wagué, porte-parole du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), le Président Ibrahim Boubacar Keïta a dit clairement qu’il n’a aucune intention de revenir encore au pouvoir, en réponse à la médiation qui lui a demandé s’il a l’intention de revenir au pouvoir. « Il a dit non. Pour lui c’est fini, il ne veut plus jamais revenir au pouvoir, il a démissionné de façon volontaire, sans pression », a-t- il insisté.
Quant à l’épineuse question de la transition, le porte-parole du CNSP dira que « rien n’est arrêté, rien n’est décidé. L’architecture finale de la transition sera discutée et définie entre nous, Maliens ».
Promesse de liberté à IBK
Au sujet de la demande de la CEDEAO de laisser le Président IBK aller s’occuper de sa santé dégradante, le porte-parole a fait savoir que celle-ci a été acceptée. « Il peut être sécurisé dans un endroit de son choix, il pourra aller se soigner et revenir quand il veut. La CEDEAO a garanti son retour en cas de besoin, donc ça ne fait pas l’objet d’un problème », a déclaré colonel-Major Wagué.
Concernant les autres détenus, « leur relaxe va dépendre de l’évolution de la situation de sécurité actuelle ». « Nous avons fait des compromis, parce que sans celle-ci les sanctions ne seront pas levées. Les sanctions ne sont bonnes pour personnes, surtout c’est le peuple qui va en souffrir », a expliqué Colonel-Major Wagué.
Auparavant, avant la rencontre, le colonel-major Ismaël Wagué a apporté un démenti sur certaines déclarations qui font état de discussions par rapport à la transition, au gouvernement. « Je tiens à signaler qu’à ce stade de discussion avec l’équipe de la médiation de la CEDEAO rien n’est décidé. A aucun moment, on a parlé de gouvernement à majorité militaire », a-t-il soutenu. Avant de poursuivre : « Toute décision relative à la taille de la transition, au président de transition, à la formation du gouvernement, se fera entre Maliens, avec les partis politiques, les groupes socio-politiques, les syndicats, les groupes signataires, la société civile, conformément à notre première déclaration. Je tiens à rassurer les uns et les autres qu’aucune décision ne sera prise par rapport à la transition sans cette consultation massive».
Les regards sont désormais tournés vers le sommet de la CEDEAO, demain mercredi 26 Août, qui va décider de la suite à donner aux sanctions qu’elle a prises contre le Mali au lendemain du coup d’Etat.
Cyril Adohoun
L’Observatoire