2018 aura été pour le Mali une année difficile pour les Droits de l’Homme. Les organisations de défense des droits humains dans le pays sont toutes unanimes dans ce constat. Des restrictions ont été observées concernant la jouissance de certains droits élémentaires : manifestation, protestation ou encore liberté d’expression. Les multiples exactions commises, notamment au centre du pays, où l’insécurité va toujours grandissant, ont fini d’amener les indicateurs au rouge. À l’orée de la nouvelle année, d’importants défis restent à relever.
Rien que pour le dernier trimestre 2018, 90 cas de violations de Droits de l’Homme ont été enregistrés, occasionnant 163 victimes, dont 12 femmes et 18 enfants. En plus de 30 cas d’exécutions extrajudiciaires recensés dans le pays, on note également 5 cas de torture et 9 cas de détentions illégales. Avec 57% des cas, les régions de Mopti et Ségou sont les plus touchées. Par contre, les régions de Koulikoro et de Kidal enregistrent seulement 1% des cas. Ces chiffres proviennent du dernier rapport de l’ONU sur le Mali, publié le 28 décembre 2018. Si, selon ce rapport, la plupart de ces cas de violations de Droits de l’Homme sont commis par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et les forces de défense et de sécurité maliennes sont aussi impliqués.
Ce tableau peu enviable de la situation des droits de l’homme dans le pays inquiète les défenseurs des droits humains, qui suivent attentivement l’évolution des évènements. « De façon générale, de notre point de vue, les Droits de l’Homme sont vraiment à la peine au Mali. Qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou des droits économiques et socioculturels, il existe encore beaucoup de difficultés et des défis à relever », relève Dr Malick Coulibaly, Président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH).
Au sud du pays, plus particulièrement à Bamako, si la situation est globalement acceptable, certaines restrictions se sont néanmoins accentuées autour de libertés fondamentales, notamment les droits de manifestation et la liberté d’expression, entres autres. « Quand il y a des discriminations, quand certaines manifestations sont réprimées parce qu’interdites tandis que d’autres ne souffrent d’aucune interdiction, que le gouvernement obéit les yeux fermés à certains, c’est extrêmement grave », souligne Maitre Moctar Mariko, président de l’Association malienne des Droits de l’Homme (AMDH). Une situation mal vécue aussi au niveau d’Amnesty International Mali, où l’interdiction de la marche de protestation du 5 décembre 2018 contre le projet de loi d’entente nationale est décriée. « Le respect de l’état d’urgence se fait de manière sélective. Lors des rassemblements du Maouloud et du pèlerinage de Kita, personne ne l’a évoqué. Pourquoi, quand il s’agit des fêtes religieuses, on occulte l’état d’urgence, mais quand il s’agit d’attroupements pour manifester des désaccords et des mécontentements, on interdit les marches ? », s’interroge Ramata Guissé, Directrice exécutive d’Amnesty International Mali.
Quels défis pour 2019 ?
Bien des défis sont à relever pour cette nouvelle année en matière de Droits de l’Homme au Mali. Pour la plupart des observateurs, notamment les organisations de défense des droits humains, le défi majeur de cette nouvelle année pour les autorités étatiques du Mali est de résoudre l’épineuse problématique de l’insécurité dans les régions du centre et du nord. Pour y arriver, l’AMDH préconise le dialogue entre les communautés comme solution. « C’est aux communautés elles-mêmes de trouver les voies et moyens, en dehors de l’État, parce que à chaque fois que l’État intervient, il y a certaines communautés qui ne se sentent pas à l’aise, ayant des suspicions de soutien de l’État à d’autres », estime Maitre Moctar Mariko. La lutte contre l’impunité doit également s’accentuer. Le Président de l’AMDH penche pour des « procès emblématiques », qui feront comprendre à ceux qui s’adonnent aux violations des Droits de l’Homme que certains actes passent nécessairement par la case justice.
Dr Malick Coulibaly évoque pour sa part une lutte incisive contre la corruption, car, dit-il, « un franc détourné, c’est un droit à l’éducation ou à la santé en moins. Qui connait l’interconnexion entre les droits humains comprend aisément que la mauvaise gouvernance impacte négativement la jouissance des Droits de l’Homme ». Selon le Président de la CNDH, les efforts doivent être démultipliés pour que cette année le maximum de Maliens puisse avoir accès aux droits prescrits par la Constitution et les instruments juridiques régionaux et internationaux que leur pays a librement ratifiés.
Journal du mali