Les jeunes filles avaient réussi une opération presque parfaite. Puis la chance a tourné pour elles à la toute dernière minuteIci, la délinquance ne connaît ni pause, ni accalmie. Les paisibles citoyens sont donc invités à se tenir sur leurs gardes 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Telle est la recommandation qui est faite aux habitants de Djicoroni para en Commune IV du district de Bamako. Ce quartier jouit en effet d’une réputation dont il se passerait bien : celle de figurer parmi les lieux de la capitale où le nombre d’infractions enregistrées est le plus élevé de la mégalopole. Extrêmement rares sont ici les jours qui passent sans qu’un crime ou un délit (plus ou moins grave) ne soit signalé ici. En outre, les infractions ne sont pas le fait des seuls hommes. Dans ce quartier populaire, les jeunes femmes se mettent en évidence de la manière la moins flatteuse. Elles signalent régulièrement à travers des cas de vol, de complicité de vol et d’une multitude d’escroqueries.
Les policiers du 14ème arrondissement, sis à Hamdallaye ACI 2000 et qui sont en charge de la sécurité d’un des secteurs de cette zone, viennent de mettre la main sur une petite bande de trois jeunes filles, toutes originaires de la Guinée Conakry. Les deux premières se nomment M’Mah Soumah et Maïmouna Diallo. Elles ont entre 25 et 26 ans. Le tandem a fait preuve d’une audace et d’un savoir-faire peu communs en parvenant à subtiliser une belle quantité de téléphones portables chez un boutiquier installé au marché de Djicoroni para.
Quant à la troisième jeune fille du nom de Tady, considérée comme leur complice par les policiers, elle se trouvait un peu plus en retrait. Son rôle était de recueillir le butin de ses deux associées et de disparaître le plus rapidement possible avec. Le plan était simple. Dans sa partie la plus difficile il avait exécuté avec sang-froid par les voleuses et celles-ci avaient longtemps cru qu’elles avaient partie gagnée. Mais les choses se sont complètement gâtées pour le trio dans la dernière ligne droite. Les jeunes filles ont été appréhendées par les policiers qui se trouvaient au poste de police dans les environs immédiats du marché. Les limiers ont ensuite conduit leurs prisonnières dans les locaux de leur base au 14ème arrondissement.
Comment ces trois jeunes filles de nationalité guinéenne (comme cela ressort de leurs documents récupérés par la police) se sont-elles retrouvées impliquées dans une telle affaire de vol de téléphones portables ? Telle qu’elle nous a été narrée par le compol Makan Coulibaly du 14ème, l’affaire laisse clairement voir que les délinquantes n’en étaient pas à leur coup d’essai et qu’elles sont plutôt aguerries dans le domaine où elles avaient choisi d’opèrer.
SOUS UN FLOT CONTINU DE PAROLES. Les faits. Nous sommes en début de nuit, le 21 du mois dernier. A cette heure avancée de la soirée, le marché de Djicoroni para et ses alentours n’étaient pas encore totalement vidés. Quelques clients faisaient nonchalamment leurs dernières courses et certains commerçants qui espéraient sur une ultime bonne affaire n’avaient pas encore fermé leurs portes. Dans cette atmosphère de quasi-torpeur, deux jeunes femmes qui seront identifiées par la suite comme M’Mah Soumah et Maïmouna Diallo, originaires de la Guinée Conakry, arrivèrent au marché d’un pas nonchalant et s’arrêtèrent à quelques mètres de la petite boutique d’un certain Madou Gana. L’échoppe, bien que d’apparence modeste, était bien achalandée en appareils téléphoniques dont certains étaient de marque excellente. Nos deux dames choisirent dans un premier temps de se mettre dans un petit coin, face à la boutique de leur future victime. Elles prirent alors quelques minutes pour se donner une idée exacte de la configuration de la boutique et pour repérer les voies dont elles disposeraient pour disparaître au plus vite, une fois leur coup exécuté.
Après s’être assurées que l’opération qu’elles montaient avait de très bonnes chances de réussir et ne comportait qu’un risque minimum, M’Mah et Maï entrèrent d’un pas résolu dans la boutique. Elles trouvèrent le propriétaire lui-même, debout derrière le comptoir. Madou Gana, pour qui le client est roi, reçut avec une très grande courtoisie ses visiteuses tardives. En bon commerçant, il avait le souci de bien boucler sa journée et il se disait qu’il était fort possible que les deux jeunes filles lui apportent une aubaine inespérée. M’Mah et Maï étaient en effet d’apparence soignée et elles avaient l’allure de jeunes filles pour qui les problèmes financiers ne constituent pas un souci. Gana qui savait d’expérience que la clientèle féminine est traditionnellement celle qui porte son choix sur les appareils les plus chers se frottait déjà les mains. Il ne se doutait pas une seule seconde qu’il avait à faire à de vraies spécialistes du vol en groupe.
Dans la boutique de Madou Gana, M’Mha fut la première à engager les manœuvres d’approche. Elle fit savoir au commerçant que son amie et elle étaient désireuses d’acquérir un bon téléphone, mais qu’elles ne s’y connaissaient ni en marques, ni en fonctions. Tout en noyant son interlocuteur sous un flot continu de paroles, la jeune fille désignait du doigt des appareils soigneusement disposés sur les étagères. Pour chaque appareil, elle prenait des informations tantôt sur le prix, tantôt sur les fonctions. Au même moment, sa complice Maï, prenait en mains certains appareils et faisait semblant de les examiner de près avant de les remettre en place. Pendant plusieurs minutes, le tandem joua à merveille son rôle d’acheteuses indécises qui ne parvenaient pas à se déterminer devant une myriade de marques de téléphones.
Il faut souligner que les deux jeunes filles exécutaient à merveille leurs rôles. Car à aucun moment, Gana ne se douta de la répartition des tâches entre ses clientes. La première se chargeait d’accaparer toute son attention en le noyant sous un déluge de questions et en entamant avec lui un début de marchandage. La seconde, Maï, faisait semblant d’examiner les appareils exposés. En réalité, en circulant entre les étagères, elle raflait tous les téléphones dont elle pouvait s’emparer sans se faire voir. Le procédé fonctionna de la manière la plus efficace. En quelques minutes, Maï s’est retrouvée en possession d’une trentaine d’appareils qu’elle avait glissés en douceur dans un grand sac qu’elle avait amené avec elle pour cet usage. Beaucoup plus tard, le commerçant reconnut l’indiscutable savoir-faire du tandem. Il admit que les jeunes filles avaient réussi à l’hypnotiser littéralement pour dérober à son nez et à sa barbe une impressionnante quantité d’appareils.
PAS LA MOINDRE ÉCHAPPATOIRE POSSIBLE. Quand elles jugèrent que leur butin était suffisant et qu’il pourrait être dangereux pour elles de traîner plus longtemps dans la boutique, les deux jeunes filles sont sorties aussi tranquillement qu’elles étaient venues. Sans perdre de temps, elles ont immédiatement disparu dans une rue peu éclairée des alentours.
Ce ne fut que quelques minutes après leur départ que Madou commença à s’interroger sur le comportement de ces clientes un peu particulières. Il trouva assez bizarre que ses visiteuses aient passé un moment aussi long à discuter des spécificités et des prix des appareils sans rien acheter en fin de compte. Cela, alors qu’elles avaient laissé l’impression de vouloir acquérir un téléphone, mais en s’assurant au préalable du bon rapport qualité/prix. Ce constat fit monter un sentiment de plus en plus fort de défiance chez Gana qui se leva tout d’un coup pour aller jeter un coup d’œil sur ses étagères. Un seul coup d’œil lui fit savoir que de nombreux téléphones manquaient. Il quitta précipitamment l’échoppe pour se lancer aux trousses des deux Guinéennes qui l’avaient quitté quelques minutes auparavant. Mais avant de quadriller les alentours, le commerçant prit quand même la précaution de passer au poste de police situé juste à côté pour faire une déclaration et expliquer brièvement sa mésaventure aux policiers qui se trouvaient là à cette heure.
Entre temps, les deux jeunes femmes avaient pu rejoindre leur complice Taadi. Celle-ci avait pris place dans un véhicule de transport en commun qui était sur le point de démarrer. Les deux voleuses eurent juste le temps de remettre les appareils dérobés à Taadi qui les dissimula dans un panier contenant des produits pharmaceutiques. Mais elle n’eut pas le temps de prendre le large. Juste avant que le chauffeur ne mette le moteur en marche, les limiers arrivèrent, accompagnés de Madou Gana. Ils avaient pu s’informer auprès de diverses personnes sur la direction prise par les deux jeunes filles et avaient ainsi abouti à ce véhicule de transport en commun stationné à la gare routière. Les trois jeunes dames n’avaient plus la moindre échappatoire possible. Les fouilles corporelles et celles sur les bagages qu’elles avaient en leur possession ont permis de retrouver les téléphones dans le panier de Taadi. Les trois Guinéennes seront alors conduites dans les locaux du poste de police avant qu’elles ne soient dirigées vers la base au 14 ème arrondissement.
Confondues durant leur interrogatoire, elles ne pouvaient pas nier l’évidence. Le commerçant a en effet reconnu de manière catégorique certains de ses appareils qu’il avait auparavant décrits avec force détails aux policiers. Les preuves étaient suffisamment accablantes pour que le dossier ne s’attarde pas au niveau du commissariat. Les trois dames ont été rapidement mises à la disposition de la maison d’arrêt pour femmes et mineurs de Bollé. Elles auront tout loisir de se désoler dans les temps à venir sur le fait que tout s’est joué pour elles à quelques petites minutes près. Mais quoi de plus moral si la fortune ne sourit pas aux voleuses ?
MH.TRAORÉ
source : essor