Conformément aux pouvoirs N°011/2020/BVG du 3 août 2020, le Vérificateur général a initié une mission d’évaluation du Programme de développement socio-sanitaire (Prodess), mais exclusivement dans sa composante Santé. Dans l’optique de mieux circonscrire son mandat tout en ayant une vision précise et claire de l’intervention, la mission a décidé de porter ses travaux sur la 3ème phase du Prodess 2014-2018. Ce choix n’est pas fortuit car les conclusions de la mission pourront servir de leviers d’ajustement du prochain Prodess qui n’a pas encore connu un début d’exécution.
Le rapport précise que cette évaluation est une mission pilote d’évaluation des politiques publiques, se concentrant sur le volet 1 “Santé et Hygiène Publique” du Programme de développement socio-sanitaire III (Prodess III), sur la période s’étendant de 2014 à 2018.
A en croire le rapport, la mission a abordé l’évaluation à travers six questions regroupées en trois sous-ensembles liés aux grands questionnements de performance des politiques publiques, à savoir l’efficacité, la gouvernance et les effets.
Par rapport à la question relative à l’efficacité, les évaluateurs estiment que l’efficacité est un questionnement qui permet d’établir une corrélation entre les résultats produits par le Prodess III et les objectifs assignés.
Ainsi, l’ensemble des analyses menées par la mission indiquent que le Prodess III n’a démontré qu’une efficacité limitée sur la période d’évaluation. Sur de nombreux indicateurs de suivi du programme, les progrès sont perceptibles, mais lents et n’atteignent donc pas les cibles escomptées.
Les capacités techniques et opérationnelles du système sanitaire ont été renforcées par des formations du personnel, des achats de matériel, la construction et le renouvellement des infrastructures, ce qui ne satisfait qu’en partie les acteurs de la santé qui voient encore le décalage entre leurs moyens et les besoins réels. Le système sanitaire reste en proie au sous-financement chronique par rapport aux projections budgétaires initiales, il n’est donc pas surprenant que, confronté à un manque de moyens, il doive faire face à de nombreuses difficultés et besoins non comblés.
Les goulots d’étranglement ne sont pas uniquement imputables au manque de moyens
Tous les goulots d’étranglement ne sont toutefois pas uniquement imputables au manque de moyens. On peut notamment citer la répartition inéquitable des prestataires de santé sur le territoire, l’inefficacité d’ensemble apportée par les défauts de planification et de coordination, avec des plans établis souvent de manière non réaliste, des moyens qui ne concordent pas avec les plans, et des activités réalisées en dehors de ceux-ci. Ces problèmes ne sont pour la plupart pas nouveaux et un ensemble de bonnes pratiques et de solutions existe et est identifié dans le secteur de la santé.
A cet effet, la mission devait répondre à trois questions d’évaluation en vue de conclure sur l’efficacité de la troisième génération du programme à savoir : les objectifs assignés au Prodess III ont-ils été atteints ? Le mode de financement du Prodess III a-t-il favorisé la réalisation des activités prévues ? Quelle a été la contribution du Prodess sur les capacités techniques et opérationnelles des acteurs de sa mise en œuvre ?
En réponse, il ressort que les principaux goulots d’étranglement qui affectent l’efficacité du Prodess III sont essentiellement dus à un manque de moyens auquel les acteurs de la santé font face, en raison du mode de financement du programme, à l’insuffisance et à la mauvaise répartition des ressources humaines et à un déficit de coordination entre les actions menées dans le cadre de la mise en œuvre de l’intervention.
A cela, il faut ajouter la faible marge de manœuvre des hôpitaux sur le plan financier. Au demeurant, certains objectifs ont certainement été formulés de manière trop ambitieuse, toute chose qui ne permettait pas l’atteinte des résultats.
En ce qui concerne le mode de financement du programme, le rapport mentionne que la budgétisation du Prodess III s’est faite à partir de l’attribution des coûts aux interventions prioritaires identifiées. Le financement de la composante Santé représente 74 % du budget total du Prodess III, contre 21% et 5% respectivement pour les composantes “Social” et “Promotion de la famille”.
Ainsi, le financement du programme n’a pas favorisé la réalisation des activités prévues. En effet, le financement du système sanitaire constitue le frein principal à l’efficacité du Prodess III. Avec seulement moins de 5% du budget général d’Etat consacrés au secteur de la Santé, la mise en œuvre des activités opérationnelles est fortement affectée d’autant plus que la mise à disposition des ressources du budget d’Etat s’avère souvent difficile et tardive, que la participation des partenaires extérieurs dans le Prodess est en baisse et que la mobilisation des ressources propres au niveau communautaire est tout aussi délicate.
S’agissant de la contribution du Prodess sur les capacités techniques et opérationnelles des acteurs de sa mise en œuvre, il ressort de l’analyse des résultats des collectes de données que la mise en œuvre du Prodess III a amélioré les capacités techniques et opérationnelles des acteurs de la santé. Cette amélioration a été constatée à travers la construction ou la réhabilitation d’infrastructures sanitaires, le renforcement du plateau technique, les formations du personnel, les achats de matériels et équipements. Malgré ces progrès visibles, les moyens mis à disposition des prestataires restent dans l’ensemble faibles face aux besoins immenses de la population, ce qui crée un fort sentiment d’insatisfaction.
68% des prestataires rencontrés sont insatisfaits des moyens mis à leur disposition
En vue d’améliorer l’efficacité du Prodess, la mission recommande par conséquent au Ministère de la Santé de renforcer la coordination du programme afin d’améliorer la mobilisation et la mise à disposition efficace des financements du volet Santé et Hygiène Publique du Prodess. Elle lui recommande également d’adopter une gestion stratégique des ressources humaines pour notamment garantir un équilibre entre les affectations au niveau central et aux niveaux régional et local. Enfin la mission recommande au ministère chargé de la Santé de prévoir un mécanisme d’accompagnement des hôpitaux en tenant compte du déficit généré par le plafonnement de tarification et les gratuités instituées.
Par rapport à la question de la gouvernance, il ressort que le choix de la gestion participative comme mode de gouvernance constitue une singularité du Prodess par rapport à beaucoup d’autres politiques de santé à travers le monde. Pour se prononcer sur ce mode de gouvernance, la mission devait répondre à une seule question d’évaluation, notamment la gestion participative du Prodess a-t-elle permis une meilleure administration du service public de la santé ?
Sur la base des données collectées par la mission, il s’avère que la gouvernance du Prodess III a amélioré la gestion des questions de santé. En effet, la gestion participative qui constitue le socle de la santé communautaire a permis aux populations d’être actrices de leur propre santé dans une dynamique de démocratie locale. L’engouement ainsi créé a amené les gestionnaires d’Asaco à être plus engagés pour la réussite de la santé communautaire, en dépit du caractère bénévole de leur fonction et du faible niveau d’instruction des membres. Pour ce faire, ils ont régulièrement bénéficié d’importantes actions de renforcement de capacités de la part des services techniques de la Santé organisés autour des Directions Régionales de la Santé (DRS).
Toutefois, cette gouvernance a été affectée par un déficit de fonctionnement des organes d’orientation, de coordination et d’évaluation du Prodess pour faire fonctionner l’ensemble du système, du bas vers le haut. Ce dysfonctionnement est notamment dû à la non-tenue du nombre de réunions annuelles. En outre, d’autres contraintes identifiées dans le fonctionnement des Asaco (non-tenue régulière des réunions statutaires, déficit de collaboration avec les autorités communales, non renouvellement des organes de gestion) ont pu négativement impacter la gouvernance du système de santé.
Des insuffisances dans la fonctionnalité des organes d’orientation
La gestion participative du Prodess a permis une meilleure administration du service public de la santé. En effet, cette gestion participative a permis aux populations d’être actrices de leur propre santé. Elle a favorisé la démocratie locale et généré plus d’engouement et d’engagement des communautés à œuvrer pour la réussite de la santé communautaire, ce qui crée une forte augmentation de la satisfaction des populations desservies par un Cscom.
Toutefois, des insuffisances dans la fonctionnalité des organes d’orientation, de coordination et d’évaluation du Prodess III et certains problèmes de fonctionnement au sein des organes de gestion des Asaco et de collaboration avec les collectivités territoriales ont pu affecter la gouvernance de l’intervention. C’est pourquoi, la mission recommande au Comité de suivi du Prodess de mettre en place un mécanisme pérenne de financement des réunions des Conseils de gestion et des Crocep. Aussi, elle recommande à la Fenascom, aux Ferascom et aux Felascom de poursuivre les actions de dynamisation de la gouvernance des Asaco en vue de leur fonctionnement régulier. Enfin, la mission recommande aux Asaco et aux Communes d’améliorer leur relation de collaboration conformément à la Convention d’Assistance Mutuelle.
Quant aux effets ou impacts du programme sur la population, il s’agissait pour la mission de se demander si les populations ont ressenti un progrès dans la qualité des prestations de santé dont elles sont bénéficiaires, grâce au Prodess III.
Pour ce faire, deux questions d’évaluation ont été posées: Le Prodess a-t-il contribué à l’amélioration de la qualité des prestations de santé ? Le mécanisme de référence/évacuation prévu par le Prodess a-t-il amélioré la santé maternelle et néo-natale ?
Notons que l’analyse des données collectées par l’équipe d’évaluation permet de conclure que le Prodess III, après six ans de mise en œuvre, a effectivement produit des effets positifs sur la santé des populations. Ainsi, le Prodess III a amélioré l’accès au système de santé grâce à la construction et à l’équipement d’infrastructures sanitaires.
De plus, la politique de santé communautaire a permis de rapprocher la santé des populations tout en leur permettant d’accéder aux soins et médicaments essentiels.
C’est pourquoi, les populations sont majoritairement satisfaites non seulement de la qualité des prestations, mais aussi de la prise en charge dont elles ont bénéficié de la part du personnel médical et citent, entre autres, la qualité de la prise en charge des femmes enceintes l’efficacité du traitement des maladies saisonnières (paludisme et autres), le meilleur suivi des enfants à travers les activités de vaccination et de nutrition, et la qualité des agents de santé qui les soignent.
Les effets positifs du Prodess III restent toutefois à nuancer, puisque l’accessibilité des soins n’est pas encore effective sur l’ensemble du territoire, et les coûts des ordonnances, des évacuations ou même des déplacements vers le plus proche Cscom restent élevés pour de nombreux citoyens, notamment des dysfonctionnements locaux, des défauts de paiements des quotes-parts, l’enclavement de certaines zones d’habitation, les lenteurs de traitement des dossiers d’AMO et le manque de ressources matérielles ou humaines sur le terrain constituent encore des freins à la réalisation d’effets positifs plus notoires et durables.
95% des prestataires rencontrés perçoivent des améliorations dans le système de santé depuis 2014
En ce qui concerne l’étude de cas, les résultats auxquels elle est parvenue permettent d’arriver à la conclusion que le système de référence et évacuation prévu par le Prodess III a effectivement contribué à améliorer la santé maternelle et néonatale, grâce à une prise en charge rapide et efficace des complications obstétricales chez les femmes référées ou évacuées. Cependant, l’efficacité dudit système est sensiblement menacée par des difficultés tenant au non-paiement des quotes-parts par certains acteurs essentiels.
Les populations sont majoritairement satisfaites non seulement de la qualité des prestations, mais aussi de la prise en charge dont elles ont bénéficié de la part du personnel médical et citent, entre autres, la qualité de la prise en charge des femmes enceintes, l’efficacité du traitement des maladies saisonnières (paludisme et autres), un meilleur suivi des enfants à travers les activités de vaccination et de nutrition, et la qualité des agents de santé qui les soignent.
Néanmoins les effets positifs du Prodess III restent toutefois à nuancer, puisque l’accessibilité des soins n’est pas encore effective sur l’ensemble du territoire, et les coûts des ordonnances, des évacuations ou même des déplacements vers le plus proche Cscom restent élevés pour de nombreux citoyens. Des dysfonctionnements locaux, des défauts de paiements des quotes-parts, l’enclavement de certaines zones d’habitation, les lenteurs de traitement des dossiers d’AMO et le manque de ressources matérielles ou humaines sur le terrain constituent encore des freins à la réalisation d’effets positifs plus notoires et plus durables.
61% des bénéficiaires rencontrés perçoivent des changements dans l’état de santé des populations
Le rapport indique que le mécanisme de référence et évacuation prévu par le Prodess a amélioré la santé maternelle et néo-natale grâce à une prise en charge rapide et efficace des complications obstétricales chez les femmes référées ou évacuées.
Cependant, l’efficacité dudit système est menacée par des difficultés tenant essentiellement au non-paiement des quotes-parts par certains acteurs.
Une autre difficulté affectant l’efficacité du système réside dans le mauvais état des routes en milieu rural.
De ce qui précède, la mission recommande au Comité de suivi du Prodess de veiller non seulement à la poursuite du renforcement du plateau technique pour mieux répondre aux besoins des prestataires et des populations, mais aussi de faire un plaidoyer en vue de la poursuite des efforts de renforcement de l’accessibilité géographique et financière aux soins de santé. Aussi, elle recommande à la Canam de revoir le processus de traitement des dossiers et de paiement à temps des factures d’Assurance maladie obligatoire (AMO).
Synthèse de Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourd’hui-Mal