Le Ministre de l’Equipement et du désenclavement porte plainte contre X
Baux illégaux dans la gare marchandises de Korofina, Vente illégale de 53,4% du matériel de voie déposé. Tels sont les faits constatés par le département de tutelle en violation de tous les textes en vigueur par l’autorité transitoire en charge de la gestion de la voie ferrée. Alors, le ministre a porté plainte contre X auprès du Directeur général du contentieux de l’Etat pour : ‘’vols et recel de rails et de traverses métalliques du chemin de fer’’.
16 juin 2017. C’est à cette date précise que le ministre de l’Equipement et du Désenclavement a saisi le Directeur Général du Contentieux de l’Etat aux fins d’une plainte contre X pour ‘’vols et recels de rails et de traverses métalliques du chemin de fer’’.
Dans la lettre objet de plainte, le ministre évoque les faits : « j’ai l’honneur de vous informer que des individus malintentionnés sont en train de déposer la voie ferrée entre Moribabougou-Droit et Bamako, à l’effet de vendre à leur profit les rails et les traverses métalliques y afférents et ce, sans autorisation de mon département qui assure, conformément aux dispositions du Décret n°2017-0427/PM-RM du 18 mai 2017 portant répartition des services publics entre la Primature et les Départements ministériels, la tutelle de la Société de Patrimoine Ferroviaire du Mali en abrégé SOPAFER-Mali, future gestionnaire du patrimoine ferroviaire.
En conséquence, je vous demande dans le cadre de la protection et la préservation du patrimoine ferroviaire national existant, de porter plainte contre X pour vols et recels de rails et de traverses sur l’ensemble du réseau ferré national de Diboli à Koulikoro et singulièrement ceux provenant du démantèlement frauduleux de la voie ferrée entre Moribabougou-droit et Bamako… »
Comment en est-on arrivé là ?
En effet constatant la grande crise que traversait le transport ferroviaire Bamako-Dakar, les deux pays ont accepté de procéder à une transition de normalisation afin de redresser la barre. C’est ainsi qu’après accord, un décret a été publié dans le journal officiel de la République du Mali sous les références : Décret n° 03-462/P-RM du 22 octobre 2003 portant approbation de la convention de concession de l’exploitation de l’activité ferroviaire sur le chemin de fer Dakar-Bamako et de la décision portant création, attributions et organisation de l’organe de suivi de l’activité ferroviaire.
Le présent décret qui précise tout est validé le 22 octobre par signatures de :
Le Président de la République, Amadou Toumani Touré ; le Premier Ministre, Ahmed Mohamed Ag Hamani ; le ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires Foncières et de l’Habitat, Boubacar Sidiki Touré ; le Ministre de l’Equipement et des Transports, Ousmane IssoufiMaïga ; le ministre Délégué chargé des Transports, Ousmane AmionGuindo ; le ministre de l’Economie et des Finances M. Touré et le ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, Souleymane Sidibé.
Le premier plomb dans les ailes
Tout commence par une convention entre le directeur général de Transrail et madame le maire de la commune I du District de Bamako. Dans une lettre du 27 janvier 2012, en réponse à la lettre de madame le maire du 25 janvier 2012, le Directeur Général, signée des mains du secrétaire général, Monsieur Djibril Naman Keïta, donne son accord pour l’installation des équipements dans la gare marchandises de Korofina. « Suite à votre lettre sus citée en objet, je vous marque mon accord, ce après concertation avec les services techniques de Transrail, pour l’installation des équipements dans la gare marchandises de Korofina… »
Le 19 janvier 2015, le Directeur Général se rebiffe après constat de la faute commise certainement. Il adresse une lettre à madame le maire avec pour objet : ‘’Baux emphytéotiques dans la gare marchandise’’. « Suite à un litige foncier devant le Tribunal de Première Instance de la Commune I du District de Bamako, il m’a été donné de constater qu’en vous fondant sur une lettre N°00144/DG-12 en date du 27 janvier 2012, vous octroyez des baux emphytéotiques dans l’enceinte de la gare marchandises de Korofina.
Je tiens à vous informer que Transrail SA s’inscrit en faux contre ce document qui n’a aucune trace dans ses chronos et registres et ne saurait en aucun cas être considérée comme une correspondance officielle de l’entreprise.
Le N°00144/DG-12 dans nos annales correspond à une lettre adressée à Orange Mali.
En outre, par la lettre N°392/DG-TSR-14 du 23 juillet 2014, je vous demandai de prendre les dispositions pour résilier tous les baux octroyés par vos soins dans l’enceinte de la gare de marchandises de Korofina et d’arrêter tout nouvel octroi de baux tout en ordonnant sans délai l’arrêt de tous les chantiers y afférents.
Par ailleurs, je vous signale que l’espace en question objet des Titres Fonciers N°186 et 167 et clôturé depuis 2000 sur financement IDA et RCFM, a été mis à la disposition du Chemin de Fer par décret N°217-PG-RM du 29 Septembre 1976 pour ses besoins.
Son morcellement et sa mise en bail par la Mairie est contraire aux dispositions de la convention de concession de la Régie du Chemin de Fer du Mali et menace dangereusement la survie de l’activité ferroviaire dans notre pays et de surcroit des centaines d’emplois.
De ce qui précède, je vous saurais gré de bien vouloir annuler les baux en question… »
La réplique du ministre de tutelle
Le 03 Août 2016, le ministre de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement répond Monsieur l’administrateur du Dakar-Bamako-Ferroviaire tout en lui notifiant le respect des instructions précises relatives à la sauvegarde du domaine ferroviaire. « J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre n°0199/DBF/DG/2016 du 25 juillet 2016.
En retour, je voudrais attirer votre attention sur le respect des instructions précises relatives à la sauvegarde du domaine ferroviaire.
En effet, vous êtes en train d’octroyer des baux de durée équivalente à celle d’une concession pendant une phase transitoire de gestion et sans vous référer à votre département de tutelle.
Je voudrais saisir cette occasion pour vous signaler qu’une phase transitoire n’est pas indiquée pour octroyer des autorisations d’occupation du domaine ferroviaire ou des baux.
Au demeurant, je me dois de vous rappeler, que Transrail n’avait le droit d’octroyer des autorisations d’occupation ou des baux dans le domaine ferroviaire concédé que dans les limites de la durée restant à courir de la concession. L’autorisation préalable de l’Autorité concédante devait être requise conformément à l’article 2-4 de la convention de concession, chaque fois que la durée du bail ou de l’autorisation devait excéder celle restant à courir de la concession.
L’inobservation de cette disposition de la convention de concession par Transrail est à la base de l’occupation anarchique de la gare marchandises de Korofina par la Mairie de la Commune I du District de Bamako dont vous vous plaignez.
En réalité, le Maire a été autorisé à s’y installer par la lettre n°0144/DG-12 du 27 janvier 2012 de Transrail, sans limitation de durée et sans autorisation préalable de l’Autorité concédante.
Par conséquent, je vous invite à annuler tous les baux consentis par Dakar-Bamako-Ferroviaire et à éviter d’en octroyer désormais sans autorisation expresse du Département de tutelle, aux fins d’éviter de créer à la société de patrimoine en création, des difficultés supplémentaires à celles déjà causées par Transrail sur ce sujet… »
L’UNTM s’en mêle
Le 30 mars 2017, le secrétaire général de l’UNTM a saisi le ministre de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement sur : ‘’la situation au niveau du chemin de fer Dakar-Bamako-Ferroviaire-DBF’’.
« Suite aux difficultés que la société Transrail a connu qui ont entrainé son départ, une équipe transitoire a été mise en place pour une sortie de crise. Cette équipe transitoire a bénéficié de l’accompagnement financier des deux Etats, comme l’a confirmé le Ministre de l’Economie et des Finances dans sa lettre n°04508/MEF-SA du 17 Août 2016 qui vous a été adressée.
Vous avez également rappelé à l’Administration de DBF par lettre n°001714/METD-SG, le respect des engagements pris à la présentation de la situation de DBF au comité Inter-Etats lors de la réunion tenue à Dakar les 16 et 17 septembre 2016.
Madame le ministre, la gestion actuelle est catastrophique à DBF à votre enseigne que les travailleurs sont potentiellement exposés au chômage technique. Les deux lettres n°0025/SU-UNTM/2017 et n°0026/SU-UNTM/2017 qui vous ont été adressées par la section unique syndicale UNTM sont édifiantes. Le climat social est délétère.
C’est pourquoi nous avons l’honneur de vous demander de bien vouloir faire prendre les dispositions nécessaires pour apaiser le climat social et éviter un chômage certain aux travailleurs du DBF… »
De l’occupation illicite de la gare de marchandises à la vente illégale du matériel de voie
Les violations des procédures continuent. Une grande partie de matériel de voie est cédée à des opérateurs économiques sans informer et avoir l’autorisation de la hiérarchie. Ainsi 53,4% du matériel est liquidé comme l’indique un document datant du 22 avril 2017 dénommé ‘’autorisation d’enlèvement de matériels de vois déposés’’
En effet, il est précisé dans le document comme suit : « je soussigné Monsieur Joseph Gabriel Sambou, Administrateur de Dakar-Bamako-Ferroviaire, autorise Monsieur Khalilou Bah, commerçant domicilié au centre commercial, rue Baba Diarra, Bamako-Mali, tel : 74036451 à enlever 53,4% du matériel de voie déposé (rebouté) ente le PK 780+850 au PK 782+392 et PK 783+692 au PK 787+868 cela conformément au projet de renouvellement dudit tronçon signé entre DBF et les Sieurs Mamadou Koumah, Khalilou Bah et Baillo Bah en date du 29 septembre 2016… »
Kayes : un camion chargé de matériels de voie ferrée appréhendé par la justice
La nouvelle de la saisine d’un camion rempli de voie ferrée parachute dans le département de tutelle. Aussitôt, le ministre saisit l’administrateur du Dakar-Bamako-Ferroviaire par une lettre en date du 12 juin 2017.
« Il me revient qu’un camion chargé de matériels de voie ferrée a été appréhendé par la justice de Kayes avant d’être libéré.
Je rappelle encore à votre attention, que les chantiers de renouvellement de voie sont des occasions pour constituer des stocks de sécurité de rails, de traverses et de petits matériels pour les éventuels travaux de consolidation et d’entretien de la voie.
A cet égard, je vous demande de recueillir désormais l’autorisation expresse du ministère de l’Equipement et du Désenclavement dont relève la Société de Patrimoine Ferroviaire du Mali en abrégé SOPAFER-Mali, future gestionnaire des infrastructures ferroviaires conformément aux dispositions du décret n°2017-0427/PM-RM du 18 mai 2017 portant répartition des services publics entre la Primature et les Départements ministériels, et ce, pour l’exécution de tout chantier de substitution de la voie sur le réseau ferré du Mali.
S’agissant de la vente du matériel de récupération des chantiers de renouvellement, je vous invite dorénavant à prendre attache avec le Liquidateur de l’ex-RCM, qui est seul habilité à vendre les biens de l’ex-RCFM, après la résiliation de la concession.
Par ailleurs, le contrat du chantier de renouvellement en cours indique des travaux sur un linéaire de 6 000 mètres, alors que le cumul des longueurs réelles sur terrain est de 5 860 mètres linéaires, comme attestent les sections de voie à renouveler à savoir du PK 780+850 au PK782+372 soit 1 522 mètres linéaires ; du PK783+692 au PK7887+868 soit 4176 mètres linéaires et 162 mètres linéaires de voie à Diamou.
Aussi, voudrai je souligner à votre attention que le rapprochement des points kilométriques du précédent chantier de renouvellement et de ceux du chantier en cours, fait apparaître une zone non-renouvelée, de 128 mètres de voie, située entre l’extrémité du premier renouvellement qui est le PK783+564 suivant les termes de votre lettre n°0338/ADM/DBF-16 du 19 octobre 2016 et l’origine du chantier en cours qui est le PK 783+692.
De ce qui précède, je vous demande de retenir enfin que l’aliénation des infrastructures ferroviaires du réseau ferré malien, par Dakar-Bamako-Ferroviaire, n’est pas autorisée ainsi que la vente des matériels de récupération provenant des chantiers de renouvellement, sans autorisation expresse du département de l’Equipement et du Désenclavement… »
Cette précision semble tomber dans une oreille de sourde. C’est ainsi que le 16 juin, le ministre a décidé de porter plainte contre X pour vols et recels de rails et de traverses métalliques du chemin de fer.
Nos investigations nous ont fait découvrir un grand entrepôt à Banconi où sont stockés les matériels. La cour appartient à Mamadou Koumah dit Vieux de son vrai nom Mamadou Touré. C’est lui l’acheteur de ces matériels illégalement vendus.
Monsieur Touré en réponse à la question de notre envoyé, comment-avez eu ces matériels ? Il dit ceci : « je l’ai acheté et le jour où je les enlevais, la police m’a accompagné. Donc je pense que c’est par voie normale. Ces matériels m’appartiennent maintenant. »
Le dossier est en cours de traitement au pôle économique.
Kèlètigui Danioko