Quoiqu’on puisse lui reprocher, cela ne vaudra pas un pet de lapin, suivant la philosophie de mon cousin adoré. Il aime à la folie les délices de la mondanité, et abhorre les hassidis qui n’arrivent pas à s’y faire.
Sous le coup de la fatalité, il sait retrouver un semblant d’humilité et de modestie. En un mot comme en cent, un semblant d’humanité. Mais en pleine dénégation de la réalité, il est tout autre homme. Si mon cousin ne s’était pas rendu en France, parce que malade [on sait maintenant que tu es en forme pour t’avoir vu sautiller sur la passerelle de l’avion], il en serait revenu pour nous menacer, nous intimer, dans le but exclusif de nous détourner du sens de la réalité et de la gravité de notre quotidien.
À propos, cousin, penses-tu vraiment mesurer la dureté de notre quotidien ? J’en doute. Je doute que tu sois capable de comprendre nos complaintes à longueur de journée, quand tu restes obnubilé par ton propre confort. Vois-tu, combien de tes compatriotes ont la poche suffisamment profonde et garnie pour pouvoir s’offrir des soins à Paris ? As-tu pensé à leur créer localement ces conditions ?
C’est vrai que tu es là il y a peu, depuis trop longtemps dans un certain sens, mais un signal (même faible) aurait mieux et davantage renseigné sur ta bonne foi à vouloir le faire. Je n’en ai vu aucun, cousin. Au lieu de nous donner une lueur d’espoir, tu déclines. Il y en a qui ont perdu tout espoir au point de craindre le pire pour le pays.
Oui, quelqu’un, dans ses confidences, me fit comprendre et craindre «l’imminence» du pire, supposé ou réel, si tu ne bougeais pas tes petits doigts, pour en faire quelque chose. Quel que soit le milieu, social ou professionnel, tout le monde pousse des cris pour exprimer son mal être (surtout financier). «An bi ta an komi, ka ta dja mi !», comprenez : nous ne savons plus où donner de la tête !
Et puis, tu recommences à me faire des cachoteries : tu ne m’as pas mis dans la confidence de ton petit conseil de famille, après ton retour au bercail. Des «cousins comme le mien», il n’y en a pas beaucoup. Je vous l’assure.
Issiaka SISSOKO
Source : Le Reporter