Il était une fois dans un pays de l’Afrique Centrale un président bien connu qui disait qu’ « on n’organise pas une élection pour la perdre ». Oui, il avait raison car toutes les fois que lui, il a organisé ses élections, il les a toutes gagnées jusqu’au jour où il a été vaincu par la mort. Rien n’est puissant pour être éternel devant Dieu. Aussi donc, il est établi que notre continent est le berceau où tout président en activité est sûr de sa réélection même s’il est reconnu médiocre par une bonne partie de ses concitoyens.
Cette triste réalité est malheureusement un fait contre lequel on ne peut rien. Donc, il vaut mieux se rendre à l’évidence et laisser les présidents en exercice faire leur second mandat. Cette opinion personnelle peut ne pas plaire mais pourtant, voyons tout autour de nous et nous serons convaincus de la réalité des faits. Partout le Président candidat à sa propre succession a été élu nonobstant les irrégularités. Encore qu’il faut se rappeler ce proverbe arabe qui dit ceci : « le chien aboie la caravane passe ». Pourquoi s’adonner à une campagne onéreuse pour être roulé dans la farine ? Pourquoi dépenser toutes ses énergies physiques et morales, traversant un pays d’Ouest en Est, du nord au sud pour chuter lamentablement.
Quelle que soit la valeur intrinsèque d’un candidat, quelle que soit sa popularité affichée, il ne servira qu’à amuser la galerie parce que l’issue du scrutin est déjà connue. Ne vaudrait-il pas mieux s’abstenir car même les plus grands mystiques n’y pourront rien. Dans beaucoup de nos pays africains, le travail en amont consiste d’abord à éliminer d’une façon ou d’une autre le ou les candidats potentiels pouvant faire ombrage à notre bien déclaré candidat président. Des complots de toutes sortes sont ourdis et on les leur attribue pour les conduire devant un tribunal ad hoc. Ils sont jugés, condamnés, privés de leurs droits civiques, donc disqualifiés. Triste sort pour eux parce que, même s’ils avaient à leurs côtés les plus grands avocats du monde pour les défendre, cela ne servirait à rien.
Mon esprit est ébranlé de voir que la justice du moins certains juges que j’estime grands acceptent de se laisser corrompre en jouant à ce mauvais jeu. C’est malhonnête, c’est honteux, c’est inacceptable que de tels agissements deshumanisants soient l’attribut de certaines personnalités. Non, la justice n’est pas indépendante car elle est au service du pouvoir en place. Les élections passées, voudriez-vous recourir à la cour constitutionnelle ou comme diraient d’autres au conseil constitutionnel, peine perdue, n’allez pas amuser la galerie parce que tous vos recours même fondés seront rejetés. Souvent, il est clair que le mécanisme qui a servi à mettre la dite cour en place est tel qu’il vaut mieux ne pas en recourir.
Qu’on le sache bien, il sera très difficile pour une cour constitutionnelle d’inverser une tendance favorable au président candidat. Il faut vraiment être plébiscité pour tous les prophètes pour s’opposer au maitre du logis qui se bat avec toutes les armes offensives et défensives : la sécurité, la justice, l’argent du contribuable, les médias publics, les membres du gouvernement les nombreux troubadours, les nouveaux riches et j’en passe. Sois le meilleur candidat possible, le plus honnête possible, tu seras vilipendé, diffamé, trainé dans la boue comme un va nu pied de première heure.
Et oui, si nous voulons avoir en Afrique des élections fiables et transparentes, si nous voulons avoir des élections où les candidats iront à égales chances, il faut que les systèmes changent et que de nouvelles conditions les régissent. Bravo à la constitution Malgache où le président lorsqu’il est candidat à sa propre succession doit rendre la démission. Si cela était, beaucoup de présidents réélus avec des scores flatteurs ne réussiraient pas à cet examen de passage. Dans la grande île, c’est ce que fit Hery Rajaonarimampianina et voilà qu’il a été surclassé par Andry Rajoelina. Voici la vraie démocratie. Je ne dis pas tous, parce que parmi ceux-là qui sont candidats à leur propre succession, il y en a vraiment des valeureux qui méritent eux, leur second mandat. Seulement in faut le reconnaitre que si beaucoup parmi eux étaient soumis à l’examen Malgache, ils courberaient l’échine.
L’appétit venant en mangeant, le second mandat passé, c’est le tripatouillage de la constitution en vue d’aller à un 3ème mandat. Malheureusement là aussi, il y a des profiteurs, des naïfs, des sangsues du peuple qui sont prêts à soutenir une telle initiative pour peu que leurs intérêts soient sauvegardés rappelant ainsi Erasme « Tu vois ton prochain souffrir mille infortunes, tu n’en as cure pourvu que ton bien soit en sécurité ». Oui, pour beaucoup, c’est « Tant pis pour le Peuple, VIVE moi-même ».Dans beaucoup de nos pays, le peuple est inactif, il n’est pas vigilant et alors il en résulte que la démocratie se meurt. De l’inaction et de l’inertie du peuple, ce sont des Présidents à plusieurs mandats qui veulent s’éterniser au pouvoir tel celui-là qui depuis 1962 gère les affaires publiques de son pays.
Et cet autre ou alors ces autres qui, ployant sous le poids de la maladie et de l’âge ne renoncent pas à de nouvelles charges. Dans certains pays, la démocratie a été tellement malmenée que les dynasties sont nées car depuis plus de cinquante ans, des familles régnantes font et défont tout comme si c’était la résurgence de nouveaux royaumes. Malheureusement il se trouve là aussi des flatteurs pour applaudir sans penser à l’avenir de leur pays accroché à un roitelet.
Et alors, c’est malheureux et très malheureux de constater que dans notre beau continent, berceau de l’humanité, la cupidité et la mégalomanie de beaucoup de nos Chefs d’Etats plongeront pour longtemps beaucoup de nos pays dans une incertitude totale.
Comme le disait Villon au 17ème siècle lorsqu’il était condamné à mort : « Prions Dieu que tous nous veuillent absoudre ».
M.M.Dembèlé
Ségou Tuyè