…Je lui aurais dit qu’il ne devrait pas essayer de répondre à toutes les critiques ou du moins chercher à nier ou à se justifier comme il le fait, souvent pas adroitement. Il a été élu par les Maliens pour trouver solutions à leurs problèmes et aucune justification autres que les actes ne pourraient mettre les citoyens en confiance. Et certains actes aussi vont créer l’irritation et alimenter les critiques. Les gens attendent et ne voient pointer aucune réponse réelle à leur préoccupation. En novembre dernier, il demandait aux populations révoltées de Gao de lui donner « un peu de temps ».
Que dire aujourd’hui à tous ces Maliens qui se posent des questions sur le leadership du pays ?
Le sentiment que le pays n’est pas gouverné est assez prégnant et cela vient du fait que les actes pour marquer le changement dans le sens souhaité se font toujours attendre.
Le Mali n’est pas un pays normal depuis le 17 janvier 2012. On ne peut y prendre le pouvoir et l’exercer de manière normale comme si de rien n’avait été. Non ! Le Mali n’est plus et ne sera plus comme avant.
Les annonces faites doivent être suivies d’actions concrètes. Une avait marqué les esprits en septembre 2013, il s’agit de l’annonce de l’enquête sur les inondations de l’hivernage 2013. Le pays a enregistré entretemps de nombreux incendies de toutes sortes. Si les résultats pour les inondations se font toujours attendre, pour les incendies nous avons eu droit à un compte rendu d’une enquête rapide qui a conclu à deux causes majeures, court-circuit et sabotage. Mais en raison de la limitation des moyens apparemment accordés à cette mission d’enquête, de nouvelles enquêtes « plus approfondies » ont été annoncées pour situer les responsabilités. A-t-on vraiment avancé ? Pour le moment en tout cas cela ne rassure personne surtout pas les investisseurs potentiels qui savent qu’ils pourraient être objet de « sabotage » de leur investissement sans que les moyens appropriés soient mis en œuvre pour traquer et punir les responsables. Ce n’est pas cela que nous voulons pour le Mali et il faut donc corriger et très rapidement les manières de faire les choses.
Besoin d’un Général actif
Le pouvoir d’Etat ne se fait pas qu’avec les sentiments partisans, qu’il laisse les opposants faire la politique de parti et lui assumer ses responsabilités d’Etat. L’exercice du pouvoir d’Etat exige la mise en place d’un État-major de gouvernance, pas de campagne. Il est donc important de profiter des immenses capacités disponibles dans le pays pour se faire bien entourer.
Les Maliens auraient été plus ou moins à l’aise de voir le Chef de l’Etat diriger des réunions de crise ou exceptionnelles en conseil restreint avec les différents Ministres concernés sur toutes les grandes questions auxquelles le pays est confronté. Mais on semble agir comme par le passé « it’s business as usual » (rien n’a changé). Le pays a besoin d’être remis au travail et l’on s’attend à des actions vigoureuses pour mettre fin à la grande corruption, à l’impunité, aux abus de confiance, au trafic d’influence, etc.
Tout le monde se pose la question « quand allons-nous retrouver notre souveraineté perdue sur l’ensemble du territoire ». Certains se risquent même à se demander allons-nous y parvenir, ce risque n’étant plus à exclure totalement (à notre corps défendant) vue l’évolution des choses. C’est moins le temps pour récupérer la souveraineté que l’incompréhension que le citoyen lambda a de la démarche qui est en cause.
Beaucoup de Maliens attendaient plus du Chef de l’Etat après les évènements du 17 mai 2014 à Kidal, mais il a voulu être conciliant et rassembleur. Ceci est de ses prérogatives mais dans quelle mesure cela assure-t-il surtout si l’on sait toute la volonté affichée par son Premier Ministre pour résoudre une fois pour toute la situation de Kidal.
Il y a comme une certaine « lourdeur » qui pèse sur le mécanisme de prise de pouvoir alors que beaucoup de Maliens ne souhaiteraient plus voir ou entendre le grincement du mécanisme de gouvernance nationale.
Si IBK voulait bien me lire
…Je lui aurais écrit que la colère ne grandi jamais un homme surtout pas un homme d’Etat.
…J’aurais ajouté que certains maliens ont eu le sentiment qu’il y avait beaucoup d’amateurisme et d’impréparation dans certaines réactions, ce qui contribue à enfler la polémique.
…Je lui aurais dit que certains de ses compatriotes se posent la question avec raison de savoir si le nouveau Premier Ministre a eu droit à un document de cadrage de la vision du Chef de l’Etat. Sa Déclaration de politique générale (DPG) a semblé respecter son nom, un document sur toutes les priorités du pays sans « priorisation ». La nomination du nouveau Premier Ministre a été bien accueillie par une grande partie des Maliens qui voit en lui un espoir de renouveau. Mais il risque d’être victime d’un certain amateurisme de certains rouages de l’Etat. Même s’il bénéficie de toutes les bonnes intentions, le chemin va être très dur. S’il affichait une volonté de recadrer les choses à la demande du Chef de l’Etat, il risque de se voir heurter à un sentiment de prise en otage du pouvoir. Et les politiciens n’auraient aucun mal à convaincre le Chef en retrait volontaire de reprendre les choses en main. Le clash, dans le temps, va être difficile à éviter avec l’attelage qui nous est présenté. Mara est à la fois la chance et le plus gros risque du Chef de l’Etat. Mais il lui faut laisser Moussa Mara faire le travail selon cette Déclaration qu’il a faite devant les députés.
Un peu d’écoute ne ferait de mal à personne, au contraire !
…J’aurais bien aimé dire à IBK qu’il y a beaucoup d’interrogations sur ce qui se passent aux sommets ( !) de l’Etat et certains maliens se demandent même si toutes les capacités nécessaires pour sortir le Mali de sa situation actuelle ont été prospectées et mises à contribution. Les comportements des uns et des autres font que l’on est en droit de s’interroger si le Mali a appris quelque de la crise qu’il n’a pas encore fini de traverser.
source : autre presse