Depuis les assassinats des 7, 8 et 9 janvier qui avaient installé — du moins un temps — François Hollande dans ce costume de chef d’Etat, ce dernier multiplie les discours et cérémonies funèbres à chaque événement dramatique : le crash des hélicoptères en Argentine, celui de l’Airbus A320 dans les Alpes, l’attentat du Bardo à Tunis… Certes, c’est d’abord la période qui est tragique. Et certes aussi, le président est ici dans le plein exercice de ses fonctions. Mais du côté de l’Elysée, on semble accueillir d’un très bon œil ces moments de solennité et de gravité…
« La mort habite la fonction présidentielle », confie François Hollande dans une longue interview donnée au nouveau magazine bimensuel Society. Avant d’ajouter de manière plus convenue : « Le président est le chef de la famille française. Il doit partager les douleurs. Chaque drame laisse une marque indélébile. » Le reste est à l’avenant, c’est-à-dire à peine digne d’un discours d’intronisation de Miss France : « Je suis pour la pluralité, la parité, la démocratie, contre le racisme, la pollution et très très contre le terrorisme. » Grosso modo.
Ceci étant, et malgré l’évident travail de polissage afin qu’aucun mot surtout ne dépasse, l’ombre de la Faucheuse reste prégnante. On cause politique internationale. François Hollande avoue avoir passé des nuits difficiles lors de l’exécution d’Hervé Gourdel par les terroristes du groupe Jund al-Khilafa ou encore à la suite de l’intervention au Mali. Il rappelle le nom d’un pilote décédé durant l’opération militiare, preuve que son empathie, ce n’est pas du flan. Puis le sujet des attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes arrive fatalement sur la table. « On a l’impression que ça va mieux parce que finalement, des éléments tragiques vous ont révélé comme président », affirment les journalistes. « On est passé d’un type sympa à qui il manque quelque chose à quelqu’un qui a une aura présidentielle. Mais cela s’est fait dans le drame. » François Hollande atteste : « Quand vous regardez mes prédécesseurs, c’est toujours dans des événements qu’il y a cette incarnation. » On était déjà familier d’Hollande, président des chrysanthèmes. On a tous oublié Hollande, président des bisous.Mais depuis le drame survenu le 11 janvier, et le regain de popularité qui s’en est suivi, on a finalement découvert le président bien dans ses pompes. Funèbres.
Un crash d’hélicoptère en Argentine durant lequel des sportifs français décèdent ? Un communiqué est rapidement rédigé par l’Elysée dans lequel le président « adresse ses condoléances aux familles et aux proches des victimes » et assure que « les services de l’Ambassade de France en Argentine et le Centre de crise du ministère des Affaires étrangères sont mobilisés pour leur apporter les informations et l’aide nécessaires. » Rien de plus normal. Mais ce n’est pas assez. François Hollande rend ensuite un hommage télévisé au « trois champions » morts « parce qu’ils voulaient repousser les frontières. »Trois jours plus tôt, le chef de l’Etat dénonçait « avec la plus grande force le lâche attentat » qui avait eu lieu la nuit précédente, dans le quartier des expatriés à Bamako.
« Esprit du 11 janvier » où es-tu ?
Un autre attentat, celui qui a eu lieu en Tunisie au musée du Bardo et qui a fait 21 victimes, dont 20 étrangers, a donné lieu à une nouvelle allocution télévisée emprunte de solennité : « Chaque fois qu’un crime terroriste est commis où que ce soit, nous sommes tous concernés. » Bien sûr, le président est dans son rôle. Mais quelque chose dans le ton donne l’impression d’un exercice mécanique, ce qui produit l’effet inverse de celui qui est recherché. Peut-être est-ce dû à cette sensation de déjà-vu ? Les hommages républicains se multiplient, mais le message est peu ou prou toujours le même : il perd donc en intensité. Le fameux « esprit du 11 janvier » que l’exécutif prétendait vouloir nourrir et faire vivre tel un feu s’éteint peu à peu. Cela n’empêchera pas le président de participer dimanche à une grande marche contre le terrorisme, organisée en Tunisie. Espérons qu’il n’y ait pas trop de pigeons dans les parages cette fois-ci…
Lorsque François Hollande se rend promptement sur les débris encore fumant d’un avion qui s’est écrasé dans nos montagnes, en plein entre-deux-tours des départementales, évidemment apparaissent des soupçons de récupération politique d’événements dramatiques. D’autant que s’ensuit un « live-tweet » de l’Elysée qui ferait passer la série 24 heures chrono pour un film d’auteur ouzbèke de 3 heures tourné en deux plans-séquences. Une telle exhibition est-elle vraiment nécessaire ? Certains membre de l’opposition semblent répondre par la négative, et se permettent même d’ironiser, à l’imagedu député UMP Lionnel Luca.