Le forum de Kidal avant même de s’achever s’est installé dans l’impasse. Comme le gouvernement n’y était pas représenté, en même que la Plateforme, pourtant co-organisatrice de l’événement, le forum de Kidal, décidément réduit en un simple rendez-vous d’un seul acteur, signataire de l’accord de paix, a déçu les attentes, y compris dans les couloirs de l’Onu. Rien n’est donc à retenir de ce forum qui a pêché par son côté d’exclusion.
Le rapport trimestriel de l’Onu sur la situation du Mali, tel qu’il a été exposé par le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon, avant-hier mardi, devant le conseil de sécurité, était bien attendu dans les milieux politiques. Non pas uniquement à cause des évolutions sécuritaires et des faits politiques marquants qui y sont scrutés, mais parce que la présentation de ce rapport coïncide, actualité nationale brûlante y oblige, avec la tenue controversée du forum de Kidal. En fait, le rapport de l’Onu est intervenu quelques jours seulement après l’organisation de cet événement, tant attendu, dans la ville de Kidal, où finalement seuls les représentants de la CMA ont fini par l’assister.
Même si le gouvernement a préféré de ne pas polémiquer sur le fiasco de l’événement, il est évident qu’il n’a pu dissimuler son amertume face à la manière quelque peu cavalière dont le forum a été organisé par la CMA. Une attitude cavalière ayant contraint les deux autres acteurs principaux du processus de paix, à savoir l’État et la plateforme, à ne pas daigner se représenter à ces assises qui avaient pourtant reçu l’assentiment de tous, en raison même de son caractère inclusif et des motivations profondes qui s’y greffaient en faveur de la paix. La plateforme, co-organisatrice de l’événement, a été brutalement éjectée à la dernière minute, car la CMA n’a pas voulu écouter son partenaire sur la nécessité de reporter l’événement pendant un laps temps, histoire, dit-on, d’articuler les derniers réglages en vue de provoquer les grandes retrouvailles nationales autour de Kidal, devenu ainsi par un tel rassemblement populaire le symbole réussi de la paix retrouvée.
Si le gouvernement, tout comme la plateforme, ont voulu ne pas en rajouter à la pression psychologique, à propos d’un rendez-vous raté, ce n’est pas le cas pour des responsables onusiens qui suivent particulièrement bien la situation sécuritaire du Mali, à travers le rapport trimestre qui vient d’être présenté devant le conseil de sécurité et qui retrace les faits saillants ayant marqué l’évolution de la situation sur le terrain. Ça n’a pas passé inaperçu : le sous-secrétaire général en charge des opérations de maintien de la paix de l’Onu, Hervé Ladsous, le chef des bien connu au Mali, a déploré, pour sa part, le fait que le forum de Kidal se soit transformé en une rencontre interne de la CMA plutôt que de réunir l’ensemble des signataires de l’accord de paix, tel que cela avait été initialement annoncé par les organisateurs de cet événement, aux préparatifs desquels le gouvernement a contribué à plusieurs dizaines de millions de francs CFA.
C’est donc un cinglant désaveu de l’Onu à l’encontre de cet événement, tel qu’il a été précipitamment organisé par des représentants de la CMA. Selon toute vraisemblance, ce forum était bien attendu par les responsables onusiens à cause de son caractère de rassemblement et d’unification de toutes les initiatives nationales en faveur de la paix retrouvée. Si Hervé Ladsous, le chef des opérations de maintien de la paix de l’Onu, a estimé son regret de voir ce forum dénaturé, comme il l’a été, transformé en une réunion intérieure des membres de la CMA, c’est bien parce qu’il s’est écarté de son objet de départ, celui de permettre à tous les acteurs nationaux, les mêmes qui ont signé l’accord de paix, de marquer ensemble leur volonté de paix autour de la ville de Kidal dont tout le monde gagnerait aujourd’hui si elle se retrouve plus rapidement dans le giron national, en vue de concrétiser l’application de l’accord de paix.
Kidal, tout comme plusieurs localités des régions nord du pays, continue, ces derniers temps, d’être le théâtre sanglant des attaques terroristes violentes. Et cela, en dépit du fait que les signataires de l’accord de paix ; CMA ou plateforme n’ont tiré aucun coup de feu, depuis que l’accord de paix est devenu inclusif. Les régions nord du pays, y compris Kidal, sont donc constamment endeuillées par les attaques terroristes qui deviennent, comme l’ont révélé les spécialistes, de plus en plus sophistiquées et planifiées à l’échelle transfrontalière. Face au péril terroriste, qui prend actuellement des proportions dangereuses avec les connexions qui s’opèrent entre les différents groupes terroristes, il est évident que le travail fractionnel sur le terrain, comme ce fut le cas de l’organisation récente du forum de Kidal, en l’absence d’une synergie nationale globale en faveur de la paix, n’est pas de nature à requinquer les populations locales autour des idéaux de paix, tels qu’ils sont clairement soutenus et défendus par l’accord de paix.
Dès lors que le forum de Kidal n’a pu engendrer ces grandes retrouvailles nationales, avec l’apport de tous les acteurs concernés, il a donc été un échec cuisant. Le fait, pour certains barons des Nations-Unies, de l’affirmer, comme tel, c’est-à-dire comme un rendez-vous manqué, est bien un signal fort, adressé aux organisateurs de ce forum, lesquels sont les seuls à en assumer la pleine responsabilité face aux engagements auxquels ils ont souscrits en faveur de la paix au Mali.
par Sékouba Samaké
Source: info-matin