Un réfugié malien dans le camp de Mbéra, le 4 mai 2012
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Fuyant la guerre et les haines ethniques, ils sont 74.000 Maliens réfugiés en plein désert mauritanien, l’eau manque, la mortalité infantile dépasse le seuil d’urgence: dans le camp de Mbéra, prévient Médecins sans frontières (MSF), « l’aide humanitaire déployée est insuffisante »
La guerre au Mali a commencé en janvier 2012, lorsque la rébellion touareg a pris le nord du pays avant d’être supplantée par des groupes islamistes armés.
L’armée française est intervenue le 11 janvier pour aider l’Etat malien menacé de désintégration, et poursuit depuis ses opérations dans le nord.
Le conflit a entraîné le déplacement de plus de 270.000 personnes au Mali même, tandis que 170.000 autres se sont réfugiées dans les pays voisins (essentiellement Burkina Faso, Mauritanie et Niger), selon les Nations Unies.
Dans le désert mauritanien où les températures atteignent 50 degrés à l’ombre, le camp de réfugiés de Mbéra accueille 74.000 malheureux « échoués dans le désert », selon le titre d’un rapport de MSF diffusé vendredi, chassés par les combats, la haine ethnique, l’insécurité alimentaire et l’effondrement des services de base. Le document évoque leur situation « extrêmement précaire » car ils sont totalement dépendants de l’assistance extérieure pour leur survie.
Sur la frontière mauritanienne, de nombreux villages maliens ont été partiellement ou totalement désertés par leurs populations, avait constaté un journaliste de l’AFP en février.
Pas de famine dans le camp de Mbéra, précise Marie-Christine Ferir, responsable de la réponse aux urgences à MSF, car de manière générale « les rations se sont améliorées, la nourriture est suffisante maintenant ».
« fondements ethniques et politiques »
Mais l’eau manque: les réfugiés reçoivent en moyenne 11 litres par jour, quand leur situation en exigerait 20 pour la boisson, la cuisine et l’hygiène.
Quant aux enfants, « ils devraient recevoir une ration enrichie en lait et en micro-nutriments pour ne pas tomber en malnutrition », ajoute Mme Ferir.
Les enfants arrivés en janvier au camp étaient en général bien nourris les premiers jours, mais ont rapidement présenté des symptômes de malnutrition.
« Ca met la vie des enfants en danger », s’alarme Marie-Christine Ferir. Outre les risques de séquelles neurologiques irréversibles et de problèmes immunitaires que la malnutrition peut provoquer chez les tout-petits, leur taux de mortalité a flambé: « il est actuellement au-dessus du seuil d’urgence, dont la limite est de deux décès d’enfants pour 10.000 personnes par jour. On est à 3,2 décès pour 10.000 enfants par jour », explique-t-elle.
Cela signifie qu’en moyenne, entre 23 et 24 enfants meurent chaque jour à Mbéra.
Dans son rapport, MSF insiste sur le fait que « les organisations d’aide doivent maintenir leur réponse aussi longtemps que nécessaire », leur défi étant de rehausser les « conditions de vie au niveau de standards humanitaires acceptables ».
Car « en raison des fondements ethniques et politiques de cette crise, il est peu probable de voir prochainement les réfugiés retourner au Mali », souligne l’ONG.
Comme lors de la rébellion touareg du début des années 1990, l’actuel conflit a cristallisé la haine entre la population à peau noire majoritaire, et ceux qu’elle appelle « peaux blanches », les Touareg et les Arabes, assimilés sans distinction aux rebelles touareg et/ou islamistes.
Ces « peaux blanches » ont souvent fui préventivement le Mali (45% des personnes interrogées par MSF dans le camp) par peur de représailles de la population locale ou de l’armée malienne. Ces dernières, dans les zones reprises aux islamistes, n’hésitent pas à les torturer voire les tuer, a constaté le journaliste de l’AFP.
Au camp de Mbéra, la majorité de la population est Touareg, avec également de nombreux Arabes. « Ils ne vont pas bouger de sitôt » par peur de représailles, « c’est ce qu’ils nous disent eux-mêmes », confie Marie-Christine Ferir, qui se souvient qu’ »après la rébellion des années 1990, certains étaient restés plusieurs années ».
« Je ne vois pas comment le Mali va sortir de cette crise », ajoute-t-elle sombrement.